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Article
Maintien de la nature administrative d’une opération de police en présence d’une infraction pénale
Maintien de la nature administrative d’une opération de police en présence d’une infraction pénale
La circonstance que les forces de l’ordre aient été, au cours d’une opération de police administrative, en présence d’une infraction pénale, n’a pas pour conséquence de requalifier cette intervention en opération de police judiciaire.
par Estelle Benoitle 5 mai 2020
Le 17 mars dernier, une cinquantaine de migrants a, dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre, investi la rocade portuaire de Calais, formé des barrages et tenté de s’introduire à l’arrière des poids lourds. Loin d’être un événement isolé, la présence d’étrangers sur la route menant à l’Eurotunnel fait régulièrement intervenir les forces de police. L’opération du 20 juin 2016 en est un exemple. Les fonctionnaires y avaient été envoyés afin de démanteler les barrages et éloigner les migrants de la voie publique, à l’aide, au besoin, de gaz lacrymogènes et de lanceurs de balles de défense. Au cours de l’intervention, M. K., un des migrants attroupés, prétend avoir été grièvement blessé à la tête par un projectile provenant d’un lanceur de balles de défense. Il a ainsi saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille afin que lui soit désigné un expert chargé d’apprécier les conséquences médicales de ses blessures et d’évaluer l’ensemble du préjudice subi. Par une ordonnance du 7 janvier dernier, le juge s’est déclaré incompétent pour connaître du litige, qualifiant la nature de l’opération de police de judiciaire et non d’administrative. M. K. a relevé appel de la décision auprès de la cour administrative d’appel de Douai.
Il revenait ainsi à la CAA de statuer sur la nature de l’opération de police afin d’identifier la juridiction compétente.
L’interrogation provenait du fait que les forces de l’ordre s’étaient trouvées en face d’entraves à la circulation, lesquelles constituent un délit au regard des dispositions de l’article L. 412-1 du code la route. Or, il revient à la police judiciaire, en vertu de l’article 14 du code de procédure pénale, de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs.
Néanmoins, la CAA rappelle l’objectif de la mission pour laquelle la police était intervenue : « […] même si l’occupation de voies publiques constitue un délit d’entrave […], il résulte de l’instruction […] et sans qu’y fasse obstacle la circonstance mentionnée dans le compte-rendu de la direction départementale de la sécurité publique de l’existence d’entraves à la circulation, que les forces de police avaient été dépêchées sur place pour maintenir l’ordre public et non pour constater des infractions à la loi pénale et en rechercher les auteurs ». Elle en conclue que « l’opération de maintien de l’ordre du 20 juin 2016 revêtant dès lors le caractère d’une opération de police administrative, la juridiction administrative est compétente pour connaître d’un litige portant sur la responsabilité de l’État quant à ses compétences dommageables ».
Autrement dit, les forces de police ont certes agi en présence d’infractions pénales, mais leur action ne visait pas à en interpeller ni à en intercepter les auteurs sur ce motif sinon à les faire se déplacer hors de la voie publique et à rétablir la circulation, dans un souci, de toute évidence, de sécurité et de tranquillité publiques.
En somme, ce sont les actes effectifs des forces de l’ordre et l’objectif qui les sous-tendent qui déterminent la nature administrative ou judiciaire de l’opération de police. Le simple contexte dans lequel elles agissent n’a pas d’influence sur cette nature.
En outre, la CAA rappelle la compétence du juge administratif en matière de responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure – au titre des dégâts et dommages résultants des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés contre les personnes et les biens – et ce, « y compris s’agissant d’un éventuel participant à l’attroupement, alors même qu’auraient été commis des crimes ou délits par les personnes s’étant attroupées ».
L’ordonnance est ainsi annulée et il est fait droit à la demande d’expertise.
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