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Lois Justice : jours tranquilles pour le gouvernement

Pour Éric Dupond-Moretti, le passage des deux projets de loi Justice devant la commission des Lois de l’Assemblée a été serein. Jouant de sa centralité, la majorité a adopté les deux textes en supprimant certains ajouts du Sénat. Les difficultés sont plutôt venues d’amendements de la majorité et des points importants (legal privilege, régulation carcérale, compétence universelle) seront tranchés en séance.

par Pierre Januel, Journalistele 26 juin 2023

Procédure pénale : de nombreux ajouts

L’activation à distance des appareils d’une personne, pour la géolocaliser ou capter ses données, était la disposition la plus contestée. Le Sénat l’avait limitée aux délits passibles de dix ans de prison. Le gouvernement voulait revenir à cinq ans, mais son amendement a été rejeté, du fait d’une incompréhension au moment du vote. Par amendement du rapporteur Erwan Balanant, les députés ont prévu que cette activation à distance ne pourrait pas concerner les appareils utilisés par un parlementaire, un magistrat, un avocat, un journaliste, un médecin, un notaire ou un huissier.

Sur l’introduction du mécanisme de régulation carcérale, l’amendement de Caroline Abadie a été retiré (Dalloz actualité, 20 juin 2023, obs. P. Januel), mais un amendement identique de la communiste Elsa Faucillon a été rejeté d’une seule voix. La disposition reviendra en séance, le ministre espérant une initiative transpartisane. Le débat a également été renvoyé vers l’hémicycle pour l’amendement Gouffier Valente sur la compétence universelle (Dalloz actualité, 21 juin 2023, obs. P. Januel).

Les députés ont fait plusieurs ajouts à l’article 3. Sur le statut des témoins assistés, ils ont repris certains amendements des avocats, notamment pour l’accès au dossier avant l’audition ou l’interrogatoire des parties et la possibilité de demander une expertise.

En cas de comparution immédiate, lorsque les poursuites concernent un prévenu qui n’est pas en détention provisoire, il devra dorénavant comparaître au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la décision du juge des libertés et de la détention qui estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire. Le but de cet amendement est d’avoir un jugement plus rapide. Le prévenu pourra ensuite demander à l’audience de comparution immédiate un renvoi pour préparer sa défense, mais le dossier sera alors examiné sur des audiences de comparution immédiate et non sur des audiences classiques.

Par ailleurs, concernant la prolongation de sa détention provisoire, la personne détenue sera avisée au plus tard cinq jours avant la tenue du débat contradictoire, dans l’esprit de ce que prévoit la loi pour la procédure applicable à la chambre de l’instruction.

Un amendement prévoit désormais explicitement à l’article 712-13 que le condamné pourra être entendu par la chambre de l’application des peines s’il en fait la demande. Le président pourra toutefois refuser sa comparution, par décision motivée.

Pour des affaires présentant une particulière complexité devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, les députés ont prévu une procédure d’instruction spécifique, selon des modalités similaires à ce qui est prévu devant les chambres civiles.

La procédure de relèvement pour les peines rendues par une juridiction criminelle est modifiée. Il s’agit d’anticiper une probable censure par le conseil constitutionnel (Cons. const. 11 mai 2023, n° 2023-1057 QPC).

La peine d’amende pourra être convertie en travail d’intérêt général. Enfin, en justice des mineurs, un amendement rapporteur permettra au procureur d’avancer la date d’audience initialement prévue.

Dispositions civiles

Le rapporteur Jean Terlier avait un amendement sur le legal privilege des juristes d’entreprise, mais le gouvernement a demandé son retrait : le ministre souhaite aboutir à une nouvelle rédaction en séance.

Le rapport Philippe Pradal est revenu sur certains ajouts du Sénat concernant le tribunal des activités économiques, notamment pour exclure les professions réglementées du droit et limiter sa compétence en matière de baux commerciaux. Sur la contribution, les rapporteurs ont prévu qu’elle ne serait pas due par les entreprises de moins de 250 salariés.

Professions réglementées

Sur la question du Master 2 préalable à la profession d’avocat, un amendement de compromis devrait être proposé lors des débats en séance.

Par amendement de Philippe Gosselin, les stages des élèves avocats devront faire l’objet de conventions tripartites.

Le président Sacha Houlié a prévu que les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs devront dorénavant prêter serment. Les conditions d’ancienneté requises pour l’avancement au grade de premier conseiller ont été modifiées.

Statut des magistrats

Sur le texte organique, le rapporteur Didier Paris est revenu sur plusieurs dispositions introduites au Sénat. Face à la levée de bouclier, les députés ont ainsi largement supprimé la limitation apportée par les sénateurs à l’exercice du droit syndical des magistrats et de respect du « principe d’impartialité ». Les magistrats seront majoritaires au sein du jury chargé du recrutement des candidats avec une expérience professionnelle ainsi que dans le collège d’évaluation.

Les durées d’exercice minimales (3 ans) et maximales (10 ans) ont été supprimées. Par contre, la décharge des fonctions pour les présidents, procureurs, premiers présidents et procureurs généraux, ne sera plus possible pendant les trois premières années, avec des dérogations en cas de « raisons personnelles ou familiales, graves ou exceptionnelles, ou dans l’intérêt du service ». Les magistrats auront une option supplémentaire au 31 décembre quand ils atteignent la limite d’âge d’activité.

Le rapporteur a inséré dans le serment des magistrats la notion d’humanité, et supprimé la référence à l’attention portée à autrui.

Le gouvernement a été battu sur un amendement de la majorité visant à élargir l’accès à la magistrature pour les docteurs en droit. Là-aussi le texte devrait évoluer lors des débats en séance, qui débuteront le 3 juillet.