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Meilleure prise en compte des droits des minoritaires dans les SARL et les SA

Un décret du 28 février 2018, pris en application d’une ordonnance du 4 mai 2017, renforce les moyens d’intervention et de participation des associés minoritaires aux décisions collectives dans les société à responsabilité limitée (SARL) et dans les sociétés anonymes (SA) sous forme dématérialisée.

par Stéphane Araujole 12 mars 2018

Le décret du 28 février 2018 est pris en application de l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés. Cette ordonnance poursuit un double objectif : rapprochement des associés minoritaires de SARL à celle des actionnaires, également minoritaires, de SA ; poursuite du mouvement de dématérialisation des décisions collectives des sociétés (sur cette ordonnance, v. B. Saintourens, Simplification du fonctionnement des sociétés : le complément réglementaire pour 2017, Rev. sociétés 2017. 467 ). En effet, cette ordonnance renforce le pouvoir d’intervention des associés minoritaires de SARL : un ou plusieurs associés, détenant le vingtième des parts sociales, ont la faculté de faire inscrire à l’ordre du jour des points ou projets de résolution qui seront portés à la connaissance des autres associés (C. com., art. L. 223-27, al. 4 à 7). Elle énonce, par ailleurs, que, dans les sociétés anonymes dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé et sous réserve de l’exercice du droit d’opposition reconnu aux actionnaires minoritaires (représentant au moins 5 % du capital social), les statuts peuvent prévoir la faculté d’user exclusivement de moyens de télécommunication et visioconférence (C. com., art. L. 225-103-1).

Le présent décret précise, d’une part, les conditions de forme et délai dans lesquelles les associés minoritaires de SARL peuvent faire inscrire à l’ordre du jour des points ou des projets de résolution et, d’autre part, les conditions dans lesquelles les SA peuvent prévoir dans leurs statuts la faculté d’user exclusivement de la visioconférence ou télécommunication, ainsi que les modalités selon lesquelles leurs actionnaires minoritaires peuvent s’opposer à la tenue d’une assemblée dématérialisée.

SARL

Lorsqu’un associé de SARL veut user de la faculté de requérir l’inscription de points ou projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée, il peut demander la société de l’aviser, au choix, par lettre simple, recommandée ou par courrier électronique, de la date prévue de l’assemblée. Le texte ajoute que la société est tenue d’envoyer cet avis par lettre simple ou recommandée, si l’associé lui a adressé le montant des frais d’envoi de cette lettre, ou par un courrier électronique à l’adresse qu’il a indiquée (C. com., art. R. 223-20-2 nouv.). Seul l’envoi sous forme électronique étant gratuit pour l’associé, c’est implicitement ce mode de transmission que le décret encourage. Cette demande d’inscription, qui doit être motivée et accompagnée du ou des projet(s) de résolution, est également subordonnée à la détention d’au moins un vingtième des parts sociales et doit être adressée vingt-cinq jours au moins avant la date de l’assemblée (C. com., art. R. 223-20-3 nouv.). On soulignera ici la source d’inspiration du pouvoir règlementaire sur ce qui se fait en matière de sociétés anonymes, confirmant l’intention du gouvernement de rapprochement entre ces deux formes sociales (C. com., art. R. 225-71).

SA

S’agissant des actionnaires minoritaires des sociétés anonymes, le décret énonce que l’exercice du droit d’opposition doit être précisé par les statuts, selon que celui-ci est mis en œuvre avant ou après l’accomplissement des formalités de convocation à l’assemblée générale (C. com., art. R. 225-61-1 nouv.). Lorsque le droit d’opposition s’exerce avant les formalités de convocation, la société doit aviser les actionnaires au moins trente-cinq jours avant la tenue de l’assemblée de ce droit ; l’avis de convocation doit préciser la nature de l’assemblée ainsi que les projets de résolution et rappeler la faculté d’opposition des actionnaires, qui doit être exercée vingt-cinq jours avant l’assemblée et sous réserve d’une détention de 5 % du capital social (C. com., art. R. 225-61-2 nouv.). Lorsque le droit d’opposition s’exerce après les formalités de convocation, l’avis de convocation doit préciser qu’il s’applique dans un délai de sept jours à compter de la publication de l’avis ; en cas d’exercice de ce droit, la société avise les actionnaires au plus tard quarante-huit heures avant la tenue de l’assemblée (C. com., art. R. 225-61-3 nouv.). Le décret, en offrant un délai d’opposition relativement long aux actionnaires minoritaires à la tenue d’une assemblée générale sous forme dématérialisée, s’efforce de prendre en compte la situation personnelle des actionnaires préférant la tenue d’une assemblée sous forme traditionnelle, avec participation physique des actionnaires. Ces démarches – opposition et avis de la société – peuvent être accomplies sous forme électronique.

Enfin, l’avis de convocation doit préciser si la tenue de l’assemblée générale est réalisée exclusivement par visioconférence ou moyens de télécommunication (C. com., art. R. 225-66, al. 3, nouv.). L’émargement des actionnaires participant à l’assemblée sous cette forme n’est alors pas requis (C. com., art. R. 225-95 mod.). Toutefois, il peut être prévu de faire signer sous forme électronique (au moyen d’un procédé nominatif fiable) les actionnaires participants (C. com., art. R. 225-106 mod.).

Application dans le temps

Les dispositions relatives aux SARL s’appliquent aux assemblées générales convoquées à compter du 1er avril 2018 (décr., art. 12). Rien n’est dit, en revanche, des dispositions concernant les SA. Il faut dès lors supposer qu’elles s’appliquent immédiatement.