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Article

Le maire de Sanary-sur-Mer reconnu coupable de six délits d’atteinte à la probité
Le maire de Sanary-sur-Mer reconnu coupable de six délits d’atteinte à la probité
Le 7 septembre 2020, le tribunal correctionnel de Marseille a reconnu notamment le maire de la ville de Sanary-sur-Mer coupable des chefs de détournement de fonds publics, prise illégale d’intérêts, favoritisme et recel de favoritisme et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement, dont trente mois assortis du sursis, à la confiscation des biens immobiliers, ainsi qu’à cinq ans de privation de ses droits civils et civiques.
par Julie Galloisle 7 octobre 2020

Dans cette espèce, il était reproché au maire de la ville de Sanary-sur-Mer pas moins de six délits portant atteinte de la probité (v. pour un état des lieux rapide, v. J. Mucchielli, Ferdinand Bernhard, maire depuis trente ans, jugé pour six délits économiques, Dalloz actualité, 9 juin 2020).
Tout d’abord, le maire se voyait doublement reprocher les faits de détournement de fonds publics.
Il lui était, en premier lieu, reproché d’avoir utilisé son véhicule de fonction pour lequel la mairie avait à sa charge les dépenses d’acquisition, d’entretien, d’assurance, d’essence, pour réaliser, en plus des trajets publics, des trajets privés. Il était notamment parti, à plusieurs reprises, en vacances avec sa collaboratrice et compagne notoire et avait effectué ses trajets travail-domicile. Or aucune disposition du code général des collectivités territoriales ne prévoit la possibilité d’attribuer une voiture de fonction aux exécutifs locaux. Seuls les frais de route peuvent être pris en charge par la commune, après délibération du conseil municipal, conformément à une circulaire ministérielle du 15 avril 1992, ce dont il n’avait pas été rapporté ni même allégué.
Il lui était, en second lieu, reproché d’avoir nommé cette même compagne, dès le début de leur relation, de septembre 2009 à avril 2014, au poste de directeur général des services (DGS), un mois après qu’elle a été recrutée aux fonctions de contrôleur de gestion en contrat à durée déterminée, et pour lequel elle percevait un salaire accompagné diverses primes, pour un montant annuel cumulé de plus de 60 000 €. Outre le fait que la collaboratrice reconnaissait elle-même « que ses compétences n’étaient pas en adéquation avec le poste », « qu[’elle avait] accédé à ce poste aussi rapidement du fait de [s]es relations avec [le maire] », le problème était que cette dernière ne pouvait prétendre au poste de DGS pour des raisons statutaires et qu’« aucun acte n’avait concrétisé ces fonctions », tout du moins entre janvier 2011 et avril 2014. La compagne du maire avait, par ailleurs, à compter de cette dernière date, à laquelle elle avait retrouvé son poste d’attaché territorial pour lequel elle avait initialement été embauchée – conséquence d’une relation qu’elle avait entretenue avec le jardinier de la commune –, continué à percevoir son salaire de collaboratrice de cabinet. Compte tenu des faits d’emploi fictif, la comparaison avec l’affaire Fillon était ici prévisible (v. J. Mucchielli, Procès de Ferdinand Bernhard : « C’est pas Pénélope et François que vous avez devant vous ! », Dalloz actualité, 11 juin 2020), d’autant plus que la soi-disant collaboratrice était également poursuivie, dans la présente espèce, des chefs de recels de prise illégale d’intérêts (v. infra) et de détournement de fonds publics, délits pour lesquels a été déclarée coupable et condamnée à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 € d’amende.
Pour les juges marseillais, les deux délits de détournement de fonds publics étaient caractérisés. Compte tenu des faits, cette double condamnation ne saurait surprendre.
Certes, même si ce débat ne semble pas avoir été soulevé par le prévenu, il importe de rappeler que l’article 432-15 du code pénal réprimant le détournement de fonds publics est uniquement applicable envers « une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l’un de ses subordonnés ». En effet, contrairement aux autres infractions, telles que la corruption, le trafic d’influence (C. pén., art. 432-11, s’agissant de la corruption ou du trafic d’influence passifs), la prise illégale d’intérêts (C. pén., art. 432-12) ou encore l’octroi d’avantages injustifiés (C. pén., art. 432-14), le texte d’incrimination ne vise pas expressément les personnes investies d’un mandat électif public, catégorie au titre de laquelle la jurisprudence fait relever les maires (v. not. Crim. 16 juin 2010, n° 09-86.280, Dalloz jurisprudence ; 27 févr. 2013, n° 12-80.632, Dr. pénal 2013, comm. n° 73, obs. M. Véron). Ce texte laisse ainsi entendre, appuyé par le principe d’interprétation stricte de la loi pénale (C. pén., art. 111-4), que ces personnes ne sauraient être concernées par le délit de détournements de fonds publics.
La question de l’inclusion ou non des personnes investies d’un mandat électif public constituait déjà l’un des enjeux majeurs de plusieurs procès impliquant différents parlementaires, dont le procès Fillon. Saisie de cette question, la Cour de cassation avait approuvé, au regard notamment du texte d’incrimination, du principe de légalité criminelle (C. pén., art. 111-3) ainsi que de son corollaire, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale (C. pén., art. 111-4), l’arrêt d’appel ayant condamné plusieurs sénateurs du chef du délit de détournement de fonds publics, dans la mesure où « est chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du code pénal la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général » (Crim. 27 juin 2018, n° 18-80.069, Dalloz actualité, 5 juill. 2018, obs. J. Gallois ; AJDA 2018. 1364 ; ibid. 2203
, note D. Connil
; D. 2018. 1795
, note G. Beaussonie et Hicham Rassafi-Guibal
; ibid. 1791, avis P. Petitprez
; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire
; AJ pénal 2018. 465, note P. de Combles de Nayves
; AJCT 2018. 582, obs. J. Lasserre Capdeville
; RTD com. 2018. 1053, obs. L. Saenko
; v. égal. s’agissant de députés, TJ Paris, 32e ch. corr., 27 févr. 2020, n° 17025000146, Dalloz actualité, 16 juill. 2020, obs. M. Recotillet). Cette définition permet ainsi d’inclure, outre les parlementaires, les élus locaux.
Au demeurant, le maire ayant proposé à sa compagne le poste de collaboratrice à ses côtés, alors qu’il était engagé dans une relation sentimentale avec cette dernière, se voyait reprocher le délit de prise illégale d’intérêts. L’on sait que les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 432-12 du code pénal réprime en effet le fait, notamment pour une personne investie d’un mandat électif « de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Il ressort dès lors de ce texte une vision très large de l’acte reproché, lequel peut viser tout acte ou décision, peu importe qu’il soit ou non décisionnaire (par ex., s’agissant de l’émission d’un simple avis en vue de décisions prises par d’autres, Crim. 9 mars 2005, n° 04-83.615, Bull. crim. n° 81 ; D. 2005. 1050 ; RSC 2006. 75, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire
; RTD com. 2005. 616, obs. B. Bouloc
; Dr. pénal 2005, comm. n° 115, obs. M. Véron), à l’instar d’une proposition de poste. L’infraction exige également que le prévenu ait directement ou indirectement un intérêt à l’opération. Il est de jurisprudence constante que cet intérêt peut constituer un avantage patrimonial comme extrapatrimonial, sans que l’élu en ait retiré un profit quelconque (Crim. 19 mars 2008, n° 07-84.288, Bull. crim. n° 69 ; Dalloz actualité, 24 avr. 2008, obs. A. Darsonville ; AJ pénal 2008. 238
; RSC 2008. 592, obs. C. Mascala
; RTD com. 2008. 878, obs. B. Bouloc
). La notion d’« intérêt quelconque » peut ainsi inclure l’existence d’une relation familiale (Crim. 17 déc. 2008, n° 08-82.318, Bull. crim. n° 258 ; AJDA 2009. 903
; AJ pénal 2009. 78
; Dr. pénal 2009, comm. n° 39, obs. M. Véron) ou amicale (Crim. 5 avr. 2018, n° 17-81.912, Dalloz actualité, 13 avr. 2018, obs. D. Goetz ; AJDA 2018. 768
; D. 2018. 800
; AJ pénal 2018. 313, obs. J. Lasserre Capdeville
; AJCT 2018. 464, obs. P. Villeneuve
). C’est ainsi qu’a notamment été reconnu coupable du délit de favoritisme un président d’université qui avait fait engager sa sœur en qualité de professeur contractuel sur un poste budgétaire de professeur titulaire agrégé de l’enseignement secondaire (Crim. 17 déc. 2008, n° 08-82.318, préc.). Dans ces circonstances, l’existence de la relation intime entre le maire et l’attributaire, qui plus est notoire, suffisait à caractériser cet intérêt.
Ce délit était encore reproché au maire, s’agissant d’une parcelle de terrain dont il entendait acquérir la propriété et pour laquelle la question de l’existence d’une servitude de passage se posait. La parcelle en question rencontrait en effet un problème d’enclavement, lequel devait être réglé par l’obtention d’une voie d’accès. Le maire, acheteur de la parcelle pour un prix au demeurant modique compte tenu de sa situation, souhaitait obtenir un autre accès, considéré plus facile, aux fins de la desservir. Pour ce faire, il prétendait à l’existence d’une servitude de passage au profit de sa parcelle, fonds dominant, sur la copropriété voisine, fonds servant. Il avait ainsi notamment obtenu de ses propres services un permis de construire. Ces circonstances ne laissaient aucun doute quant à l’existence d’un acte portant sur une affaire dans laquelle le maire de Sanary-sur-Mer avait un intérêt, à la fois direct et indirect (sur la parcelle avaient en effet été édifiées une construction pour le maire et d’autres constructions à destination de ses enfants).
Relevons que le prévenu était encore poursuivi pour délits d’octroi d’avantages injustifiés et de recel de ce délit.
L’élu local se voyait en effet reprocher, d’une part, d’avoir attribué la réalisation du bulletin municipal de la commune qu’il administre à la même prestataire, sous forme de conventions annuelles compatibles avec son statut d’indépendant professionnel libéral, en méconnaissance de l’article 35 du code des marchés publics, en vigueur à l’époque des faits, et devenu depuis lors L. 2122-1 de la commande publique. Or, on le sait, l’avantage injustifié au sens de l’article 432-14 du code pénal se trouve caractérisé, selon la jurisprudence de la chambre criminelle, par la seule violation des dispositions relatives à un marché public susceptible de rompre l’égalité entre les candidats (Crim. 2 avr. 1998, JCP E 1998. Pan. 2000). Aussi, là où le texte légal exige deux conditions aux fins de caractériser l’élément matériel du délit, à savoir l’avantage octroyé à autrui et la méconnaissance du texte, la Cour de cassation, non sans une certaine violation du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, se contente d’une seule.
Dans ces circonstances, il suffisait simplement aux juges de démontrer qu’un tel texte avait été violé pour déclarer le maire coupable du délit de favoritisme. Or, en l’espèce, celui-ci se voyait reprocher la conclusion de deux conventions de gré à gré attribuant les prestations de rédaction du bulletin municipal à l’indépendante, les 16 juillet 2007 et 16 juillet 2008. Ces conventions avaient été passées sous forme de marchés sans publicité ni mise en concurrence tels que prévus à l’article 35 précité, lequel permettait notamment à la commune de se dispenser de la formalité du marché public s’agissant des marchés et accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droit d’exclusivité (CMP, art. 35, II, 8° anc.). Dans ces conventions – au reste, les seules retrouvées alors que l’indépendante avait travaillé pour la commune de 2002 à 2010 –, il était d’ailleurs indiqué en préambule, sous forme de clause, que, « du fait des caractéristiques de la mission et de ce que [la professionnelle libérale] est l[a] seul[e] prestataire à pouvoir assurer pour la municipalité de Sanary un conseil en communication écrite sur les supports suivants : magazine municipal ; expositions municipales ; brochures spécifiques, notamment touristiques, les formalités de publicité et de mise en concurrence inhérentes aux marchés publics sont apparues comme manifestement inutiles ou impossibles à mettre en œuvre ».
Interrogé d’ailleurs sur cette clause, et plus largement sur la pertinence de la dérogation à la passation d’un marché public à procédure adaptée (MAPA), le prévenu avait souligné devant le juge instructeur qu’« avant elle (l’indépendante), jamais [il] n’avait pu avoir les douze numéros tous les ans avec aussi peu de fautes d’orthographe et dans les délais ». Cependant, pour invoquer cette dérogation, il importait de justifier, comme le rappelle le tribunal correctionnel, que « la prestation comportait des impératifs techniques ou artistiques ou liés à la protection du droit d’exclusivité, tels qu’il était inenvisageable de recourir à un tiers autre que [l’indépendante] », ce qui n’était pas le cas en l’espèce et a conduit à la condamnation du maire du chef du délit de favoritisme.
Pour fonder leur décision, les juges marseillais ont notamment retenu deux motifs : le premier, que la prestataire, « par sa longévité depuis laquelle elle rédigeait le bulletin municipal, par son intégration nécessaire à l’équipe municipale, à la vie de la commune, [av]ait eu un évident avantage à rédiger le bulletin par sa connaissance personnelle » ; le second, que « la technicité requise ou les qualités artistiques liées à la rédaction du bulletin municipal d’une ville de 16 000 habitants ne command[ai]ent pas à l’évidence que cette seule personne [éta]it à même d’écrire des articles relatant tel événement municipal ou annonçant l’organisation d’une quelconque festivité ». Le tribunal correctionnel ajoute, au demeurant, que le responsable des marchés publics, « sitôt arrivé dans l’équipe municipal [c’est-à-dire en mars 2009], a[vait] aussitôt alerté sur l’impérieuse nécessité de recourir à un MAPA et a mis fin de facto à la passation de conventions signées directement entre l’indépendante et le maire.
Si la caractérisation du délit peut être contestée, d’un point de vue matériel, rappelons que l’infraction se trouve également consommée notamment par le fait d’avoir demandé, postérieurement à la date de dépôt des candidatures, aux dirigeants d’une société de déposer une nouvelle offre minorée pour inciter les membres du conseil d’administration à lui attribuer le marché (Crim. 23 nov. 2016, n° 15-85.109, Dalloz jurisprudence) ou lorsqu’au mépris de la réglementation d’une disposition législative ou réglementaire garantissant la liberté d’accès et l’égalité entre les candidats, l’attributaire bénéficie d’un marché sans mise en concurrence (Crim. 30 juin 2004, n° 03-85.946, Bull. crim. n° 177 ; AJ pénal 2004. 369, obs. C. Girault ; RTD com. 2004. 826, obs. B. Bouloc
; 12 juill. 2016, n° 15-80.477, Dalloz jurisprudence). Aussi, dans la mesure où l’indépendante, en plus d’avoir bénéficié d’un marché sans publicité ni mise en concurrence, s’était notamment vu adresser un courrier lui demandant une meilleure offre tarifaire, après le dépôt des candidatures mais avant l’analyse des offres, le délit était, en tout état de cause, matériellement caractérisé.
Le prévenu, maire de la ville de Sanary-sur-Mer depuis plus de trente ans, ne pouvait espérer trouver un quelconque salut dans la caractérisation de l’élément intentionnel du délit, celui-ci étant consommé par l’exécution, en connaissance en cause d’un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir l’égalité des candidats dans les marchés publics (Crim. 14 janv. 2004, n° 03-83.396, Bull. crim. n° 11 ; D. 2004. 470, et les obs. ; AJ pénal 2004. 113, obs. A. Pitoun
; RTD com. 2004. 623, obs. B. Bouloc
), sachant que l’expérience ou encore l’ancienneté dans la fonction, ici de maire, sont d’autant d’éléments permettant d’établir la violation auxdites règles de mise en concurrence (Crim. 25 juin 2008, n° 07-88.373, Bull. crim. n° 166 ; Dalloz actualité, 28 août 2008, obs. A. Darsonville ; AJDA 2008. 1463
; AJ pénal 2008. 466
; RTD com. 2009. 220, obs. B. Bouloc
). Puis la Cour de cassation juge qu’il appartient au titulaire d’un mandat électif de vérifier la régularité des engagements qu’il prend pour lui-même ou la commune (Crim. 25 juin 1996, n° 95-80.592, Bull. crim. n° 273 ; D. 1997. 100
, note J.-F. Renucci
; RTD com. 1997. 156, obs. B. Bouloc
). Partant, le simple constat d’une violation à la législation des marchés postule l’absence de vérification par le maire de la régularité du contrat ainsi passé et caractérise ainsi son intention coupable. Cette approche confirme ainsi l’impossibilité pour le maire d’invoquer, à titre de fait justificatif, l’erreur de droit qu’il aurait commise sur la portée d’une règle de droit (Crim. 10 avr. 2002, n° 01-84.286, Bull. crim. n° 84, D. 2003. 246, et les obs.
, obs. M. Segonds
; RTD com. 2002. 735, obs. B. Bouloc
; Dr. pénal 2002, comm. n° 105, obs. M. Véron). « Un élu de longue date ne p[eut] donc jamais échapper à des poursuites pénales et à une condamnation certaine pour la moindre peccadille qui pourrait lui être reprochée dans la passation d’un marché public » (M. Véron, ibid.), à l’instar d’une erreur portant sur l’ancien article 35 du code des marchés publics…
Le prévenu se voyait, d’autre part, reprocher d’autres faits de favoritisme commis par le prestataire embauché dans le cadre d’un MAPA. Selon le marché ainsi passé, l’attributaire était en charge de mettre en place un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ou de créer une maison de la justice et du droit. Il ressortait cependant des constatations factuelles que ce dernier occupait en réalité les fonctions de collaborateur de cabinet, poste qu’il ne pouvait occuper en raison du quota de collaborateurs déjà atteints par la commune. Le tribunal correctionnel de Marseille a considéré que cette situation méconnaissait dès lors le principe d’égalité de traitement des candidats aux fins de favoriser un unique candidat, caractérisant ainsi le délit de favoritisme à l’encontre du maire. Il ressort notamment des constatations des premiers juges que le maire avait choisi le candidat, auquel il avait confié les mêmes attributions dans le cadre d’une convention qu’ils avaient passée ensemble et que le MAPA avait été calqué exactement sur ce qui avait été défini par le maire au préalable, ce qui constituait, pour les juges marseillais, la « preuve évidente de ce que celui-ci [étai]t à l’initiative du montage dans des conditions que seul son candidat pouvait remplir ».
Notons qu’est qualifié de receleur « celui qui bénéficie, en connaissance de cause, du produit provenant de l’attribution irrégulière du marché » (Crim. 5 mai 2004, n° 03-85.503, Bull. crim. n° 110 ; D. 2004. 2413, et les obs. ; AJ pénal 2004. 285, obs. C. Girault
; RSC 2004. 897, obs. D. N. Commaret
; RTD com. 2004. 827, obs. B. Bouloc
; ibid. 828, obs. B. Bouloc
). Aussi l’attributaire se voit très souvent reprocher, comme en l’espèce, ce délit de recel.
La caractérisation, à l’encontre du maire de la ville de Sanary-sur-Mer, de l’ensemble de ces délits d’atteinte à la probité a conduit le tribunal correctionnel de Marseille à condamner le prévenu à trois ans d’emprisonnement, dont trente mois assortis du sursis, à la confiscation des biens immobiliers situés sur la parcelle litigieuse ainsi qu’à cinq ans de privation de ses droits civils et civiques. Le maire ayant interjeté appel de ce jugement, il neutralise toutefois, au moyen de l’effet suspensif attaché à la voie de recours, et ce du moins jusqu’à ce que la cour d’appel rende son arrêt, notamment cette dernière peine complémentaire qui aurait dû le conduire à délaisser ses fonctions de maire.
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