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Maintien temporaire de l’asymétrie des dispenses de serment

Selon le Conseil constitutionnel, le fait que les dispenses de serment ne soient pas prévues pour les mêmes personnes devant un juge d’instruction et devant une cour d’assises ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi. 

Dire toute la vérité, rien que la vérité. Tel est le serment des témoins entendus au cours de l’information judiciaire (C. pr. pén., art. 103). Le principe est que toute personne citée pour être entendue comme témoin doit prêter ce serment, tant dans le cadre d’une commission rogatoire (C. pr. pén., art. 153) que directement devant le juge d’instruction (C. pr. pén., art. 109). Il existe toutefois des exceptions. D’abord, ceux qui ne sont pas entendus en tant que simple témoin : le mis en examen, le témoin assisté (C. pr. pén., art. 113-7), le suspect gardé à vue (C. pr. pén., art. 153), le suspect auditionné librement et la partie civile. Pour les premiers, l’obligation de prêter serment porterait atteinte à leur droit de garder le silence (CEDH 14 oct. 2010, Brusco c/ France, n° 1466/07, Dalloz actualité, 22 oct. 2010, obs. M. Léna ; D. 2010. 2950 , note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin ; RSC 2011. 211, obs. D. Roets ). Pour la partie civile, c’est parce qu’elle est partie et qu’elle défend ses intérêts qu’elle ne prête pas serment. Enfin, les mineurs de seize ans sont entendus sans prestation de serment (C. pr. pén., art. 108).

Cependant, les textes qui ont été cités ne valent que pour l’information judiciaire. D’autres dispositions régissent le serment devant la cour d’assises. Ainsi, s’il est aussi prévu que seuls les témoins, à l’exclusion des mineurs de seize ans, et non les parties prêtent serment (C. pr. pén., art. 331), il existe en revanche devant la juridiction criminelle un plus grand nombre de dispenses : n’ont pas à prêter serment les témoins cités par le président de la cour d’assises (C. pr. pén., art. 310) ainsi que les ascendants et descendants de l’accusé et leurs alliés, ses frères et sœurs et leurs alliés, son conjoint, concubin ou partenaire de PACS et ses coaccusés (C. pr. pén., art. 335). Par renvoi, ces dispenses jouent également devant la cour criminelle départementale (C. pr. pén., art. 380-19). Devant les tribunaux correctionnels et les tribunaux de police, des dispositions spécifiques (C. pr. pén., art. 446 s. pour le tribunal correctionnel et par renvoi de l’art. 537 pour le tribunal de police) prévoient des dispenses sensiblement analogues à celles prévues devant les cours d’assises.

Ces différences de régimes ont fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité dans une affaire criminelle. Par une décision du 1er décembre 2023, le Conseil constitutionnel a estimé que les textes relatifs au serment en phase d’instruction ne méconnaissaient pas la Constitution.

Selon le Conseil constitutionnel, l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité tirerait plusieurs griefs du régime des dispenses de serment devant le juge d’instruction. Tout d’abord, le fait qu’une partie civile n’a pas à prêter serment alors que cette obligation pèse sur la victime qui apporte un témoignage méconnaîtrait les principes d’égalité devant la loi et devant la justice. Ensuite, la méconnaissance des mêmes principes est invoquée en raison d’une différence de traitement entre le concubin d’un mis en examen et le concubin d’un accusé, qui, dans le deuxième cas, bénéficie de la...

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