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Loi de bioéthique : l’interruption médicale de grossesse évolue

La nouvelle loi de bioéthique encadre l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple et clarifie les conditions d’interruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées.

La loi de bioéthique du 2 août 2021 modifie les dispositions relatives à l’interruption médicale de grossesse (IMG) qui, à la différence de l’interruption volontaire précoce, peut être pratiquée à tout moment de la grossesse.

Remarque : l’interruption volontaire précoce de grossesse a fait l’objet de nombreuses réformes ces dernières années. Cependant, la principale évolution portant sur l’allongement du délai de douze à quatorze semaines, pourtant approuvée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) en décembre 2020, n’a pas intégré la loi de bioéthique.

La loi ne modifie pas substantiellement l’IMG mais y apporte tout de même des changements significatifs tant dans les conditions de fond que de forme.

Encadrement de l’interruption volontaire partielle de grossesse multiple

Relativement aux conditions de fond, deux circonstances permettaient de justifier une interruption médicale de grossesse en vertu de l’ancien article L. 2213-1 du code de la santé publique :

  • une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ;
  • un péril grave pour la santé de la femme.

Ces deux circonstances n’évoluent pas mais la loi de bioéthique encadre la pratique de la réduction embryonnaire qui consiste à éliminer un embryon ou un fœtus dans le cadre d’une grossesse multiple. Elle ne peut être pratiquée que dans les douze premières semaines de grossesse, délai de l’interruption précoce de grossesse, contrairement à l’IMG classique qui peut intervenir à tout moment de la grossesse. L’article L. 2213-1, II, prévoit ainsi que, dans ce délai, une « interruption volontaire partielle de grossesse » peut être pratiquée « lorsqu’elle permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme, des embryons ou du fœtus ».

Les conditions sont plus souples qu’une IMG classique en ce que le péril, qui est susceptible d’affecter la santé de la mère mais aussi des embryons ou des fœtus selon l’âge de la grossesse, ne doit pas nécessairement être grave. Le simple péril comme l’absence de prise de poids d’un embryon ou d’un fœtus, plus généralement l’altération de son développement, ou toute complication de l’état de santé de la mère est ainsi susceptible de justifier cette interruption partielle de grossesse afin de favoriser la naissance d’au moins un enfant vivant et viable.

L’interruption volontaire partielle de grossesse répond à des conditions de forme proches de celles des autres IMG. La demande de la femme doit être examinée par une équipe pluridisciplinaire et deux médecins membres de cette équipe doivent attester que les conditions médicales sont réunies. Le couple ou la femme concernée peut également demander à être entendu préalablement par tout ou partie des membres de l’équipe.

L’équipe pluridisciplinaire compétente est en revanche spécifique. C’est « celle d’un centre de diagnostic prénatal » et les deux médecins doivent spécialement attester que « les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies ». L’aspect psychologique est expressément évoqué, ce qui semble indiquer que la difficulté pour la femme d’envisager une grossesse multiple pourrait constituer un péril pour sa santé justifiant cette IMG. D’ailleurs, le texte prévoit que l’équipe pluridisciplinaire peut requérir « si besoin l’avis d’un médecin qualifié en psychiatrie ou, à défaut, d’un psychologue ».

En revanche, le texte prévient toute dérive eugénique ou de convenance. Il précise qu’« aucun critère relatif aux caractéristiques des embryons ou des fœtus, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte ». Seul le péril de santé même largement entendu justifie cette interruption volontaire partielle de grossesse multiple.

Intégration des sages-femmes dans le processus décisionnel

En ce qui concerne les conditions de forme, la première modification consiste à intégrer les sages-femmes dans le processus décisionnel, confortant ainsi leur implication dans cet acte médical initiée par les précédentes réformes relatives à l’interruption précoce de grossesse. La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 a tout d’abord autorisé les sages-femmes à pratiquer des interruptions précoces de grossesse par voie médicamenteuse (CSP, art. L. 2212-2, al. 1er). Ensuite, un rapport d’information fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’accès à l’IVG, remis à l’Assemblée nationale, a proposé d’étendre la compétence des sages-femmes aux IVG chirurgicales (Rapp. d’information sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n° 3343, AN, 16 sept. 2020). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a mis en œuvre, à titre expérimental, cette recommandation.

Même si l’IMG reste, contrairement à l’IVG précoce, de la compétence exclusive des médecins comme le précise encore le nouvel article L. 2213-1 du code de la santé publique, la femme peut désormais choisir une sage-femme en lieu et place d’un médecin pour intégrer l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner sa demande. Une sage-femme peut également être choisie par la femme pour être associée à l’équipe du centre de diagnostic prénatal compétent pour la nouvelle IMG partielle.

IMG pour les mineures non émancipées : clarification des règles

La deuxième condition de forme concerne la mineure non émancipée, grande oubliée de l’IMG. Si une disposition importante relative à l’IVG précoce la dispense désormais de recueillir le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale, aucune disposition n’était prévue dans le cadre d’une IMG. La loi de bioéthique s’y attelle en prévoyant cependant des dispositions inverses. Le nouvel article L. 2213-2 prévoit que « si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’une des personnes investies de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli avant la réalisation de l’interruption de grossesse pour motif médical ».

Ces dispositions assouplissent les règles mais elles ne s’inscrivent tout de même pas dans le sens d’un accès facilité à l’interruption de grossesse largement consacré en cas d’interruption précoce.

Les alinéas 2 et 3 de l’article L. 2213-2 du code de la santé publique apportent des exceptions à ce principe.

La mineure émancipée peut en effet décider de garder le secret et, dans ce cas, le médecin doit seulement « s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que l’une des personnes investies de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal, soit consulté ou doit vérifier que cette démarche a été faite ».

Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche, ou si le consentement n’a pas été obtenu, l’IMG ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure doit se faire accompagner par une personne majeure de son choix, comme pour une IVG précoce.

La volonté de la mineure de pratiquer une IMG est donc respectée même en cas de refus de ses parents ou de son éventuel tuteur. Et celle-ci peut même demander à garder secret cette démarche, à l’instar d’une IVG précoce.

Obligation d’information du médecin en cas de refus de pratiquer une IMG

Enfin, la loi de bioéthique ajoute un article L. 2213-4 disposant là encore en miroir par rapport à l’IVG précoce qu’« un médecin qui refuse de pratiquer une IMG doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement les noms de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Il est vrai que cette disposition s’imposait au regard du délai de douze semaines prévu pour réaliser cette nouvelle interruption partielle de grossesse.

Suppression du délai de réflexion

La loi supprime enfin l’obligation de proposer à la femme un délai de réflexion d’au moins une semaine avant d’interrompre sa grossesse en cas de forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

 

Éditions Législatives, édition du 31 août 2021

 

Sur la loi « Bioéthique », Dalloz actualité a également publié :

Loi de bioéthique : les grandes lignes d’une réforme attendue, par Elsa Supiot le 7 septembre 2021