Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Modalités de protection des marques renommées

Les marques renommées méritent protection au-delà des produits et services revendiqués dans leurs dépôts.

Quelle fille, de 15 à 70 ans (et plus), n’a pas au moins une fois porté une petite robe Maje, ou craqué pour son célèbre petit sac à franges décliné en couleurs acidulées ? Cette marque, dont la presse a notamment célébré en 2018 les vingt ans de sa création par Judith Milgrom, est, selon le magazine L’OBS une des plus grandes success-stories des marques de mode françaises, dont la notoriété et l’image qu’elle véhicule (l’élégance et le chic « effortless », « à la française ») ont depuis longtemps conquis les pays étrangers, dont l’Amérique du Nord, selon le magazine Grazia.

La société Maje est notamment titulaire de la marque française verbale déposée le 19 juin 2017 en classes 3, 9, 14, 18 et 25, entre autres choses pour des parfums, lunettes, bijoux, sacs et vêtements. Sur le fondement de la renommée de cette marque pour désigner « les sacs à mains, vêtements, chaussures et chapellerie », elle a fait opposition devant l’INPI à l’enregistrement de la marque française verbale LES MAISONS DE MAJE déposée le 5 janvier 2022 par la société Emajein pour désigner en classe 43 les services « d’hébergement temporaire, réservation de logements temporaires ».

Le directeur de l’INPI, tout en reconnaissant la renommée de cette marque, a rejeté cette opposition aux motifs de l’absence de similarité entre les produits et services revendiqués par les marques en cause. Au surplus, l’opposante n’avait produit aucun document permettant de démontrer, ainsi qu’elle l’invoquait, la diversification des sociétés de prêt-à-porter dans le domaine de l’hôtellerie.

Sur appel de la société Maje, la Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 22 décembre 2023, confirmant la décision du directeur de l’INPI sur ces points, a reconnu que la marque MAJE est renommée en France pour « les sacs à mains, vêtements, chaussures et chapellerie », et qu’il existe « une certaine similarité entre les signes ».

Elle a toutefois également confirmé la décision de l’INPI quant au rejet de l’opposition, au motif que « la grande dissemblance entre les produits et services en cause et l’absence de démonstration de la société Maje que les publics concernés sont communs, même pour partie, exclut que la marque contestée puisse évoquer la marque antérieure dans l’esprit du consommateur français ».

En statuant ainsi, la cour, qui ne s’est pas interrogée sur l’incidence de l’intensité de la renommée de la marque MAJE et de la similarité élevée entre les marques en cause pour caractériser le lien que le public concerné peut être amené à faire entre lesdites marques, n’a pas fait une exacte application des règles gouvernant la protection des marques renommées.

Dispositions instaurant une protection étendue au bénéfice des marques renommées

Le dépôt de la marque contestée ayant été effectué en 2022, l’opposition était fondée sur les dispositions du nouvel article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle tel qu’issu de l’ordonnance du 13 novembre 2019 : « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. »

Cet article procède de la transposition de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont le considérant 10 dispose : « il est essentiel de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent de la même protection dans les systèmes juridiques de tous les États membres. À l’instar de la protection étendue accordée aux marques de l’Union européenne qui jouissent d’une renommée dans l’Union, une protection étendue devrait également être accordée, au niveau national, à toutes les marques enregistrées qui jouissent d’une renommée dans l’État membre concerné ».

Ladite directive, dans son article 10, « Droits conférés par la marque », dispose :
1. l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci ;
2. sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe lorsque (…)
c) le signe est identique ou similaire à la marque, indépendamment du fait qu’il soit utilisé pour des produits ou des services qui sont...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :