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Même après mainlevée la mesure conservatoire interrompt la prescription

La décision de mainlevée, prise en application de l’article L. 512-1 du code des procédures civiles d’exécution, n’a pas d’effet rétroactif. Par conséquent, la mesure conservatoire, dont la mainlevée a été ordonnée, conserve son effet interruptif de prescription.

La mainlevée d’une mesure conservatoire, ordonnée par le juge de l’exécution, a-t-elle pour effet de rendre non avenu l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion attachée à la mesure ? C’est à cette question épineuse qu’a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu commenté rendu le 17 mai 2023.

La décision

Les faits étaient assez classiques. Sur le fondement de plusieurs décisions de justice, une société a fait pratiquer un nantissement provisoire de parts sociales détenues par un débiteur dans son capital social, mesure conservatoire dont la mainlevée a été ordonnée par un juge. Lorsque, quelques temps plus tard, la société a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente, le débiteur a soulevé une contestation et fait valoir que la prescription était acquise. Le créancier a, de son côté, soutenu que le nantissement provisoire de parts sociales avait interrompu le délai de prescription. Il fallait donc déterminer si la mainlevée ordonnée par le juge avait privé la mesure conservatoire de tout effet interruptif du délai de prescription. La cour d’appel a fait droit à l’argumentation du créancier en soulignant notamment que, malgré la décision de mainlevée, la mesure conservatoire n’en avait pas moins produit son effet interruptif jusqu’à cette date. Le débiteur a formé un pourvoi en cassation pour notamment faire valoir que « le défaut de réunion des conditions de fond requises pour la prise de la mesure conservatoire litigieuse justifiant le prononcé de sa mainlevée impliquait nécessairement soit sa caducité, soit sa nullité et la privait ainsi rétroactivement de son effet interruptif de prescription ». La Cour de cassation a cependant rejeté le pourvoi aux termes des motifs suscités.

Explications

L’article 2244 du code civil prévoit que le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. Mais la procédure peut ne pas être menée jusqu’à son terme et il peut être donné mainlevée de la mesure. La décision qui ordonne la mainlevée emporte ainsi suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d’indisponibilité dès sa notification (C. pr. exéc., art. R. 121-18). Mais, lorsqu’est pratiquée une mesure conservatoire ou une mesure d’exécution forcée, cette décision de mainlevée ne dit rien de ses causes. Comme cela a été justement souligné par plusieurs auteurs : « il est important de souligner que la mainlevée désigne un résultat qui peut avoir d’autres causes que la rétractation de l’autorisation du juge : par exemple, la nullité de l’ordonnance, ou sa caducité si le créancier n’a pas accompli dans les délais impartis les diligences nécessaires pour obtenir un titre exécutoire » (R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz 2013, n° 1141 ; v. égal., D. Lebeau, La mainlevée, Dr. et pr. 2004. 249, spéc. n° 8). En somme, la notion de mainlevée est, pour ainsi dire, neutre. Si elle peut résulter de la disparition rétroactive de l’acte de saisie, cela n’est pas obligatoire. Il est dès lors possible d’affirmer que, par elle-même, la décision de mainlevée ne doit pas conduire à regarder comme non avenu l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion attaché à la mesure d’exécution forcée ou à la mesure conservatoire (D. Lebeau, préc., n° 34). Pour déterminer si l’effet interruptif du délai de prescription ou de forclusion demeure, il n’est pas suffisant d’analyser la décision de mainlevée. Il faut également rechercher si celle-ci ne résulte pas d’une disparition rétroactive de l’acte de saisie.

On sait que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable. Elle doit néanmoins justifier de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement et que, dans quelques hypothèses, le créancier peut pratiquer une mesure conservatoire sans être tenu de solliciter une autorisation du juge (C. pr. exéc., art. L. 511-1 et L. 511-2). Mais, dans tous les cas, le juge de l’exécution peut être saisi afin de donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions pour pratiquer...

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