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LOPMI : de nouveaux moyens pour les enquêteurs et de nouveaux délits

Les débats sur la LOPMI au Sénat ont été apaisés. Le Sénat n’a pas bouleversé le projet de loi, même si plusieurs ajustements ont été faits sur l’amende forfaitaire délictuelle, les prérogatives des enquêteurs ou l’aggravation de la répression de certains délits, dont une nouvelle circonstance aggravante de « violence gratuite ».

par Pierre Januel, Journalistele 17 octobre 2022

Déposée une première fois avant la présidentielle, redéposée par le gouvernement dans une version élaguée (v. Dalloz actualité, 8 sept. 2022, art. P. Januel), les débats au Sénat sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) ont été apaisés. La programmation budgétaire (+ 4,5 milliards pour le ministère d’ici 2027) a été avalisée et les sénateurs se sont concentrés sur le rapport d’orientation, pourtant sans portée normative. Le texte sera solennellement adopté mardi par le Sénat avant d’être transmis à l’Assemblée nationale.

Gérald Darmanin a également annoncé qu’à la suite du rapport que présentera prochainement le député Philippe Latombe, le gouvernement devrait proposer un statut unique de l’image, quel que soit le vecteur de captation (caméra, drone, caméra-piéton). L’objectif de ce futur texte devrait être d’autoriser l’introduction d’intelligence artificielle dans les images, sans pour autant permettre la reconnaissance faciale, qui, selon les mots du ministre, devrait rester interdite.

Le Sénat a débattu longuement des dispositions sur le cyber. Face aux attaques informatiques, le gouvernement souhaitait que le dépôt de plainte soit obligatoire dans les quarante-huit heures du paiement d’une rançon, afin de faire marcher une assurance aux rançongiciels. Le Sénat a préféré une obligation de déposer une préplainte dans les vingt-quatre heures qui suivent l’attaque (et non le paiement). L’article 5 sur le réseau radio du futur a été intégré au texte, sans passer par une ordonnance.

Plus de moyens pour les enquêteurs

Les enquêteurs travaillant sous pseudonyme pourront fournir des moyens financiers ou logistiques à l’auteur d’une infraction afin de favoriser la constatation de crimes ou de délits (art. 4 bis).

Le nouvel article 13 bis étend les prérogatives des agents de police judiciaire. Ils pourront effectuer davantage de réquisitions, procéder à davantage d’actes matériels de constatations, ainsi que notifier les droits de la personne en cas de vérification d’identité ou de retenue d’un étranger aux fins de vérification de ses droits au séjour. Le Sénat indique que ces attributions se feront sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

Une amende forfaitaire délictuelle revue

Pour le Sénat, comme pour le Conseil d’État, l’idée de permettre le recours à l’amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis de moins d’un an de prison (pas moins de 3 400 infractions) apparaissait disproportionnée. En commission, puis en séance, cette extension a été limitée à certains délits : tags, filouterie, modification d’un chronotachygraphe, entrave à la circulation (y compris des trains), intrusion non autorisée dans un établissement scolaire, détention sans permis de chien d’attaque, exercice illégal de l’activité de taxi, refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule ou au conducteur, transformation d’un véhicule et l’entrée par force lors d’une manifestation sportive. Cette liste est encore susceptible d’évoluer.

Par ailleurs, si l’amende forfaire éteint la procédure pénale, le Sénat a voté un amendement pour permettre à une éventuelle victime de citer l’auteur devant un tribunal pour statuer au civil sur les préjudices subis.

De nouvelles circonstances aggravantes

Sur proposition du rapporteur Marc-Philippe Daubresse, le Sénat a durci les peines concernant trois types de délits : les violences faites aux élus, les rodéos urbains et les refus d’obtempérer. Dans les deux premiers cas, le quantum maximal est alourdi. Pour les refus d’obtempérer, les possibilités de crédits de réduction de peine seront diminuées.

L’article 222-17 du code pénal sanctionne la menace de commettre un crime ou délit lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée « par un écrit, une image ou tout autre objet ». Le Sénat a supprimé la nécessité de réitération des menaces orales (art. 14 bis).

Par ailleurs, sur proposition du sénateur Michel Savin, le sénat a adopté un amendement pour considérer comme circonstance aggravante une violence « à la suite d’une réaction disproportionnée de l’auteur qui s’est senti offensé par la victime ». L’objectif est de lutter contre les « violences gratuites ». Même si cette rédaction semble peu maniable, et se surajoute aux nombreuses circonstances aggravantes déjà prévues par la loi. Le ministre a donné un avis de sagesse, pour que la réflexion puisse être poursuivie lors de la navette. Il a par ailleurs annoncé qu’avec Éric Dupont-Moretti, ils travaillaient « à la mise en place de substituts spécialisés sur le sujet des violences gratuites ». À chaque infraction, son substitut spécialisé.