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Le mémoire d’association devant la Cour de cassation, ou l’extension de la portée des arrêts de cassation

Devant la Cour de cassation, une partie n’ayant pas formé de pourvoi peut déposer un mémoire d’association pour bénéficier d’une extension de la cassation ou de l’annulation à intervenir. Ce procédé, qui répond notamment aux objectifs de simplification de la procédure et de bonne administration de la justice, doit cependant respecter certaines conditions, lesquelles ne sont applicables qu’aux pourvois formés à compter du présent arrêt.

Il est traditionnellement enseigné que la cassation ou l’annulation d’une décision par la Cour de cassation ne concerne que les parties à l’instance de cassation ; l’arrêt ne profite qu’au demandeur et ne nuit qu’au défendeur. Les parties n’ayant pas formé de pourvoi ou contre lesquelles un pourvoi n’a pas été formé ne sont ainsi pas concernées par l’instance en cassation. Elles seront seulement liées par la chose irrévocablement jugée par la décision frappée de pourvoi, sans pouvoir être affectées par l’arrêt de la Cour de cassation ou par l’éventuel renvoi prononcé.

L’arrêt de la deuxième chambre civile du 20 mars 2025 remet en perspective ces principes et la question de la portée des arrêts de cassation en abordant le thème, original, du mémoire d’association.

De quoi s’agit-il ? L’arrêt n’en donne pas de définition mais en livre la fonction. Le mémoire d’association permet d’obtenir « l’extension d’une cassation ou d’une annulation afin qu’elle soit prononcée au bénéfice de son auteur » (§ 17) sans que ce dernier n’ait formellement à introduire un pourvoi en cassation. Il s’agit donc d’un mémoire, c’est-à-dire d’un acte de la procédure, ayant pour effet de modifier la portée d’une cassation au profit de son auteur.

Sur le fond, l’affaire en cause dans cet arrêt importe peu. Elle est seulement topique des cas dans lesquels la question d’une association d’une partie au pourvoi introduit par une autre se pose. Il s’agit de litiges opposant plus de deux justiciables et qui ont souvent une dimension complexe (construction, procédures collectives, copropriété, cautionnement, etc.) ou dans lesquels une condamnation in solidum a été prononcée. En l’espèce, le litige opposait le propriétaire d’un ensemble immobilier détruit par un incendie à ses deux assureurs (les sociétés Generali et Gan). L’arrêt frappé de pourvoi avait condamné ces derniers in solidum au paiement d’indemnités à l’assuré. Une cassation de cet arrêt est prononcée pour deux motifs : la cour d’appel a omis de répondre à un moyen de la société Generali et a violé le principe du contradictoire en ayant relevé d’office un moyen sans recueillir, au préalable, les observations des parties.

L’intérêt de cette décision est ailleurs. Il réside dans l’examen, par la Cour de cassation, de la portée et des conséquences de la cassation prononcée à la lumière d’un mémoire d’association. Le pourvoi ayant été formé par l’un des deux coobligés (la société Generali), il se posait en effet la question de l’extension des effets de la cassation obtenue au codébiteur (la société Gan) qui, même s’il n’avait pas formé de pourvoi pour son compte, avait présenté un mémoire d’association. Après avoir sollicité une note écrite et auditionné le président de l’ordre des avocats aux Conseils en qualité d’amicus curiae, la Cour s’est prononcée sur la recevabilité de ce mémoire d’association. Au terme d’un arrêt rendu en formation plénière de chambre, et publié au Bulletin, à la Lettre de chambre et au Rapport annuel, la deuxième chambre civile consacre, ou plutôt consolide, une pratique déjà existante du mémoire d’association et encadre son régime.

Le procédé du mémoire d’association

Le mémoire d’association est issu d’une pratique des avocats aux Conseils, admise avec constance par la jurisprudence depuis un arrêt de 1984 (la Cour de cassation cite elle-même, au § 16 de sa décision, l’arrêt de principe et d’autres précédents, Civ. 1re, 24 janv. 1984, n° 82-15.533 P). Comme toujours, cette pratique est née d’une liberté prise en l’absence de réglementation textuelle. Il est vrai que la notion est singulière et, en tout cas, inconnue du code de procédure civile. Le mémoire d’association ne peut d’abord être assimilé à un mémoire portant intervention à l’instance. S’il semble s’approcher de l’intervention volontaire accessoire (laquelle « appuie les prétentions d’une partie » et permet à son auteur de soutenir une partie « pour la conservation de ses droits » ; C. pr. civ., art. 330), il s’en distingue par nature puisque l’intervention a pour objet de « rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires » (C. pr. civ., art. 66) et que, selon la Cour de cassation, le mémoire d’association est bien déposé par une partie à l’instance (§ 16). Par ailleurs, même s’il est déposé par une partie, le mémoire d’association se distingue aussi du pourvoi incident (formé en réponse au pourvoi principal par le défendeur) ou provoqué (qui permet d’étendre le recours à une partie non encore attraite à l’instance en cassation et qui était partie à l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée). Ces derniers sont des pourvois, c’est-à-dire des recours, qui sont relatifs à leurs auteurs et qui étendent la critique dirigée contre la décision attaquée. L’auteur du mémoire d’association, quant à lui, ne formule pas de critique propre contre la décision attaquée mais demande simplement, en s’associant à une critique déjà formulée par une autre partie, à bénéficier pour les mêmes raisons des effets de la cassation. Le mémoire d’association est donc un instrument original en procédure civile.

Quelle est alors l’utilité de ce mémoire d’association ?

Pour le comprendre, il convient de rappeler que, devant la Cour de cassation, l’objet du recours est la demande de cassation ou d’annulation. Cet objet est précisé par...

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