Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Les lois mémorielles ont leur place dans les programmes scolaires

L’enseignement du « génocide des Arméniens » prescrit par les programmes scolaires ne porte pas atteinte aux libertés d’expression, de conscience et d’opinion des élèves et ne méconnaît pas la neutralité du service public de l’éducation.

par Jean-Marc Pastorle 9 juillet 2018

L’association pour la neutralité de l’enseignement de l’histoire turque dans les programmes scolaires avait demandé à la précédente ministre de l’Éducation nationale d’abroger deux arrêtés du 15 juillet 2008 et du 9 novembre 2015 fixant les programmes d’enseignement d’histoire au collège parce qu’ils évoquent le « génocide des Arméniens » dans les programmes scolaires de troisième. À la suite du refus implicite de la ministre de faire droit à cette demande, l’association a saisi le Conseil d’État. Elle avait déjà essuyé deux refus de renvoi de question prioritaire de constitutionnalité sur la très laconique loi du 29 janvier 2001 qui, en un seul article pour une seule phrase, dispose que « La France reconnaît le génocide arménien » (CE 19 oct. 2015, n° 392400, Association pour la neutralité de l’enseignement de l’histoire turque dans les programmes scolaires, Lebon ; Constitutions 2015. 588, chron. L. Domingo  ; 13 janv. 2017, n° 404850). Elle soutenait cette fois que l’arrêté attaqué porte atteinte aux libertés d’expression, de conscience et d’opinion des élèves, ainsi qu’à la neutralité du service public de l’éducation.

Ses arguments sont rejetés, le Conseil d’État considérant, d’abord, que le choix d’inscrire cette question au programme n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Il juge ensuite que, « d’une part, la seule utilisation de ces termes, dont il ressort des pièces du dossier qu’ils se bornent à reprendre une formulation courante, notamment de la part d’historiens, et d’ailleurs reprise par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide Arménien, n’est pas, par elle-même, de nature à porter atteinte à ces principes ; que, d’autre part, l’objet même du programme d’histoire, tel que le fixe l’arrêté litigieux, est de faire enseigner aux élèves l’état des savoirs tel qu’il résulte de la recherche historique, laquelle repose sur une démarche critique, fondée sur la liberté de soumettre à débat toute connaissance ; que, par suite, la prescription d’un tel enseignement par l’arrêté attaqué est, en elle-même, insusceptible de porter atteinte aux libertés d’expression, de conscience et d’opinion des élèves, ou de méconnaître la neutralité du service public de l’éducation ».