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L’enregistrement subreptice réalisé par une partie privée est un moyen de preuve admis lors du procès pénal, le « laisser-faire » des enquêteurs quant à son recueil leur conférant un rôle passif dont on ne saurait déduire leur participation, directe ou indirecte.
par Warren Azoulayle 17 novembre 2017

Quêter la vérité est parfois le cœur même du procès pénal et, si la preuve peut alors être rapportée par tout moyen, c’est à la condition qu’elle soit contradictoirement discutée lors des débats (C. pr. pén., art. 427). Néanmoins, si les parties privées ne sont pas astreintes au respect de la loyauté des preuves en procédure pénale, de sorte que les parties civiles peuvent parfois les « préconstituer » pour démontrer l’infraction dont elles se prétendent victimes, les autorités publiques se doivent pour leur part de l’administrer loyalement, même si la jurisprudence a pu se montrer particulièrement souple concernant les enquêteurs (AJ pénal 2005. 261, note C. Ambroise-Castérot ).
En l’espèce, deux journalistes publiaient un livre en 2012 sur Mohammed VI, roi du Maroc. Un second opus étant prévu, lequel était susceptible de contenir des informations préjudiciables pour la famille royale, le conseil du monarque faisait savoir au parquet que les auteurs étaient prêts à renoncer à l’œuvre contre une somme d’argent. À l’appui d’une plainte avec constitution de partie civile déposée le 20 août 2015, un enregistrement sonore réalisé le 11 août était versé au dossier. Une enquête préliminaire était ouverte, une seconde rencontre avait lieu le 21 août en un endroit placé sous surveillance policière et, un second enregistrement étant réalisé, les enquêteurs le retranscrivaient sur procès-verbal (PV). Il était fait mention d’un arrangement contractuel, les auteurs s’engageant à ne pas publier l’ouvrage et le roi à verser un prix. Une information judiciaire était ouverte, et le conseil du souverain faisait savoir qu’une troisième rencontre allait avoir lieu. À son occasion, une somme d’argent était remise aux journalistes, le tout étant enregistré et l’enregistrement transmis aux enquêteurs pour retranscription. Mis en examen des faits de chantage et d’extorsion de fonds, les journalistes saisissaient la chambre de l’instruction d’une requête en annulation des PV que les juges du second degré rejetaient. La chambre criminelle considérait pour sa part que l’autorité publique avait participé de façon indirecte à l’administration d’une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une partie privée, procédé portant atteinte aux principes du procès équitable (Crim. 20 sept. 2016, n° 16-80.820, Dalloz actualité, 22 sept. 2016, obs. S. Fucini ; Just. & cass. 2017. 206, rapp. N. Bonnal
; ibid. 223, concl. P. Lagauche
; AJ pénal 2016. 600, obs. C. Ambroise-Castérot
; RSC 2016. 797, obs. F. Cordier
)
Se prononçant sur renvoi, la chambre de l’instruction rejetait de nouveau les requêtes en annulation des intéressés. Au regard des positions divergentes entre les juges du fond et la juridiction suprême, et compte tenu de ce que la décision rendue par la juridiction d’appel était attaquée par les mêmes moyens, l’affaire était renvoyée devant la Cour de cassation en formation plénière (C. pr. pén., art. 619 ; COJ, art. L. 431-6).
La juridiction suprême censure l’argumentation de la chambre criminelle. Elle considère en effet que n’est établie aucune entente ou collusion entre les enquêteurs et la personne procédant aux enregistrements clandestins dès lors que, se trouvant à l’extérieur des lieux surveillés, ils ne pouvaient de surcroît avoir connaissance de ses manœuvres et de son intention lors du second rendez-vous et ne pouvaient que « [s’en] douter » au troisième. Elle précise en outre que la participation indirecte des autorités publiques n’est caractérisée qu’à la condition que soit démontré un acte positif de leur part, ces derniers n’ayant eu qu’un rôle passif en « laissant faire » la partie défenderesse, et rappelle sa jurisprudence selon laquelle les écoutes téléphoniques sont admises dès lors qu’elles sont réalisées « sans actes positifs de l’autorité publique susceptibles de caractériser un stratagème constituant un procédé déloyal » (Crim. 14 avr. 2015, nos 14-87.914 et 14-88.515, Dalloz actualité, 12 mai 2015, obs. S. Fucini isset(node/172526) ? node/172526 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>172526).
Il est vrai que la chambre criminelle a solidement ancré le principe selon lequel « aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale » (Crim. 7 févr. 2006, n° 05-81.888 ; 24 avr. 2007, n° 06-87.656, Dalloz jurisprudence), son rôle étant limité à en apprécier la valeur probante (Crim. 15 sept. 1999, n° 98-87.624, D. 1999. 260 ). L’admission de moyens de preuves, tant illicites que déloyaux, n’est ainsi pas récente en droit français et la Cour de cassation a en ce sens accueilli des enregistrements audiovisuels réalisés au moyen d’une caméra dissimulée dans une bouche d’aération afin d’établir la preuve d’une soustraction frauduleuse (Crim. 27 janv. 2010, n° 09-83.395, Dalloz actualité, 17 mars 2010, obs. C. Gayet
; AJ pénal 2010. 280
, étude J. Lasserre Capdeville
; Rev. sociétés 2010. 241, note B. Bouloc
; RTD com. 2010. 617, obs. B. Bouloc
) ou encore l’enregistrement téléphonique d’un conjoint dans le cadre d’une procédure de divorce (Crim. 31 janv. 2007, pourvoi n° 06-82.383, D. 2007. 1817, chron. D. Caron et S. Ménotti
; AJ pénal 2007. 144
; RSC 2007. 331, obs. R. Filniez
).
Cette décision s’accorde par ailleurs avec la jurisprudence de Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ayant avancé en la matière que l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme ne réglemente nullement l’admissibilité des preuves, que celle-ci relève au premier chef du droit interne, et que quand bien même l’enregistrement d’une conversation téléphonique serait-il réalisé entre deux personnes privées à la demande des services de police, laquelle serait donc illicite, le procédé déloyal n’aurait pour autant pas d’incidence sur le caractère équitable de la procédure (CEDH 12 juil. 1988, Schenk c. Suisse, req. n° 10862/84, § 45-46).
Cette décision illustre également l’absence d’une définition précise dont souffre la notion de « loyauté » aux contours tracés par l’appréciation souveraine des juges, carence que le législateur n’entend pas combler. Pour cause, il ressort de l’examen des travaux parlementaires relatifs à la loi sur la présomption d’innocence (L. n° 2000-516, 15 juin 2000) que la volonté d’intégrer l’exigence d’une loyauté de la preuve dans l’article préliminaire du code de procédure pénale avait achoppé lors de la navette. Les sénateurs opposaient que cette notion n’était pas adaptée au droit français « compte tenu de la marge d’appréciation très grande qu’[elle] laisse au juge » (v. Rapp. Sénat, n° 419, obs. C. Jolibois).
Nonobstant la position d’une partie de la doctrine considérant que l’on peut agréer « un certain emploi de la ruse au cours de l’enquête de police », d’autres rétorquent avec justesse qu’il est « difficile d’admettre que, dans la phase préparatoire au procès pénal, soit méconnu un principe considéré comme fondamental dans les phases subséquentes […] de la procédure » (v., not., Rép. pén., vo Preuve, par J. Buisson, n° 126).
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