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Est conforme à la Constitution l’article 1er de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
par Dorothée Goetzle 16 mars 2021
Dans cette QPC particulièrement attendue, il s’agit de savoir si le législateur, en ne prévoyant pas de garanties suffisantes en cas d’usage par les forces de l’ordre de la technique dite de « l’encerclement » n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence. La « nasse » aussi appelée « technique de l’encagement » ou « confinement » est une technique policière consistant à encercler la foule, souvent utilisée par les forces de l’ordre lors des manifestations. Elle se définit comme « une tactique policière de contrôle des foules qui consiste à cerner physiquement des manifestants de façon à les circonscrire dans une zone donnée et à contrôler l’accès à cette zone comme ses issues, l’objectif étant de prévenir les troubles ou de préserver la sécurité publique » (Rép. pén., v° Manifestations, par P. Murbach-Vibert). En 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme, saisie à la suite d’une manifestation ayant eu lieu à Londres en 2001, avait jugé cette pratique « légale » en raison du « risque réel » que la manifestation dégénère. Les juges avaient toutefois souligné que « les autorités nationales doivent se garder d’avoir recours à des mesures de contrôle des foules afin, directement ou indirectement, d’étouffer ou de décourager des mouvements de protestation » (CEDH 15 mars 2012, Austin et autres c/ Royaume-Uni, n° 39692/09, Dalloz actualité, 30 mars 2012, obs. C. Fleuriot ; AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ). Dans un rapport de 2017, le Défenseur des droits a de son côté estimé que « le cadre légal » de la nasse était « très incertain, voire inexistant » et a recommandé la suppression de cette pratique.
En l’espèce, cette QPC fait suite à un rassemblement contre la réforme des retraites ayant eu lieu le 21 octobre 2010 et au cours duquel 700 manifestants ont été encerclés pendant plusieurs heures par les forces de l’ordre.
Le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 21 janvier 1995 dans sa rédaction résultant de la loi du 18 mars 2003 prévoit que l’État a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens. Les requérants, sur la base de cette disposition, font grief au législateur de ne pas avoir défini les conditions du recours à cette technique de maintien de l’ordre pour assurer la proportionnalité des atteintes qu’elle est susceptible de porter à la liberté individuelle, la liberté d’aller et de venir, la liberté de communication et d’expression et au droit d’expression collective des idées et des opinions.
Il est vrai que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être à l’origine de déclarations d’inconstitutionnalité (Cons. const. 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC, Dalloz actualité, 17 juin 2013, obs. A. Portmann ; AJDA 2013. 1252 ; ibid. 2014. 142, étude E. Quinart ; D. 2013. 1477 ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ pénal 2013. 556, obs. J.-P. Céré ; Dr. soc. 2014. 11, chron. S. Tournaux ; ibid. 760, chron. S. Tournaux ; RDT 2013. 565, obs. C. Wolmark ; RDSS 2013. 639, note S. Brimo ; Constitutions 2013. 408, chron. M. Ghevontian ). Toutefois, ce grief ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit (V. Rép. Contentieux administratif, v° Question prioritaire de constitutionnalité, par M. Guillaume). En l’espèce, les dispositions contestées sont uniquement destinées à reconnaître à l’État la mission générale de maintien de l’ordre public. Rédigée en des termes généraux, cette disposition de principe ne définit pas les conditions d’exercice de cette mission et est silencieuse sur les moyens susceptibles d’être utilisés pour assurer le maintien de l’ordre public.
Ce faisant, le Conseil constitutionnel en conclut qu’il ne peut pas être fait grief à ces dispositions de ne pas encadrer suffisamment le recours à une technique de maintien de l’ordre particulière, en l’espèce la méthode dite de l’encerclement. En conséquence, les dispositions contestées sont déclarées conformes à la Constitution.
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