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La mention d’une créance sur la liste remise par le débiteur au mandataire ne vaut pas renonciation tacite à la prescription

Le fait pour le débiteur de porter une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, conformément à l’obligation que lui fait l’article L. 622-6 du code de commerce, ne vaut pas renonciation tacite de sa part, au sens des articles 2250 et 2251 du code civil, à la prescription acquise de ladite créance. En l’occurrence, si l’information ainsi donnée au mandataire judiciaire, dans la limite de son contenu, fait présumer la déclaration de créance par son titulaire, elle ne peut constituer une circonstance de nature à établir sans équivoque la volonté du débiteur de ne pas se prévaloir de la prescription.

En matière de procédures collectives, le stade de la vérification du passif comporte un nombre important de pièges procéduraux pour les différentes personnes intéressées par cette étape.

L’arrêt ici rapporté, par la solution qu’il apporte, nous paraît en déjouer un.

Avant d’entrer dans les détails de la solution, revenons sur quelques règles applicables en matière.

L’article L. 622-6 du code de commerce indique que le débiteur doit notamment remettre, dans les huit jours de l’ouverture de la procédure aux organes de celle-ci (C. com., art. R. 622-5), la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Or, puisqu’elle doit comprendre l’énumération des créanciers et du montant des dettes, il s’agit, en quelque sorte, de la toute première information dont disposeront les organes de la procédure quant à la composition du passif du débiteur.

En outre, bien que cela ne concerne pas la situation de l’espèce (même si la Cour de cassation prend le soin de le rappeler dans sa solution), il faut souligner que, depuis l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, le troisième alinéa de l’article L. 622-24 prévoit que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi en déclaration de créance pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa propre déclaration dans le délai prévu par l’article R. 622-24 du code de commerce.

À cet égard, bien qu’il ne s’agisse pas « d’un instrument imposé », la connaissance par le mandataire des créances que le débiteur déclare pour le compte des créanciers va s’opérer d’une façon quasi systématique en raison des dispositions de l’article L. 622-6 du code de commerce.

Au regard de ce qui précède, est-ce à dire qu’en portant une créance à la connaissance du mandataire par le canal de l’article L. 622-6, le débiteur en reconnaîtrait le bien-fondé, ce qui l’empêcherait ensuite de la contester ?

La Cour de cassation a répondu à cette question par la négative et bien que le débiteur mentionne une créance au sein de la liste de l’article L. 622-6 et la déclare donc pour le compte du créancier, il n’est pas privé, par la suite, du droit de la contester (Com. 23 mai 2024, nos 23-12.133 FS-B et 23-12.134 FS-B, Dalloz actualité, 3 juin 2024, obs. B. Ferrari ; D. 2024. 1454 , note J.-L. Vallens ; ibid. 1691, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 2193, chron. C. Bellino, T. Boutié, C. Lefeuvre et G. Maigret ; RTD com. 2024. 745, obs. A. Martin-Serf ).

L’arrêt ici rapporté s’inscrit dans le sillage de ce précédent arrêt. En l’occurrence, la question se posait de savoir si en mentionnant une créance sur la liste de l’article L. 622-6 le débiteur renoncerait tacitement à sa prescription, le privant donc du droit de la contester ultérieurement sur le terrain de la prescription.

L’affaire

En l’espèce, un créancier a déclaré une créance au passif de la procédure collective de son débiteur. Cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire au motif qu’elle serait prescrite.

En réponse, le créancier a assigné le débiteur, les organes de la procédure, ainsi que la caution aux fins de voir admettre sa créance au passif et de condamner la caution à lui régler une certaine somme correspondant au montant de la créance déclarée.

La caution a, quant à elle, demandé au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge-commissaire et, subsidiairement, de déclarer les demandes du créancier irrecevables en ce qu’elles seraient prescrites.

Par la suite, le juge-commissaire a constaté l’existence d’une contestation sérieuse, s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’admission de la créance et a invité le créancier à saisir la...

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