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« Loi pour une justice patrimoniale » : du renouveau dans les régimes matrimoniaux !

La « loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » contient plusieurs changements relatifs au statut patrimonial des époux et (très marginalement) à celui des partenaires. Au programme, deux apports majeurs : la création d’une indignité matrimoniale et la consolidation des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution.

Les innovations étant rares en droit des régimes matrimoniaux, la loi du 31 mai 2024 semble promise à de nombreux commentaires. Adoptée pour réduire les inégalités hommes-femmes, elle contient des aménagements disparates que nous envisagerons tour à tour.

Le dispositif phare : la création d’une indignité matrimoniale

Les insuffisances du droit antérieur

En premier lieu, la loi introduit une sanction nouvelle, celle de l’indignité matrimoniale. Pour comprendre cet apport, quelques précisions s’imposent.

Par contrat de mariage, des époux peuvent s’octroyer ce que l’on appelle des avantages matrimoniaux, c’est-à-dire des profits qu’ils s’accordent l’un contre l’autre. La loi leur offrant une grande liberté, ces avantages ont pris une importance capitale au sein des stratégies de dévolution patrimoniale. L’exemple de la communauté universelle permet de s’en convaincre : assortie d’une clause d’attribution intégrale, elle permet au survivant de recueillir la totalité des biens du prédécédé, en marge de tout cadre successoral.

Cela soulève une question terrible que nous poserons crûment. L’époux qui tue son compagnon doit-il bénéficier de ces aménagements ? Aussi étonnant que cela puisse sembler… le droit antérieur répondait par l’affirmative. En effet, l’avantage matrimonial n’étant ni un effet successoral, ni une libéralité, il passe entre les mailles de l’indignité successorale et de la révocation pour ingratitude. Faute de mécanisme adapté, le coupable ne pouvait donc pas en être privé (Civ. 1re, 7 avr. 1998, n° 96-14.508 P, D. 1998. 529 , note J. Thierry ; RTD civ. 1998. 457, obs. B. Vareille ; ibid. 882, obs. J. Hauser ).

La nouvelle indignité matrimoniale comble cette lacune. Pour la concevoir, le législateur s’est largement inspiré de l’indignité successorale (les connaisseurs ne seront donc pas dépaysés !). Pour autant, quelques aménagements ont été apportés, que l’on peut ramener à deux mots d’ordre : adaptation à un objet nouveau, le régime matrimonial ; sévérité envers l’époux violent. C’est ce qu’il convient d’examiner.

Les conditions de l’indignité matrimoniale

Comme en droit des successions, l’autorité du dispositif varie suivant la gravité des faits : parfois obligatoire, l’indignité matrimoniale peut aussi être facultative.

L’indignité obligatoire. Prévue à l’article 1399-1 du code civil, l’indignité obligatoire joue de plein droit en cas de faits homicides ayant abouti à la condamnation pénale de l’auteur.

S’agissant des faits reprochés, la loi reprend ceux du droit successoral. Elle vise l’homicide intentionnel et les violences volontaires ayant provoqué la mort sans intention de la donner ; l’infraction commise et l’infraction tentée ; l’auteur et le complice. Rien de neuf, en somme.

Mais s’agissant de la condamnation pénale, l’indignité matrimoniale se singularise doublement : suffisante, elle n’est pas toujours nécessaire. Elle est suffisante car aucune condition relative à la peine prononcée n’a été introduite (l’indignité matrimoniale est donc toujours obligatoire, alors que l’indignité successorale est obligatoire ou facultative suivant que la peine est criminelle ou correctionnelle). Mais l’exigence d’une condamnation n’est pas toujours nécessaire : la mort du meurtrier, lorsqu’elle provoque l’extinction de l’action publique, le rend automatiquement indigne (alors que l’indignité successorale, dans ce cas, est seulement facultative).

L’indignité facultative. Reste l’indignité facultative (art. 1399-2), soumise à trois conditions.

D’abord, la loi exige des circonstances graves. Regrettablement restrictives (mais toutes empruntées au droit successoral), ce sont :

  • les violences volontaires (tortures, viol, agression sexuelle…) contre le conjoint ;
  • le témoignage mensonger et la dénonciation calomnieuse l’exposant à une peine criminelle ;
  • la non-assistance au conjoint, victime d’une agression que le fautif pouvait empêcher sans mettre quiconque en danger.

Ensuite, l’auteur doit être pénalement condamné. Cette condition est à nouveau suffisante...

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