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Mandat d’arrêt européen : les précisions pratiques de la Commission européenne

La Commission européenne publie un guide pratique portant sur le mandat d’arrêt européen.

par Pauline Dufourqle 26 octobre 2017

Le 17 octobre 2017, lors du High Level Expert Meeting portant sur le mandat d’arrêt européen, le commissaire Věra Jourová s’est exprimé au sujet de ce dispositif indiquant : « le mandat d’arrêt est une réussite. Il raccourcit considérablement le délai de transfert des criminels d’un État de l’Union européenne à un autre. Il permet à ces criminels d’être traduits en justice dans le pays où ils ont commis leur crime ». Elle formulait enfin le souhait d’une coopération plus efficace entre les autorités judiciaires afin d’améliorer la sécurité en Europe.

En parallèle de cette communication, la Commission européenne publiait un manuel pratique autour du mandat d’arrêt européen avec des précisions portant sur la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen du 13 juin 2002, ainsi que sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

Pour rappel, le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

Dès lors, le mandat d’arrêt européen conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à remplacer cette procédure par un nouveau système de remise entre autorités judiciaires. Ce dispositif constitue ainsi dans le domaine du droit pénal la première concrétisation du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil a qualifié de « pierre angulaire de la coopération judiciaire ». Depuis son lancement en 2004, le mandat d’arrêt européen a été l’instrument européen de coopération judiciaire le plus utilisé en matière pénale avec 16 144 mandats d’arrêt européens en 2015.

Le champ d’application du mandat d’arrêt européen

Le mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois.

La décision-cadre du conseil du 13 juin 2002 dresse une liste de trente-deux infractions pour lesquelles il n’est pas nécessaire de contrôler la double incrimination du fait. C’est ainsi que les infractions de participation à une organisation criminelle, terrorisme, corruption, fraude, blanchiment ou encore cybercriminalité, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’au moins trois ans, peuvent donner lieu à remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen, en l’absence de contrôle de la double incrimination (art. 2 de la décision-cadre).

Si l’infraction concernée n’est pas considérée par l’autorité compétente de l’État membre d’émission comme l’une des trente-deux infractions visées par l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre, le critère de la double incrimination continue à s’appliquer. À ce titre, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé dans un arrêt du 11 janvier 2017 que, lors de l’appréciation de la double incrimination, il incombe à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de vérifier si les éléments factuels à la base de l’infraction seraient également passibles d’une sanction pénale sur le territoire de l’État membre d’exécution s’ils s’y étaient produits (CJUE 11 janv. 2017, aff. C-289/15, Grundza).

Les principales étapes lors de l’exécution du mandat d’arrêt européen

L’exécution du mandat d’arrêt européen peut être résumée comme suit :

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(Source : Commission européenne, Manuel concernant l’émission et l’exécution d’un mandat d’arrêt européen)

Les recommandations aux autorités judiciaires

La Commission européenne recommande aux autorités judiciaires d’émission d’examiner si, dans la situation en cause, l’émission d’un mandat d’arrêt européen est proportionnée et si une mesure de l’Union moins coercitive ne permettrait pas de parvenir à un résultat adéquat.

En ce qui concerne tout d’abord la proportionnalité à sa finalité. Même lorsque les circonstances relèvent du champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre, il est conseillé aux autorités judiciaires d’émission d’examiner si l’émission d’un mandat d’arrêt européen est justifiée dans un cas donné.

En raison des conséquences graves de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen en termes de restrictions imposées à la liberté physique et de circulation de la personne recherchée, les autorités judiciaires d’émission devraient examiner, à la lumière d’un certain nombre de facteurs, si l’émission d’un mandat d’arrêt européen se justifie.

À ce titre, les facteurs suivants pourront notamment être pris en compte : gravité de l’infraction (par exemple, la nuisance ou le danger qu’elle a causé), la peine susceptible d’être prononcée si la personne est jugée coupable de l’infraction alléguée, la probabilité de détention de la personne dans l’État membre d’émission après sa remise ou encore les intérêts des victimes de l’infraction.

Il est, en outre, recommandé aux autorités judiciaires d’émission d’examiner si d’autres mesures de coopération judiciaire pourraient être utilisées en lieu et place de l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Les instruments juridiques de coopération judiciaire en matière pénale dans l’Union prévoient d’autres mesures qui, dans de nombreux cas, sont efficaces et moins coercitives.

Les motifs de non-exécution du mandat d’arrêt européen

En principe l’exécution d’un mandat européen ne peut être refusée pour des motifs autres que ceux consacrés aux articles 3 (motifs de non-exécution obligatoire) et 4 (motifs de non-exécution facultative), 4 bis (décisions rendues à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne) de la décision-cadre et visés aux articles 695-22 et 695-23 du code de procédure pénale.

La Cour de cassation a néanmoins circonscrit cette règle au respect de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre du 13 juin 2002, des droits fondamentaux de la personne recherchée et des principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne. En conséquence, si l’exécution est de nature à porter atteinte aux droits et principes précités, les juges nationaux peuvent refuser de l’exécuter ou à tout le moins en conditionner l’exécution pour ce motif (Crim. 28 févr. 2012, n° 12-80.744, AJ pénal 2012. 425, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD eur. 2013. 292-18, obs. B. Thellier de Poncheville ).

Le principe de spécialité

En principe, une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé cette dernière. Cette règle est consacrée à l’article 27 de la décision-cadre, et fait l’objet de quelques exceptions listées au paragraphe 3 de cet article.

Par exemple, la règle de spécialité peut être écartée, « lorsque la personne recherchée accepte d’être remise à un État membre autre que l’État membre d’exécution en vertu d’un mandat d’arrêt européen. Le consentement est donné aux autorités judiciaires compétentes de l’État membre d’émission et est consigné conformément au droit interne de cet État. Il est rédigé de manière à faire apparaître que la personne concernée l’a donné volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. La personne recherchée a le droit à cette fin, de se faire assister d’un conseil ».

Le concours de MAE concernant la même personne

Plusieurs mandats d’arrêt européens concernant la même personne peuvent exister concomitamment pour les mêmes faits ou pour des faits différents, et peuvent être émis par les autorités d’un ou de plusieurs États membres.

Lorsque plusieurs mandats d’arrêt européens concernent la même personne, l’autorité judiciaire d’exécution prend sa décision en tenant dûment compte de toutes les circonstances (art. 16 de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen).

La Commission européenne recommande que l’autorité judiciaire, avant de se prononcer, s’efforce d’assurer la coordination entre les autorités judiciaires d’émission qui ont émis les mandats d’arrêt européens. L’autorité judiciaire peut également demander l’avis d’Eurojust. Cette dernière peut faciliter et accélérer la coordination et être invitée à donner un avis sur les mandats d’arrêt européens concurrents.

Enfin, la Commission européenne rappelle qu’indépendamment du fait que les autorités judiciaires d’émission parviennent à dégager un consensus ou non, l’autorité judiciaire d’exécution devrait tenir compte des facteurs suivants pour choisir le mandat d’arrêt européen qui sera exécuté : la gravité relative des infractions, le lieu de commission des infractions, les dates des différents mandats européens ou encore si le mandat a été émis aux fins de poursuites ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

Les droits procéduraux accordés à la personne recherchée

La décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen consacre en son article 11 plusieurs droits procéduraux à la personne recherchée. À cet égard, la personne a le droit d’être informée de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise, et elle a le droit de bénéficier des services d’un conseil et d’un interprète.

D’autres prévisions viennent également au soutien de cet article, à l’instar de l’article 4 bis, paragraphe 2, lequel prévoit le droit à l’information concernant les jugements rendus par défaut, l’article 13, paragraphe 2, consacrant le droit à un conseil pour prendre la décision d’exprimer son consentement, ou encore les articles 14 et 19 pour le droit d’être entendu et l’article 23, paragraphe 5, portant sur la remise en liberté à l’expiration des délais pour la remise de la personne.

La chambre criminelle s’est récemment prononcée sur cette thématique dans un arrêt du 24 mai 2017. Selon la Cour de cassation, l’omission de la transmission de la demande relative à l’assistance d’un avocat dans l’État d’émission par l’autorité judiciaire de l’État d’exécution porte nécessairement atteinte aux droits de la défense (Crim. 24 mai 2017 n°17-82.655, Dalloz actualité, 6 juin 2017, obs. D. Goetz isset(node/185177) ? node/185177 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>185177).

Cette décision peut être rapprochée d’un arrêt du 12 mars 2008 aux termes duquel la chambre criminelle est venue rappeler qu’une personne recherchée aux fins d’exécution d’un mandat d’arrêt européen doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense devant la chambre de l’instruction, tel n’était pas le cas de la personne, qui n’était pas assisté d’un avocat au moment de son interrogatoire par le procureur général, et qui a comparu devant la chambre de l’instruction dans un délai n’ayant pas permis à l’avocat commis d’office, désigné la veille, d’être en mesure de déposer en temps utile un mémoire (Crim., 12 mars 2008, n° 08-81.178, RSC 2008. 923, obs. R. Finielz ).