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« La médaille du déshonneur » : Franco conservera à titre posthume la Légion d’honneur délivrée par le maréchal Pétain

Après plusieurs années de bataille juridique, le Conseil d’État a rejeté la demande d’un fils de réfugié républicain espagnol tendant au retrait de la distinction honorifique délivrée au dictateur Franco par le maréchal Pétain en 1928 puis en 1930.

Jean Ocana est fils d’un réfugié républicain espagnol condamné à mort et déporté à Mauthausen. Sa mère et son frère ont également été torturés par la répression franquiste.

Depuis plusieurs années, Jean Ocana lutte, par les médias et les recours administratifs, pour que le général Francisco Franco, qui a exercé l’une des plus longues dictatures de l’Europe contemporaine, soit déchu de sa récompense qu’il tient du maréchal Pétain.

Décédé en 1975, le général Franco aura bénéficié de cette haute distinction française tout au long de sa vie, sans qu’aucun gouvernement ne mette en œuvre, de son vivant, une procédure de retrait pour acte contraire à l’honneur.

Le 6 avril 2016, M. Ocana fait d’abord parvenir au grand chancelier de la Légion d’honneur une demande tendant à ce qu’il propose au président de la République, comme le lui permet l’article R. 135-2 du code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire alors en vigueur, de retirer les distinctions accordées à Franco.

À peine une semaine plus tard, le grand chancelier de la Légion d’honneur rejette sa demande, et réservera le même sort, le 28 novembre 2016, au recours gracieux dirigé contre cette décision.

Le silence du code de la Légion d’honneur sur les retraits à titre posthume

Le requérant saisit donc le Tribunal administratif de Paris. Par un jugement rendu le 16 février 2018, celui-ci rejette le recours en excès de pouvoir, en considérant que le retrait de la distinction accordée à un étranger, en tant qu’il s’agit d’une mesure défavorable et prise en considération de la personne, ne saurait être prononcée, en l’absence de dispositions expresse le prévoyant, à titre posthume (TA Paris, 16 févr. 2018, n° 1706301/6-1, AJDA 2018. 798 , note T. Hochmann ).

Et tout le problème juridique est là : aucune disposition réglementaire, à cette époque, ne permettait expressément le retrait de la décoration à une personne étrangère décédée. La procédure de retrait, prévue par les textes réglementaires en cas d’acte contraire à l’honneur, est assimilable à une procédure disciplinaire et suppose donc, par elle-même, que la personne soit vivante pour bénéficier des garanties procédurales fondamentales (v. en ce sens, CE 3 nov. 2014, n° 377004, Lebon ; AJDA 2015. 318 ). D’autre part, le code de la Légion d’honneur prévoyait que « les membres de l’ordre le demeurent à vie », et, enfin, le retrait d’une décision individuelle...

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