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Louboutin c. Amazon : la CJUE entrouvre la porte de la responsabilité des places de marché en ligne

Dans l’affaire opposant la devenue incontournable place de marché en ligne Amazon au chausseur réputé Louboutin, la Cour de justice de l’Union européenne a, une fois de plus, été interrogée sur la notion d’usage au sens de l’article 9 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne. L’arrêt de la Cour semble, cette fois, ouvrir la voie d’une potentielle responsabilité des places de marché en ligne, jusqu’alors irresponsable, à tout le moins au regard des règles du droit des marques et conformément aux préceptes que la Cour de justice avait elle-même dégagés dans ces précédents arrêts.

Christian Louboutin est titulaire d’une marque Benelux enregistrée en 2005 et d’une marque de l’Union européenne enregistrée en 2016. Cette marque, appelée de position, se caractérise par l’apposition d’une couleur rouge caractéristique sur la semelle d’une chaussure à talon haut. Le titulaire reproche à Amazon d’avoir porté atteinte à ses droits de marques, d’une part, par l’affichage sur sa place de marché en ligne d’annonces relatives à des chaussures à semelle rouge mise en circulation sans son consentement, d’autre part, en ayant détenu, expédié et livré ces produits.

Selon le titulaire, par ces agissements, Amazon aurait joué un rôle actif dans l’usage de sa marque, justifiant la reconnaissance de la responsabilité de la plateforme sur le terrain du droit des marques. Amazon rétorque que la présence de son logo sur les annonces de vendeurs tiers, les services accessoires qu’elle propose ou bien encore le fait qu’elle créée les conditions techniques nécessaires, contre rémunération, à l’usage d’un signe identique à une marque protégée n’implique pas qu’elle utilise le signe dans le cadre de sa propre communication commerciale.

Les juridictions de renvoi, quant à elles, relèvent que le fonctionnement d’Amazon diffère du fonctionnement de certains autres sites internet de vente en ligne, qui se contentent d’exploiter une place de marché en ligne dont les annonces proviennent exclusivement de vendeurs tiers. Elles se demandent alors si le mode de fonctionnement différent d’Amazon, qui procède d’un regroupement sur un site internet de vente en ligne tant des annonces de tiers que de l’exploitant du site internet, pouvait induire l’usage d’un signe identique à une marque par l’exploitant lui-même.

Dans un tel contexte, les juridictions questionnent le rôle à donner à la perception du public quant à l’imputabilité d’un tel usage. Elles se demandent également si l’exploitant qui fournit notamment un service d’expédition de produits revêtus d’un signe identique à une marque enregistrée fait usage du signe au sens de l’article 9, § 2, sous a) du règlement (UE) 2017/1001. Ainsi, les juridictions de renvoi décident d’interroger la Cour afin de déterminer si l’exploitant d’un site internet de vente en ligne, qui propose, en sus de ses propres offres à la vente, une place de marché en ligne, fait lui-même usage, au sens de l’article 9, § 2, du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne, d’un signe identique à une marque enregistrée, lorsque les tiers vendeurs proposent à la vente sur cette même place de marché en ligne des produits revêtus de ce signe sans le consentement du titulaire.

La notion d’usage dans la vie des affaires

La Cour revient en premier lieu sur la notion de « faire usage » qui, n’étant pas définie par les textes, a dû faire l’objet d’un encadrement jurisprudentiel. Elle cite alors son arrêt Coty Germany (CJUE 2 avr. 2020, aff. C-567/18, D. 2020. 1599 , note A. Mendoza-Caminade ; ibid. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2021. 443, obs. J.-P. Clavier ; Dalloz IP/IT 2020. 446, obs. C. Maréchal Pollaud-Dulian ; Légipresse 2020. 633, étude Y. Basire, M.-S. Bergazov, C. de Marassé-Enouf, C. Piedoie, M. Sengel et R. Soustelle ; RTD civ. 2020. 910, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2020. 343, obs. J. Passa ; RTD eur. 2021. 1000, obs. E. Treppoz ; Propr. intell, n° 76, comm. Y. Basire), dans lequel elle avait retenu que le tiers « fait usage » du signe lorsqu’il a un comportement actif, impliquant une maitrise directe ou indirecte de l’acte en cause (pt 27), en ce que, naturellement, seul le tiers...

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