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Le maire est incompétent pour interdire l’utilisation des pesticides

La police des produits phytosanitaires n’appartient qu’à l’État.

par Marie-Christine de Monteclerle 8 janvier 2021

Sans grande surprise, le Conseil d’État a confirmé la position majoritaire parmi les juges du fond qui a fait obstacle à la plupart des tentatives des élus locaux pour réglementer l’épandage des pesticides sur le territoire de leur commune (v. not. TA Lyon, 12 déc. 2012, n° 1200196, Préfet du Rhône, AJDA 2013. 940 , concl. C. Burnichon  ; CAA Nantes, 24 mai 2005, n° 04NT00628, Mûrs-Erigné [Cne], AJDA 2005. 1919 ; TA Rennes, 25 oct. 2019, n° 1904029, Préfet d’Ille-et-Vilaine, AJDA 2019. 2148 ).

Seul le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait admis la compétence du maire (TA Cergy-Pontoise, 8 nov. 2019, n° 1912597, Préfet des Hauts-de-Seine, AJDA 2020. 307 , note C. Hermon ; ibid. 2019. 2275 ; AJCT 2020. 109, tribune A.-S. Denolle ; ibid. 340, étude G. Bailly ). Il est vrai que ces ordonnances étaient intervenues peu après que les juges du Palais-Royal avaient constaté l’insuffisance des mesures prises par l’État (CE 26 juin 2019, n° 415426, Association Générations Futures, Dalloz actualité, 8 juill. 2019, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2019. 1370 ; AJCT 2020. 109, tribune A.-S. Denolle ).

Mais, pour le Conseil d’État, « le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’État et dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains ».

Une réglementation qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre

Dans ce cadre, les produits phytopharmaceutiques font l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. « Il appartient ensuite au ministre chargé de l’agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l’environnement et de la consommation, éclairés par l’avis scientifique de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. » Et c’est au préfet qu’il revient, « d’une part, de fixer les distances minimales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, d’autre part, d’approuver les chartes d’engagements d’utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d’utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d’interdiction ou de restriction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l’environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l’agriculture ». Dès lors, le maire ne peut légalement user de son pouvoir de police générale « pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre ».