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Le manque de vigilance ne peut fonder une action en responsabilité pour insuffisance d’actif

Le manque de vigilance du dirigeant est impropre à établir que celui-ci a commis une faute de gestion. Au contraire, ce défaut s’analyse en une simple négligence et, par conséquent, la responsabilité pour insuffisance d’actif doit être écartée.

Déjà malheureux de constater le placement de leur société ou de leur association en liquidation judiciaire, les dirigeants de la personne morale risquent, qui plus est, de voir engager à leur encontre une action en responsabilité pour insuffisance d’actif si les conditions sont réunies (C. com., art. L. 651-2).

À première vue, cette action s’apparente à une action en responsabilité civile délictuelle tout à fait classique. Son succès est subordonné à la démonstration de trois conditions : une faute – qui doit être une faute de gestion –, un préjudice – qui est à rechercher dans l’insuffisance d’actif – et un lien de causalité – en ce que la faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif.

En règle générale, la faute de gestion, pour être répréhensible, doit relever de la gestion et être antérieure au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire. À cet égard, toutes sortes de fautes relevant de la gestion stricto sensu ou de l’inobservation de dispositions légales ou statutaires sont imputables aux dirigeants et peuvent, en conséquence, être à l’origine d’une action en responsabilité.

Reste que tous les comportements « fautifs » du dirigeant dans la gestion de la personne morale ne peuvent pas être condamnés au titre de l’insuffisance d’actif. En effet, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », a modifié l’article L. 651-2 du code de commerce afin d’écarter la responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence dans la gestion de la personne morale (comp. Com. 31 mai 2011, n° 09-13.975 P, Dalloz actualité, 9 juin 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 1551, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2011. 521, obs. P. Roussel Galle ).

Hélas, l’établissement d’une ligne de partage nette entre la faute de gestion et la simple négligence dans la gestion de la personne morale est source d’incertitudes. Au vrai, ces difficultés confirment que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est rétive aux canons du droit commun de la responsabilité civile délictuelle. D’abord, la distinction précitée n’existe pas en droit commun, l’article 1241 du code civil précisant que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Ensuite, par exception au principe de la réparation intégrale du préjudice, le montant de la condamnation à combler le passif peut être inférieur au préjudice subi. Autrement dit, le montant alloué en réparation, s’il ne peut dépasser celui de l’insuffisance d’actif, n’a pas à lui être égal (Com. 24 mai 2018, n° 16-29.116 NP).

La délicate distinction entre la faute de gestion répréhensible au titre de l’insuffisance d’actif et la simple négligence de gestion est au cœur de l’arrêt sous commentaire.

En l’espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique. Plus précisément, après avoir imposé à la société des investissements destinés à adapter sa capacité de production à ses demandes, le client a, à sa seule initiative, brutalement rompu leurs relations commerciales.

Par la suite, le liquidateur a recherché la responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant. Pour le mandataire, le fait d’engager la société dans une activité...

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