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Marques de renommée, nom patronymique et procédure d’opposition : éclairages de la Cour de cassation

La question des marques de renommée peut parfois être épineuse. Par deux arrêts en date du 22 juin 2022, la Cour de cassation vient rappeler, d’une part, à l’occasion du clap de fin de l’affaire Taittinger que la renommée ne saurait, d’une part, faire obstacle à l’usage du signe en tant que nom patronymique et, d’autre part, que la renommée examinée lors d’une procédure d’opposition ne peut être écartée par les institutions judiciaires en appel.

La marque de renommée jouit d’une protection spéciale qui transgresse le principe de spécialité (art. L. 713-5, CPI). Cette qualification a fait l’objet d’illustrations jurisprudentielles, lors d’affaires telles qu’Adidas (CJCE 23 oct. 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon [Sté] c. Fitnessworld Trading Ltd [Sté], D. 2004. 341, et les obs.  , note J. Passa ; RTD com. 2004. 91, obs. J. Azéma ; ibid. 387, obs. M. Luby ; RTD eur. 2004. 706, obs. G. Bonet ; Propr. ind. 2004, n° 5 obs. Folliard-Monguiral), Intel (CJCE 23 nov. 2008, aff. C-252/07, D. 2010. 851, obs. S. Durrande ; RTD com. 2009. 117, obs. J. Azéma ; RTD com. 2009. 7, obs. Pollaud-Dulian), ou encore L’Oréal (CJCE 18 juin 2009, aff. C-487/07, RTD eur. 2010. 939, chron. E. Treppoz ; Propr. intell. 2010, n° 34, p. 655, obs. Bonet ; Propr. ind. 2009, n° 51 obs. Folliard-Monguira). Il convient toutefois de rappeler les contours de la notion, et notamment de la distinguer de la marque notoire. En effet, la marque de renommée est une marque enregistrée connue par la majorité du public, et cette faculté permet non seulement de suppléer le principe de spécialité, mais change également les conditions de comparaison du signe.

En premier lieu, le droit commun des marques exige une antériorité, désignant des produits ou services identiques ou similaires, et présentant un risque de confusion pour le public. Ces conditions s’apprécient mutuellement et proportionnellement entre elles. En deuxième lieu, le droit des marques de renommée exige également une antériorité, mais il n’est pas nécessaire que les produits ou services désignés soient similaires ou identiques, ni que les signes créent une confusion pour le public. Il est seulement exigé que le public puisse établir un lien entre les deux signes, de sorte que le contrefaisant tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure, de son caractère distinctif ou qu’il porte préjudice à ses fonctions. En cela, le régime des marques de renommée est très proche, en substance, de l’action en concurrence déloyale. Enfin, en dernier lieu, les marques notoires, au sens de la Convention d’union de Paris, font seulement exception au principe de dépôt. Ce sont des signes qui ne sont pas enregistrés à titre de marque, mais qui sont perçus et largement connus par le public en tant que tels. Il est dès lors nécessaire pour le titulaire d’une marque notoire de démontrer le risque de confusion du signe postérieur désignant les mêmes produits ou services que ceux exploités par sa marque notoire, ou, le cas échéant, de démontrer un usage tirant profit du caractère distinctif ou de la notoriété.

En tout état de cause, ces précisions étant rappelées, les deux arrêts rendus par la chambre commerciale le 22 juin 2022 sont l’occasion de revenir sur les marques de renommée, à la lumière de deux affaires. La première concerne ainsi l’articulation du régime des marques de renommée avec le nom patronymique. La seconde traite de la renommée dans une procédure d’opposition annulée par la cour d’appel de Paris.

Renommée et noms patronymiques, l’affaire Taittinger

Trente-sept ans après l’affaire Bordas (Com. 12 mars 1985, n° 84-17.163, Bordas, Ann. propr. ind. 1985. 3., note Mathély ; D. 1985. 471, note Ghestin), et dix-neuf après l’affaire Ducasse (Com. 6 mai 2003, n° 00-18.192, Ducasse c. Alain Ducasse diffusion [Sté], D. 2003. 2228 , note G. Loiseau ; ibid. 1565, obs. J. Daleau ; ibid. 2629, obs. S. Durrande ; ibid. 2004. 265, obs. J.-C. Hallouin ; Rev. sociétés 2003. 548, note G. Parleani ; RTD civ. 2003. 679, obs. J. Hauser ; RTD com. 2004. 90, obs. J. Azéma ; ibid. 2005. 346, obs....

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