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Loi PACTE : renforcement du contrôle des investissements étrangers en France

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), en ce qu’il vise à renforcer la protection des intérêts publics lors d’investissements dans les entreprises sensibles, procède à un durcissement du régime des investissements étrangers en France.

par Xavier Delpechle 16 avril 2019

Le renforcement du contrôle des investissements étrangers constitue une tendance de fond à travers le monde. À l’échelle européenne, la Commission européenne a rendu public en 2017 un projet de règlement visant à mettre en place un cadre juridique commun et un mécanisme de coopération entre les États membres et la Commission européenne pour le « filtrage » des investissements étrangers au sein de l’Union européenne. Ce projet est actuellement en discussion (P. Bine, Investissements étrangers. Les tendances de fond en matière de contrôle des investissements étrangers, JCP 2018. 405). En France, une même tendance se dessine. Un récent décret du 29 novembre 2018 est déjà venu procéder à l’élargissement de la liste des secteurs relevant du régime d’autorisation préalable par décret, afin de mieux protéger les secteurs dits d’avenir. Il vise l’intelligence artificielle et la robotique, en particulier (décr. n° 2018-1057, 29 nov. 2018, JO 1er déc.).

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), en ce qu’il vise à renforcer la protection des intérêts publics lors d’investissements dans les entreprises sensibles, s’inscrit dans cette tendance (P. Bine, 3 questions. Les nouveaux pouvoirs d’injonction et de sanction du ministre de l’économie en matière de contrôle des investissements étrangers, JCP E 2018. 640). Il prévoit de renforcer le pouvoir d’injonction du ministre chargé de l’économie dans l’hypothèse où un investissement étranger soumis à autorisation préalable a été réalisé sans cette autorisation. Trois sortes d’injonction sont instituées : injonction à l’investisseur de déposer une demande d’autorisation, de rétablir à ses frais la situation antérieure, ou encore de modifier l’investissement. Ces injonctions peuvent être assorties d’une astreinte.

Le ministre peut également, s’il estime que la protection des intérêts nationaux est compromise ou susceptible de l’être, prendre les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires. Il peut, à ce titre, notamment prononcer la suspension des droits de vote attachés à la fraction des actions ou des parts sociales, dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable, ou encore interdire ou limiter la distribution des dividendes ou des rémunérations attachés aux actions ou aux parts sociales, dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable.

Le projet de loi confère également au ministre le pouvoir de sanctionner pécuniairement quatre manquements : la réalisation d’une opération sans autorisation préalable ; l’obtention d’une autorisation préalable par fraude ; le manquement aux conditions ; le non-respect d’une injonction. Il pourra prononcer une amende dont le montant ne pourra excéder la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l’investissement irrégulier, 10 % du montant du chiffre d’affaires annuel de la société cible, un million d’euros pour les personnes physiques et 5 millions d’euros pour les personnes morales. Par ailleurs, afin de clarifier le traitement des opérations réalisées sans autorisation préalable, le ministre aura enfin la possibilité d’autoriser une opération a posteriori, tout en sanctionnant l’investisseur qui n’aurait pas sollicité d’autorisation préalable. Il pourra toujours obtenir le rétablissement de la situation antérieure mais aussi imposer à un investisseur de solliciter une autorisation.