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Mandat d’arrêt européen : mode d’emploi de la remise d’une mère avec des enfants en bas âge

Si les motifs de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen (ci-après MAE) ont été strictement encadrés, tant au regard de leurs natures que de leurs contenus, par le législateur de l’Union, la liste peut, néanmoins, être étendue. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne a développé, depuis 2016, une jurisprudence avec un mode d’emploi très détaillé, lui permettant de reconnaître d’autres motifs de refus dès lors qu’il existe un risque réel d’atteinte aux droits fondamentaux. La question de la remise d’une mère avec deux enfants en bas âge s’est donc posée.

Le 26 juin 2020, une autorité judiciaire belge a émis un MAE à l’encontre de l’auteure de plusieurs infractions aux fins de l’exécution d’une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée par contumace. La personne condamnée avait été dûment informée du procès, conformément au droit belge. Près d’un an plus tard, elle avait été arrêtée à Bologne, mais l’autorité judiciaire d’exécution italienne s’était retrouvée confrontée à une difficulté. L’intéressée était, en effet, une femme enceinte vivant avec son fils mineur. Le lendemain de son arrestation, elle n’a pas consenti, durant son interrogatoire, à sa remise (§§ 15 et 16).

La Cour d’appel de Bologne a, en sa qualité d’autorité judiciaire d’exécution, demandé aux autorités belges des informations relatives aux modalités d’exécution des peines, au traitement carcéral ou encore aux mesures prises à l’égard des enfants mineurs dans cet État. Aucune réponse ne fut fournie. Ainsi, par un arrêt du 15 octobre 2021, la juridiction italienne a refusé d’exécuter le MAE et a ordonné la libération immédiate de la personne incarcérée en présentant des arguments témoignant d’une certaine défiance mutuelle à l’égard du système carcéral belge (§§ 17 à 19).

En suivant, la Cour de cassation italienne a été saisie d’un pourvoi contre cette décision. Elle a sursis à statuer et a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne au sujet de l’interprétation des dispositions de la décision-cadre du 13 juin 2002, relative au MAE et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (ci-après la décision-cadre). À titre principal, les juges luxembourgeois devaient déterminer : si les autorités italiennes étaient en droit de refuser l’exécution d’un MAE dès lors que la remise de la mère qui en est l’objet aurait porté atteinte à ses droits fondamentaux et à ceux de ses enfants mineurs vivant avec elle, à la lumière de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; à titre subsidiaire, s’il était possible de reporter la remise (§§ 20 à 24).

La Cour de justice considère que l’article 1er, §§ 2 et 3, de la décision-cadre, lequel exige l’exécution de tout MAE, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle, tout en respectant les droits fondamentaux, s’oppose à ce que l’autorité judiciaire d’exécution refuse la remise de la personne faisant l’objet d’un MAE au motif que cette personne est la mère d’enfants en bas âge vivant avec elle. Autrement dit, ce statut familial n’est pas un motif de refus envisagé par la décision-cadre.

Néanmoins, elle tempère sa solution à l’aune du respect des droits fondamentaux. En reprenant sa jurisprudence établie depuis 2016 (CJUE 5 avr. 2016, Aranyosi et Caldaru, aff. C-404/15 et C-659/15, Dalloz actualité, 9 mai 2016, obs. N. Devouèze ; AJDA 2016. 1059. Chron. E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2016. 786 ; AJ pénal 2016. 395, obs. M.-E. Boursier ; RTD eur. 2016. 793, obs. M. Benlolo-Carabot ; ibid. 2017. 360, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 363, obs. F....

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