Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Motivation des amendes prononcées par l’administration du travail : transparence et individualisation des sanctions

En matière de sanctions prononcées par l’inspection du travail, l’administration est tenue de faire apparaître dans sa motivation les circonstances prises en compte pour déterminer le montant de l’amende prononcée, donc pour apprécier sa proportionnalité qui tend à assurer l’individualisation de cette sanction. Sans aller jusqu’à imposer que l’administration fasse apparaître chacun des critères prévus par la loi, cette obligation permet une meilleure appréhension par le contrevenant du raisonnement de l’administration, et facilite le contrôle opéré par le juge en cas de recours.

par Sonia Norval-Grivet, Magistratele 11 octobre 2022

Érigées en système répressif autonome, parallèle aux sanctions pénales, les sanctions administratives permettent de réprimer directement et plus rapidement divers manquements. Elles évitent le recours au juge pénal et les délais de jugement y afférents, et permettent à l’administration, dotée de moyens croissants à cet effet, de sanctionner directement les infractions qu’elle constate. Depuis la reconnaissance de leur constitutionnalité en 1989, sous réserve que ces sanctions excluent toute privation de liberté et soient assorties, par le législateur, de garanties (Cons. const. 17 janv. 1989, n° 88-248 DC ; 29 déc. 1989 n° 89‐268 DC), leur champ, aujourd’hui étendu à la plupart des activités professionnelles et sociales (secteur économique et financier, fiscalité, travail, santé et salubrité publiques, formation professionnelle, transports, etc.), comme les garanties encadrant l’exercice du pouvoir répressif de l’administration, se sont considérablement développés. Les principes fondamentaux qui les régissent se sont étoffés, à l’occasion d’un dialogue entre le juge administratif et les juges constitutionnel et européen (v. Conseil d’État, dossier thématique du 9 janv. 2017, Le juge administratif et les sanctions administratives). Ce mouvement englobe les amendes prononcées par l’inspection du travail pour sanctionner les manquements des employeurs à la législation sociale. L’arrêt Société Glass Express (dont les conclusions du rapporteur public ne sont, à notre connaissance, pas publiées au jour de ce commentaire) s’inscrit dans cette dynamique.

L’administration, garante du respect du droit du travail par les employeurs

Des sanctions administratives en plein essor

Les missions de l’inspection du travail se sont progressivement élargies, au gré du développement de la législation du travail, et ont entraîné un accroissement de ses modalités d’intervention, sous l’effet du droit international et notamment de la Convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail sur l’inspection du travail, adoptée à Genève le 11 juillet 1947 (v. l’étude du Conseil d’État, Les pouvoirs d’enquête de l’administration, avr. 2021).

Introduite par la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, la faculté, pour l’inspection du travail, de sanctionner les manquements des employeurs par le prononcé d’amendes administratives s’est considérablement développée à la suite de l’ordonnance du 7 avril 2016. Cette dernière a étendu les pouvoirs d’investigation de l’administration du travail, renforcé ses prérogatives en cas de danger pour la santé et la sécurité des travailleurs, élargi son champ de compétence, et amélioré le dispositif de sanction des infractions au droit du travail.

La commodité et la souplesse du recours à ce procédé expliquent cet essor. Selon les chiffres communiqués par le ministère du Travail, plus de 1 200 amendes administratives ont été notifiées par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) entre 2019 et 2020 pour un montant global de 6,8 millions d’euros. Cent vingt procès-verbaux ou signalements ont été transmis aux parquets et une trentaine de suspensions ont été engagées pour des manquements graves. L’engouement des pouvoirs publics pour le recours à ces sanctions a été dernièrement illustré par le dispositif d’amendes administratives visant les entreprises récalcitrantes dans l’application du protocole sanitaire face au covid-19.

Cadre général des amendes prononcées par l’inspection du travail

À côté des manquements spécifiquement sanctionnés par des dispositions éparses, le cadre général d’application des amendes administratives est fixé par les articles L. 8115-1 à L. 8115-8 du code du travail, qui sanctionnent divers manquements aux règles relatives à la durée du travail, à la rémunération et aux minima conventionnels ou à la sécurité sanitaire.

Contrairement à d’autres sanctions administratives, et notamment à celles prononcées par l’Office français de l’immigration et...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :