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Modalités de contrôle de l’application du droit du travail : non-renvoi de QPC

N’est pas sérieuse la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant la conformité de l’article L. 8112-4 du code du travail, lequel renvoie à un décret le soin de déterminer les modalités de contrôle de l’application du code du travail notamment aux salariés des professions libérales, au droit à un recours juridictionnel.

par Bertrand Inesle 13 avril 2015

Après avoir défini les compétences et fonctions des inspecteurs du travail, le code du travail renvoie, dans un article L. 8112-4, à un décret le soin de déterminer les modalités de contrôle de l’application des dispositions de ce code aux salariés des offices publics et ministériels, des professions libérales, des sociétés civiles, des syndicats professionnels et associations de quelque nature que ce soit. Une QPC a été transmise à la Cour de cassation et conteste la conformité de cet article au droit à un recours juridictionnel garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La chambre criminelle refuse, cependant, de la renvoyer au Conseil constitutionnel, faute de présenter un caractère sérieux.

La motivation de la Cour se déroule en deux temps. Elle considère, d’une part, que l’article L. 8112-4 du code du travail n’apporte pas de dérogation, pour les professions libérales, aux modalités de contrôle des inspecteurs du travail applicables aux employeurs de droit privé, qui sont limitativement définies aux articles L. 8113-1, L. 8113-2, L. 8113-3, L. 8113-5 et L. 8113-6 de cecode. Elle estime, d’autre part, qu’en ne permettant pas de perquisition et de saisie et en prévoyant la communication des seuls livres, registres et documents rendus obligatoires par le code du travail, les dispositions précitées, dont la mise en œuvre peut être contestée devant le juge judiciaire, notamment lorsqu’il est saisi de poursuites pénales, indépendamment, le cas échéant, des voies de droit ouvertes devant le juge administratif, n’autorisent aucune mesure coercitive exigeant d’autres voies de recours.

Si l’on cherche un lien quelconque entre la question posée et la réponse apportée par la Cour de cassation, le sens à donner à l’arrêt n’a rien d’évident. La faute probablement à l’absence d’énoncé de l’argumentaire présenté par les requérants à l’appui de la QPC et dont la présence aurait peut-être permis de rendre la position adoptée par la Cour plus explicite. C’est la difficulté de compréhension que suscitaient parfois les arrêts de la Cour cassation rendus avant 2009 qui cumulaient, lorsqu’une cassation était prononcée, une forme de rédaction traditionnellement concise et l’absence d’exposé des moyens, seuls à même de dégager le problème de droit présenté à la Cour.

Une lecture et une interprétation de l’arrêt semblent, néanmoins, pouvoir être avancés.

Le renvoi auquel procède l’article L. 8112-4 du code du travail n’a donné lieu qu’à l’édiction d’un décret du 22 juillet 1941, lequel figurait à l’ancien article R. 611-5 du code du travail avant la recodification de celui-ci. Cette disposition prévoyait que les inspecteurs du travail restaient chargés d’assurer l’application du code du travail aux salariés visés par l’ancien article L. 611-1 du même code (C. trav., art. L. 8112-4) mais que, dans les offices ministériels, ils assuraient leurs fonctions concurremment avec les chambres de discipline. Depuis, le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 qui a recodifié la partie réglementaire du code du travail a abrogé cette disposition, laissant l’actuel article L. 8112-4 de ce code sans réelle application, ce qui explique, d’ailleurs, pourquoi il a été envisagé son abrogation pure et simple (V. Comm. des affaires sociales, rapp. n° 1942, 14 mai 2014, sur la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspecteur du travail). Hier – seuls les salariés des offices ministériels ayant été concernés – comme aujourd’hui, il n’est donc porté aucune dérogation aux compétences de l’inspecteur du travail ni aux modalités d’exercice de son contrôle de l’application du code du travail s’agissant notamment des professions libérales.

Aussi la conformité du code du travail au droit à un recours juridictionnel, consacré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme (V. Cons. const. 21 janv. 1994, n° 93-335 DC, cons. 4, D. 1995. 294 , obs. E. Oliva ; ibid. 302 , obs. P. Gaïa ; RDI 1994. 163, étude J. Morand-Deviller ; RFDA 1995. 7, note P. Hocreitère ; ibid. 780, étude B. Mathieu ; 9 avr. 1996, n° 96-373 DC, cons. 83, AJDA 1996. 371 , note O. Schrameck ; D. 1998. 156 , obs. J. Trémeau ; ibid. 145, obs. J.-C. Car ; ibid. 147, obs. A. Roux ; ibid. 153, obs. T. S. Renoux ; RFDA 1997. 1, étude F. Moderne ; 13 juin 2014, n° 2014-403 QPC, cons. 3, D. 2014. 1277 ), relativement à ces modalités, ne peut-il être examiné qu’à l’aune des dispositions définissant, de manière générale, les prérogatives dont disposent les inspecteurs du travail dans l’exercice de leurs fonctions et qui figurent aux articles...

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