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Loi justice : le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du volet civil

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 21 mars 2019. Les mesures emblématiques de la réforme, publiée au Journal officiel le 24 mars, sont validées. Les Sages ont seulement retoqué la révision des pensions alimentaires qui devait être confiée aux caisses d’allocations familiales.

par Thomas Coustetle 25 mars 2019

Malgré quelques coupes franches en matière pénale, la loi de programmation de la justice a été validée dans sa grande majorité par le Conseil constitutionnel. Sur les cinquante-sept articles faisant l’objet d’une saisine, les Sages n’ont finalement censuré que treize dispositions et formulé six réserves d’interprétation. Le volet civil a passé sans encombre l’examen constitutionnel.

Révision des pensions alimentaires

Seule une des dispositions est censurée, sur lesquelles les contestations des avocats et des magistrats s’étaient cristallisées. Il s’agit de l’article 7 qui prévoyait, certes à titre expérimental, de confier aux caisses d’allocations familiales (CAF) la révision des pensions alimentaires fixées par un juge.

Nicole Belloubet avait soutenu qu’il s’agissait d’un simple ajustement selon un barème en fonction de l’évolution de la situation financière des ex-conjoints. Les juges constitutionnels y ont vu l’introduction d’un principe dangereux, à savoir la modification par une personne privée d’une décision judiciaire, sans garantie suffisante. D’autant plus que les CAF risquaient d’être en conflit d’intérêts.

Réserve d’interprétation sur la phase amiable

Par ailleurs, les Sages ont formulé une réserve d’interprétation, dans un sens favorable au juge, sur la phase amiable devenue obligatoire. En effet, l’article 3 de la loi peut subordonner la recevabilité d’une action à une tentative préalable de règlement amiable sauf « en cas de motif légitime ». Le texte parle notamment « d’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ».

Cette réserve d’interprétation renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d’indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent.

À juste titre. Fin décembre 2019, ces auxiliaires de justice seront 2 400, selon les prévisions du ministère. Toutefois, le nombre n’est pas déployé équitablement sur tout le territoire. En Ardèche, ils ne sont actuellement que deux (v. Dalloz actualité, 15 nov. 2018, interview de N. Belloubet, par M. Babonneau et T. Coustet).

Pour le reste, ces mesures, qui encouragent la « réduction du nombre de litiges soumis au juge », sont validées par le Conseil car conformes à « l’objectif de bonne administration de la justice ». Même chose pour la procédure de certification des plateformes en ligne – et payantes – de médiation.

Injonction de payer et délais de paiement

L’argument est le même pour la création de la juridiction nationale pour le traitement dématérialisé des injonctions de payer. Cette mesure a fait couler beaucoup d’encre (v. Dalloz actualité, 21 déc. 2018, art. T. Coustet isset(node/193711) ? node/193711 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193711). Nicole Belloubet a refusé, malgré les critiques, de rendre le procédé facultatif, comme le proposait le Sénat.

Cette nouvelle juridiction aura à traiter quelque 480 000 dossiers par an. Le retour à l’audience sera possible « si le juge l’estime nécessaire » et à condition que les parties « en fassent la demande ». Même chose pour les délais de paiement. Ce tribunal pourra connaître de ces demandes reconventionnelles « sans nécessairement tenir une audience », sauf si les parties le demandent. Là encore, le juge pourra s’y opposer.

Lors de la mobilisation du 12 décembre dernier, des avocats faisaient valoir que « la procédure d’injonction de payer est utilisée massivement par les établissements de crédit pour recouvrer leur créance à l’égard des particuliers et c’est à cette occasion que s’exerce le contrôle du juge sur les contrats de crédit ». Éloigner le juge de cette procédure constitue « un recul majeur dans la protection du consommateur à rebours de la jurisprudence européenne », avait critiqué l’un d’eux (v. Dalloz actualité, 21 déc. 2018, art. préc.).

Fusion des tribunaux

Le Conseil constitutionnel valide la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance dans un souci de « bonne administration de la justice », au profit d’un tribunal judiciaire à compétence étendue. En revanche, le texte a évolué depuis sa version initiale. Est, en effet, créé un juge statutaire du « contentieux de la protection » (v. Dalloz actualité, 30 sept. 2018, art. T. Coustet isset(node/192459) ? node/192459 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>192459). Son périmètre se veut, dans les grandes lignes, être celui de l’ancien juge d’instance. Sauf en ce qui concerne le contentieux civil de moins de 10 000 € et celui des injonctions de payer, qui relève désormais de la juridiction spécialisée. 

Open data des décisions de justice

Le Conseil constitutionnel a encore validé, à une réserve technique près, la publicité des décisions de justice prévue par les dispositions de la loi n° 2016-1321 sur le numérique, votée en 2016, et de l’open data. Les tiers ne pourront donc pas exploiter le nom des magistrats à des fins de profilage.

Le Conseil précise que cette alternative aurait pu conduire « à des pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice ».

La loi devrait être promulguée dans les prochains jours. 

 

Sur le volet pénal de la décision du Conseil constitutionnel, v. Dalloz actualité, 25 mars 2019, art. P. Januel isset(node/195075) ? node/195075 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>195075.