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Loyauté de la preuve et sonorisation des locaux de garde à vue

La conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de deux suspects dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participe d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves.

par Sébastien Fucinile 27 janvier 2014

La chambre criminelle, par un arrêt du 7 janvier 2014, affirme que la mise en place, durant l’exécution d’une garde à vue, d’une mesure de sonorisation des cellules des suspects, placés à dessein dans des cellules contiguës, est un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves. La sonorisation des cellules avait permis d’obtenir l’enregistrement de propos par lesquels l’un des suspects, échangeant avec l’autre gardé à vue, s’était lui-même incriminé. Si la chambre de l’instruction n’avait vu là aucune cause de nullité en raison de la validité des deux mesures, la chambre criminelle y voit une violation du droit au procès équitable et du principe de la loyauté des preuves.

Il est vrai que les mesures critiquées, la garde à vue et la sonorisation, avaient été effectuées conformément aux dispositions les régissant. Les deux suspects avaient été placés en garde à vue pour un des motifs visés à l’article 62-2 du code de procédure pénale, et non pas dans l’objectif d’enregistrer les propos qu’ils pourraient échanger pendant les périodes de repos. En outre, la mesure de sonorisation avait été autorisée par le juge d’instruction conformément à l’article 706-96 du code de procédure pénale.

Ces arguments ne sont cependant pas, pour plusieurs raisons, convaincants. Tout d’abord, la garde à vue est une mesure de contrainte particulièrement éprouvante pour celui qui en fait l’objet. La privation de liberté et les auditions qui y sont associées justifient, sur le fondement du droit au procès équitable, un régime assurant des droits au suspect. Ainsi a-t-il le droit d’être assisté d’un avocat lors des auditions et dispose-t-il du droit de se taire (C. pr. pén., art. 63-1, 3°). L’intéressé faisait valoir, à l’occasion de son pourvoi, que les policiers avaient violé par cette mesure de sonorisation et par la transcription des propos par lesquels il s’incriminait, son droit de se taire. On ne saurait souscrire à cette analyse, dès lors que ce droit n’est reconnu, au terme de l’article 63-1 du code de procédure pénale, que « lors des auditions ». Il n’en demeure pas moins que le cadre de contrainte que constitue la garde à vue s’accommode mal de l’usage simultané d’autres actes d’investigation attentatoires aux libertés, dans le but d’obtenir la preuve recherchée. Certes, le placement en garde à vue a bien été fondé sur un des objectifs visés à l’article 62-2, mais cette mesure a, ensuite, été détournée dans l’objectif d’obtenir des aveux par un procédé que ne permettent pas les dispositions relatives à la garde à vue.

Ensuite et surtout, l’ensemble que constitue le placement en garde à vue des deux suspects, la mise en œuvre par le juge d’instruction d’une mesure de sonorisation et le fait de placer les suspects, pour ce faire, dans des cellules...

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