- Administratif
- Toute la matière
- > Bien
- > Collectivité territoriale
- > Compétence
- > Contrat et marché
- > Droit fondamental et liberté publique
- > Election
- > Environnement
- > Finance et fiscalité
- > Fonction publique
- > Institution administrative
- > Pouvoir public
- > Procédure contentieuse
- > Responsabilité
- > Service public
- > Urbanisme
- Affaires
- Civil
- Toute la matière
- > Arbitrage - Médiation - Conciliation
- > Bien - Propriété
- > Contrat et obligations
- > Droit et liberté fondamentaux
- > Droit international et communautaire
- > Famille - Personne
- > Filiation
- > Loi et traité
- > Mariage - Divorce - Couple
- > Procédure civile
- > Profession juridique et judiciaire
- > Responsabilité
- > Société et association
- > Sûretés
- > Voie d'exécution
- Européen
- Immobilier
- IP/IT et Communication
- Pénal
- Toute la matière
- > Atteinte à l'autorité de l'état
- > Atteinte à la personne
- > Atteinte aux biens
- > Circulation et transport
- > Criminalité organisée et terrorisme
- > Droit pénal des affaires
- > Droit pénal général
- > Droit pénal international
- > Droit social
- > Enquête
- > Environnement et urbanisme
- > Instruction
- > Jugement
- > Mineur
- > Peine et exécution des peines
- > Presse et communication
- Social
- Avocat
Article
Moyen relevé d’office et respect du contradictoire en soins sous contrainte
Moyen relevé d’office et respect du contradictoire en soins sous contrainte
La Cour de cassation vient rappeler que le moyen de droit relevé d’office doit être présenté aux parties afin que le juge puisse recueillir leurs observations. Dans une procédure orale, l’absence d’une partie à l’audience ne permet pas de présumer que le moyen a été débattu contradictoirement.
par Cédric Hélainele 10 juin 2021
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 26 mai 2021 rappelle l’importance cardinale du principe du contradictoire et son lien avec l’office du juge (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., Lextenso, coll. « Domat », p. 256, n° 304). C’est au sujet de l’hospitalisation sans consentement que le problème s’est posé mais la difficulté est transposable à toute procédure civile classique. Notons, à titre liminaire, d’ailleurs que l’article R. 3211-7 du code de la santé publique soumet les procédures judiciaires liées aux hospitalisations sous contrainte aux règles du code de procédure civile (pour les moyens de défense, v. Civ. 1re, 12 mai 2021, n° 20-13.307, Dalloz actualité, 19 mai 2021, obs. C. Hélaine, D. 2021. 966 ). Ceci fait de cette matière un laboratoire topique d’étude des règles du droit judiciaire privé. La question du jour porte sur l’entrecroisement entre un moyen de droit relevé d’office par le juge et le débat contradictoire entre les parties dans le cadre d’une procédure orale. La difficulté prend une tournure particulière en matière d’hospitalisation sans consentement puisque le majeur concerné par la mesure n’est bien souvent pas en mesure d’être à l’audience. Les faits sont ici assez classiques : une personne sous curatelle est admise en hospitalisation sous contrainte à la demande d’un tiers sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique. Plusieurs programmes de soins ont pu se succéder, avec une période d’hospitalisation complète à compter du 16 octobre 2019, qui a donné lieu à une décision du juge des libertés et de la détention du 25 octobre. Le 14 novembre, alors qu’un programme de soins était en cours depuis dix jours, le directeur de l’établissement décide d’une nouvelle hospitalisation sans consentement. Quatre jours plus tard, le directeur sollicite le renouvellement de la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique. Problème : de nombreuses irrégularités étaient reprochées par la personne hospitalisée sous contrainte. Cette dernière soulève ainsi ces irrégularités devant le premier président de la cour d’appel de Rouen. Dans une ordonnance en date du 5 décembre 2019, ce dernier décide de soulever d’office le moyen selon lequel « sont irrecevables les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure antérieure au 25 octobre 2019, date à laquelle le juge des libertés et de la détention a statué, par une décision définitive ayant autorité de la chose jugée, sur la régularité d’une précédente hospitalisation complète ». Tout ceci paraissait bien exempt de critique mais le moyen relevé d’office n’avait pas été présenté aux parties pour recueillir leurs observations d’autant plus que les deux parties étaient absentes à l’audience. Le majeur protégé se pourvoit en cassation en arguant que tout moyen de droit relevé d’office par le juge doit faire l’objet d’un débat contradictoire entre les parties.
La Cour de cassation casse et annule l’ordonnance entreprise sur le fondement de l’article 16, alinéa 3, du code de procédure civile dans une motivation particulièrement pédagogue où la haute juridiction rappelle l’intérêt de la règle et son incidence en hospitalisation sous contrainte.
Le rappel de la prééminence du contradictoire
La Cour de cassation utilise dans l’arrêt du 26 mai 2021 une motivation particulièrement riche citant un précédent en matière d’office du juge également dans le cadre d’une procédure orale, à savoir dans les litiges portant sur les honoraires d’avocat (Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-15.985, Dalloz actualité, 18 nov. 2020, obs. C. Caseau-Roche ; D. 2020. 2124 ; ibid. 2021. 104, obs. T. Wickers ; ibid. 543, obs. N. Fricero ). Comme le notent MM. Cadiet et Jeuland, l’obligation faite au magistrat dans l’article 16, alinéa 3, du code de procédure civile s’applique à tous les types de moyens « de fond, de procédure ou d’irrecevabilité ; peu importe qu’ils soient dans l’intérêt privé ou d’ordre public » (L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 11e éd., LexisNexis, coll. « Manuels », 2020, p. 480, n° 511). Voici donc de quoi bien réaffirmer la force du principe du contradictoire dans toute sa splendeur. Tout moyen relevé d’office doit être présenté aux parties afin de recueillir leurs observations. Ici, le moyen en question était particulièrement bien fondé puisqu’il concernait l’autorité de la chose jugée d’une précédente décision. En notant qu’« alors que le curateur de M. L… et le directeur du centre hospitalier n’avaient pas comparu à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces de la procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur ce moyen relevé d’office » (nous soulignons), la Cour de cassation n’a pas d’autres solutions que de retenir une cassation pour violation de la loi faute de comparution effective de l’intéressé. L’issue aurait été bien différente si le moyen avait été d’une manière ou d’une autre déjà dans la cause (Civ. 2e, 5 juin 2014, n° 13-19.920, Dalloz actualité, 25 juin 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 1722, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, T. Vasseur, E. de Leiris, H. Adida-Canac, D. Chauchis et N. Palle ) puisque, dans ce cadre, le relevé d’office n’en aurait pas vraiment été un, dispensant d’une telle formalité.
Rappelons que l’article 16, alinéa 3, du code de procédure civile qui sert de support au visa de l’arrêt commenté ne s’est pas imposé d’une manière évidente en droit positif. Il a fallu, notamment, attendre une annulation du Conseil d’État (CE 12 oct. 1979, A. Bénabent, Rassemblement des nouveaux avocats de France, D. 1979. 606 ; RTD civ. 1980. 145, obs. J. Normand) de l’article 12, alinéa 3, ancien qui dispensait le juge d’observer le contradictoire quand il statuait en relevant d’office un moyen de pur droit (S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chainais et L. Mayer, Procédure civile, 35e éd., Dalloz, coll. « Précis », p. 638, n° 889). Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 a, par la suite, donné à l’article 16, alinéa 3, sa rédaction actuelle, laquelle est « de plus en plus largement appliquée » (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., Lextenso, coll. « Domat », p. 259, n° 310). Dans une procédure écrite, la difficulté liée au moyen de droit relevé d’office peut être évacuée par une décision avant dire droit afin de rouvrir les débats et de recueillir les observations des parties par voie de conclusions. Le travail peut également être facilité par le jeu de diverses présomptions comme dans le cadre des procédures sans représentation obligatoire où les moyens sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l’audience.
On perçoit toutefois aisément l’idée qui a pu conduire au raisonnement du premier président de l’ordonnance cassée dans l’arrêt commenté. Derrière le moyen relevé d’office, il y avait le respect de l’autorité de la chose jugée et, ce faisant, la volonté d’éviter de détricoter ce qui avait déjà été purgé par des décisions passées n’ayant pas relevé les problèmes soulevés par le majeur interné en cause d’appel seulement. En dépit de ce constat, la Cour de cassation maintient un degré très exigeant dans le respect du contradictoire afin de garantir les droits du majeur protégé. Bien évidemment, tout ceci appelle des remarques dans le contentieux précis de l’hospitalisation sans consentement.
Des conséquences sur la procédure d’hospitalisation sous contrainte
Bien que la solution ne soit pas nouvelle, en ce qu’elle est l’application du droit commun dans la procédure spécifique des soins psychiatriques sous contrainte, il n’en reste pas moins que les juges des libertés et de la détention doivent composer avec des difficultés assez originales, propres à ce contentieux. Nous ne sommes pas dans une procédure classique où les individus peuvent comparaître facilement : par définition, ils sont dans une structure médicale et la voie de recours s’exerce d’une manière bien souvent complexe, dans des délais rapides. Or cette complexité conduit à devoir composer avec les moyens du bord : patient sous médicamentation, contact avec la structure accueillant le majeur hospitalisé, impossibilité des communications avec l’intéressé, truchement d’un isolement ou d’une contention (sur ce point, v. décr. n° 2021-537, 30 avr. 2021, JO 2 mai, Dalloz actualité, 11 mai 2021, obs. C. Hélaine), etc. Il faut bien avouer, en tout état de cause, que les obstacles peuvent être très nombreux pour élaborer une décision à l’abri de toute critique en droit ou en fait. En rappelant l’importance du contradictoire dans les moyens de droit relevés d’office par le juge, la Cour de cassation confirme ce constat malgré l’absence régulière de comparution du principal intéressé. Les soins sous contrainte sont des procédures où le juge doit jouer un rôle d’équilibriste pour parvenir à une solution exempte de défauts. L’art est parfois bien difficile.
Faut-il, pour autant, aménager alors les règles applicables à l’hospitalisation sans consentement ? La réponse est très nuancée, semble-t-il. L’application du code de procédure civile permet de donner un élan protecteur à ces mesures puisqu’elles bénéficient des principes directeurs du droit judiciaire privé. Cet élan se conjugue d’ailleurs avec les dispositions du code de la santé publique qui « multiplient les portes de sortie » (v. Rép. civ., v° Malades mentaux, par D. Truchet, nos 87 s.) de l’individu hospitalisé sans consentement. Mais des aménagements resteraient théoriquement possibles comme, par exemple, passer d’une procédure orale à une procédure purement écrite. Mais, à l’heure actuelle, une telle réforme n’est pas envisagée car elle est elle-même accompagnée de son lot de risques.
En somme, le contradictoire vient à nouveau confirmer l’équilibre délicat entre les droits de l’individu placé en soins sous contrainte et la protection de l’ordre public. Règle essentielle entre les parties, le contradictoire s’impose également au juge qui, une fois les observations des parties recueillies, peut utiliser à toutes fins utiles le moyen de droit relevé d’office pour motiver sa décision. La Cour de cassation continue ainsi la construction d’un régime harmonieux de l’hospitalisation sous contrainte, régime qui ne diffère guère d’une procédure civile très classique.
Sur le même thème
-
De l’influence de l’isolement et de la contention sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement
-
Panorama rapide de l’actualité « santé » de l’été 2024
-
L’Agence de la biomédecine peut-elle mentionner sur son site internet l’interdiction de la ROPA ? Réponse du Conseil d’État
-
Une procédure collégiale de limitation ou d’arrêt des soins pour obstination déraisonnable n’évite pas toujours les dérapages
-
Absence de suspension de la prescription des créances au profit des concubins : non-renvoi de QPC relatives à l’article 2236 du code civil
-
Déplacement international d’un enfant : quel est l’État de retour ?
-
Saisie pénale d’un immeuble appartenant à un majeur protégé : inconstitutionnalité de l’absence d’obligation légale d’information du curateur ou du tuteur
-
Déplacement illicite d’enfant : précisions sur le régime applicable
-
Renonciation au droit exclusif sur le bail (conjoint survivant) : mise en œuvre et portée
-
La légalité contestée de certaines dispositions réglementaires prises pour l’application de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique