Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : dispositions relatives à la procédure de jugement et à l’exécution des peines

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a été publiée au Journal officiel du 23 décembre. Elle porte notamment des dispositions relatives à la procédure de jugement et à l’exécution des peines.

Dans le prolongement du rapport Guinchard qui affichait « l’ambition raisonnée d’une justice apaisée » (rapport au garde des Sceaux du 30 juin 2008), la loi du 22 décembre 2021 fait quant à elle le pari fou de restaurer la confiance en l’institution judiciaire.

Les projets de lois organique et ordinaire « pour la confiance dans l’institution judiciaire » ont ainsi été définitivement adoptés et ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel du 22 décembre 2021.

Le gouvernement ayant décidé d’engager la procédure accélérée sur ces textes, ils ont été adoptés en première lecture le 25 mai dernier par l’Assemblée nationale, puis, en des termes différents, par le Sénat le 29 septembre. La commission mixte paritaire s’est finalement accordée sur une nouvelle version le 21 octobre, laquelle a été adoptée définitivement le 16 novembre par l’Assemblée nationale et le 18 novembre par le Sénat.

Par deux décisions du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel, sur saisine du Premier ministre, a, d’une part, déclaré la loi organique conforme à la Constitution, sous quelques réserves et à l’exception des dispositions concernant l’enregistrement des audiences devant la Cour de justice de la République, et, d’autre part, constaté que la procédure d’adoption de la loi ordinaire était régulière sans toutefois se prononcer sur la conformité à la Constitution du contenu de ses dispositions.

Construite en sept titres, la loi pour la confiance en l’institution judiciaire dresse successivement le portrait des nouvelles dispositions ou des rénovations qu’elle projette. Il s’agira ici de décrypter les principales dispositions d’une loi qui n’a rien à envier aux inventaires à la Prévert.

Cet article se propose de décrypter les mesures phares de la réforme en matière de procédure de jugement et du droit de la peine. Plus précisément, cet article dresse un aperçu des dispositions relatives à l’enregistrement et à la diffusion des audiences, aux nouveautés précédant l’ouverture de l’audience devant la cour d’assises, au rétablissement de la « minorité de faveur », à la généralisation des cours criminelles départementales, l’aménagement des peines, l’exécution des peines et la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire.

Des nouveautés quant à la possibilité de filmer les procès

La loi « Badinter » du 11 juillet 1985 avait autorisé l’enregistrement de certains procès, par le biais de captations en direct, intégrales et sans le moindre montage, dans le but de constituer des archives historiques. Les dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-5 ainsi que des articles L. 222-1 à L. 222-3 du code du patrimoine en régissent le fonctionnement.

Cette possibilité constituait déjà une exception à l’article 38 ter de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 dont le premier alinéa dispose : « Dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette interdiction. »

Or, désormais, la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire instaure un nouvel article 38 quater à la loi de 1881, lequel est entré en vigueur depuis le 24 décembre 2021. Cet article constitue également une dérogation à l’article 38 ter précité et permet ainsi d’autoriser l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience, pour « un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique, en vue de sa diffusion » (art. 38 quater, al. 1er), ce qui va donc plus loin que l’« intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice » de l’article L. 221-1 du code du patrimoine.

La demande d’autorisation doit être adressée au ministre de la Justice et l’autorisation est délivrée, après avis de ce dernier, par « le président du Tribunal des conflits, le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, concernant leurs juridictions respectives ». Il est, en outre, précisé qu’une telle autorisation est délivrée « après avis du ministre de la Justice, par le président de la juridiction concernant les juridictions administratives et les juridictions comprenant un magistrat du siège membre de la Cour de cassation, et par le premier président de la cour d’appel concernant les cours d’appel et les juridictions de l’ordre judiciaire de leur ressort » (ibid.).

Un certain nombre de conditions est érigé par le texte afin de pouvoir procéder à un enregistrement, parmi lesquelles l’accord préalable et écrit des parties (art. 38 quater, al. 2). En outre, plusieurs garanties semblent être mises en place, puisqu’il est précisé que ledit enregistrement ne porte pas atteinte au bon déroulement de la procédure et des débats ni aux droits des parties et des personnes enregistrées (art. 38 quater, al. 3). La confidentialité des échanges entre l’avocat et son client est préservée, tout comme la sécurité, le respect de la vie privée et celui de la présomption d’innocence (art. 38 quater, al. 5).

Par ailleurs, le magistrat chargé de la police de l’audience peut suspendre ou arrêter l’enregistrement à tout moment. Sa décision n’est pas susceptible de recours.

L’article 38 quater nouveau s’avère également constituer une dérogation à l’article 11 du code de procédure pénale, relatif au secret de l’enquête et de l’instruction. En effet, il est désormais possible que des audiences intervenant au cours d’une enquête et d’une instruction fassent l’objet d’un enregistrement sonore ou d’une captation, tout comme les « auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d’instruction ». Dans ces trois derniers cas, l’accord préalable écrit des personnes entendues est nécessaire. Le juge d’instruction peut toutefois décider de suspendre ou d’arrêter l’enregistrement à n’importe quel moment.

Des nouveautés précédant l’ouverture de l’audience devant la cour d’assises

L’ordonnance de mise en accusation ne couvre pas forcément les vices de la procédure

Dans le cadre de son chapitre lié aux dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes, la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire insère un article 269-1 au sein du code de procédure pénale, en vigueur depuis le 31 décembre 2021, qui vient poser une exception au principe selon lequel l’ordonnance de mise en accusation couvre les vices de la procédure (C. pr. pén., art. 181, al. 4).

En effet, il apparaît qu’un accusé dispose d’un délai allant jusqu’à trois mois avant la date de sa comparution devant une cour d’assises pour saisir le président de la chambre de l’instruction d’une requête en nullité, quand bien même l’ordonnance de mise en accusation serait devenue définitive. Toutefois, il semble que cette hypothèse corresponde à la situation où « l’accusé n’a pas été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation et que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence ».

L’instauration d’une réunion préparatoire criminelle

Une autre nouveauté de la loi réside dans l’instauration, par la création d’un nouvel article 276-1 du code de procédure pénale, d’une « réunion préparatoire criminelle » organisée par le président de la cour d’assises après que ce dernier a procédé à l’interrogatoire de l’accusé. Il est précisé qu’une telle réunion se tient en présence du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties. Le but de celle-ci est de « rechercher un accord sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l’audience ». L’instauration d’une telle réunion n’est pas sans rappeler les recommandations du rapport Getti, qui proposait la mise en place d’une « audience criminelle d’orientation » (« La finalité de cette nouvelle étape consisterait à procéder à une mise en état en amont du procès criminel, afin de rationaliser la durée prévisible de l’audience et d’acter l’orientation du dossier devant la cour d’assises sur reconnaissance de culpabilité », Rapport de la commission cours d’assises et cours criminelles départementales, 11 janv. 2021)…

Toutefois, si un accord intervient, celui-ci ne fait guère obstacle à ce que le ministère public ou les parties fassent citer d’autres témoins ou experts que ceux prévus, tout comme il leur est parfaitement possible de modifier leur ordre de déposition (C. pr. pén., art. 276-1 nouv., al. 2).

Le rétablissement de la « minorité de faveur »

Enfin, il convient de souligner que, lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, la majorité des voix nécessaires à une décision défavorable à l’accusé passe de six à sept, par le biais d’une modification de l’article 359 du code de procédure pénale (art. 6, 9°). La loi semble ainsi remettre au goût du jour le principe de la « minorité de faveur ». Il faut également noter que le deuxième alinéa de l’article 362 du même code est également modifié en ce sens, puisqu’il dispose désormais : « La décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants. Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu’à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et qu’à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d’assises statue en appel. »

La généralisation des cours criminelles départementales

Enfin, l’article 9 de la loi met en place la généralisation des cours criminelles départementales à compter du 1er janvier 2023 en insérant dans le code de procédure pénale les nouveaux articles 181-1 et 181-2. En outre, un sous-titre II intitulé « de la cour criminelle départementale » vient compléter le titre Ier du livre II dudit code, regroupant les nouveaux articles 380-16 à 380-22.

Toutefois, dans l’attente du début de cette expérimentation, le législateur a chargé un comité d’évaluation du suivi de celle-ci. Ce comité comprend deux sénateurs et deux députés (art. 9, II).

Sur l’aménagement des peines

Léger palliatif à la suroccupation chronique des maisons d’arrêt, l’article 17 de la loi érige une exception à l’incarcération des personnes prévenues en maison d’arrêt, en prévoyant que ces dernières peuvent être détenues dans un établissement pour peines dans le cas particulier où elles ont interjeté appel ou formé un pourvoi en cassation contre leur condamnation à une peine d’emprisonnement et que cet établissement pour peines offre des conditions d’accueil plus favorables que celles de la maison d’arrêt où ces personnes devraient être incarcérées, eu égard aux taux d’occupation des établissements en cause.

Le texte vient également préciser que, pour les auteurs de violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, il ne sera pas possible de bénéficier de l’automaticité de la libération sous contrainte en fin de peine, et que les possibilités de réduction de peine seront restreintes.

Sur le droit de l’exécution des peines

S’il est un domaine où la loi pour la confiance se veut particulièrement novatrice, c’est à propos du droit de l’exécution des peines.

S’agissant du régime de réduction des peines, d’abord, la loi du 22 décembre dernier, se fondant sur les bases solides posées par la loi « Perben » de 2004 qui était jusqu’alors le socle normatif du droit de l’exécution des peines, vient refondre le régime actuel en supprimant les crédits de réduction de peine automatique et en fusionnant le régime avec celui des réductions de peine supplémentaire. L’objectif affiché par le législateur est clair : il s’agit de mettre fin à l’automaticité des crédits de réduction de peine au profit d’un système fondé sur le mérite et la bonne conduite des détenus. À cet égard, Éric Dupont-Moretti annonçait vouloir valoriser « les efforts et la bonne conduite envers le personnel pénitentiaire qui sont des gages tangibles de la volonté du détenu de se réinsérer ».

Le régime antérieur prévoyait trois mécanismes : les crédits de remise de peine, les réductions supplémentaires de peine et les réductions exceptionnelles de peine. En substance, les crédits de remise de peine étaient accordés de manière automatique aux personnes condamnées (à l’exception des condamnés pour des actes de terrorisme, v. C. pr. pén., art. 721-1-1) à hauteur de trois mois pour la première année d’emprisonnement prononcée et de deux mois pour les années suivantes. S’agissant de la réduction supplémentaire de peine, le juge de l’application des peines pouvait l’accorder à la personne condamnée qui manifestait des efforts sérieux de réadaptation sociale (suivi d’enseignements, suivi thérapeutique, indemnisation des victimes, etc.). Cette réduction pouvait être accordée une fois par an, dans une limite de trois mois de réduction par année d’incarcération. Enfin, à ces deux outils s’ajoutait la réduction de peine exceptionnelle qui pouvait être accordée à celui qui collaborait en matière de criminalité organisée.

Un nouveau cas est désormais prévu par la réforme, lorsqu’un condamné permet d’éviter des violences contre des agents pénitentiaires ou permet d’y mettre fin. Ce dispositif ayant vocation à s’appliquer dans des cas très particuliers, il ne fera pas l’objet de plus amples développements.

L’article 11 de la loi pour la confiance en l’institution judiciaire supprime les crédits de remise de peine et modifie le régime des autres mécanismes. Il est ainsi prévu que le juge de l’application des peines pourra accorder des réductions de peines allant jusqu’à six mois par année de détention – et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération inférieure à un an – pour les condamnés ayant « donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion ». On constatera que si la loi définit effectivement les critères d’octroi sur lesquels le juge pourra se fonder pour accorder de telles réductions de peines (absence d’incidents en détention, respect du règlement intérieur), elle ne limite pas pour autant le pouvoir du juge qui pourra, au cas par cas, décider, après avis de la commission d’application des peines, de la distribution d’une réduction de peine.

De plus, la loi enrichit d’une nouvelle hypothèse la catégorie des réductions exceptionnelles de peines en prévoyant qu’un condamné qui, au cours de sa détention, permettrait d’éviter ou mettrait fin à une action collective de nature à perturber gravement l’ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire pourra bénéficier de réductions exceptionnelles de peines.

Alors que l’exécutif se félicite de cette individualisation du régime de l’exécution des peines et du temps que le juge d’application des peines pourra consacrer aux détenus effectuant de véritables efforts en vue de leur réinsertion, l’imprécision de la rédaction du texte et la subjectivité des critères retenus génère quelques inquiétudes quant à l’application effective de ces nouvelles dispositions. Elles posent, en outre, la question des inégalités notamment territoriales qui pourraient surgir dans l’application de ce nouveau droit de l’exécution des peines.

La création d’un contrat d’emploi pénitentiaire

Afin de favoriser l’attractivité de l’emploi en détention et de renforcer les chances de réinsertion des personnes incarcérées, la loi remplace l’acte unilatéral d’engagement jusqu’alors en vigueur par un contrat d’emploi pénitentiaire.

Il est prévu que ce contrat à temps plein ou à temps partiel relèvera des juridictions administratives et que le lien contractuel pourra unir, en fonction du régime de travail, la personne détenue à l’administration pénitentiaire et/ou une entreprise, une association ou un service chargé de l’activité de travail (art. 20). Par ailleurs, la loi précise que le régime du contrat d’emploi pénitentiaire s’étendra au travail effectué en dehors de la zone de détention, sur le domaine pénitentiaire et aux abords immédiats et au travail effectué pour le compte d’un donneur d’ordre dont une partie s’effectuerait en dehors du domaine pénitentiaire. Il vient également préciser les règles relatives à la durée du travail en détention ainsi que les modalités de formation et de cessation de la relation de travail. La loi s’emploie ainsi à construire tout un régime autour du travailleur pénal.

Le processus de recrutement est formalisé et scindé en deux étapes : une première étape de classement au travail par le chef d’établissement et une seconde étape d’affectation lors de laquelle l’entreprise, l’association ou le service chargé de l’activité de travail jouera un rôle premier.

La loi vient également prévoir qu’à l’exception du motif disciplinaire, la décision de désaffectation sera prise par l’entreprise, le service ou l’association donneur d’ordre et liste les motifs de suspension du contrat d’emploi pénitentiaire.

Plus encore, un décret d’application devrait être pris en Conseil d’État en ce qui concerne la durée du travail, le repos et les jours fériés des personnes détenues dans le cadre du contrat d’emploi pénitentiaire et cela, dans un délai maximal de six mois après la publication de la loi.

Par ailleurs, la loi prévoit également que le gouvernement puisse légiférer par ordonnance pour permettre « l’ouverture de droits sociaux aux personnes détenues, dès lors qu’ils sont utiles à leur réinsertion et notamment les droits à l’assurance-chômage, vieillesse, maladie et maternité et maladie professionnelle et accident du travail ». La création d’un code pénitentiaire doit aussi faire l’objet d’une ordonnance, au même titre que la possibilité pour les détenus âgés de 16 à 29 ans de suivre une formation en apprentissage. Il s’agira donc de surveiller les ordonnances à intervenir en la matière afin de sonder si, comme annoncé, les droits sociaux des détenus connaissent effectivement des avancées significatives.

Ces dispositions relatives au nouveau contrat d’emploi pénitentiaire sont intégrées dans une section 1 bis dans le chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale intitulé « Du travail des personnes détenues » ; elles entreront en vigueur le 1er mai 2022. Dans les faits, les actes d’engagement signés avant le 1er mai 2022 resteront en vigueur, au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022, dans les conditions fixées à l’article 33 de la loi n° 20091436 du 24 novembre 2009. Durant cette période, toute personne détenue ayant précédemment signé un acte d’engagement se voit proposer la signature d’un contrat d’emploi pénitentiaire.