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Municipales : la campagne de l’avocat Francis Szpiner dans le XVIe arrondissement de Paris

Le ténor du barreau se présente aux municipales dans le 16e arrondissement de Paris. Une élection sous le signe des avocats.

par Gabriel Thierryle 12 mars 2020

Après trois élections législatives perdues sous les couleurs du RPR et des Républicains, Francis Szpiner remonte au front. L’avocat parisien espère bien remporter le très à droite XVIe arrondissement de Paris à l’occasion des municipales. Pour Me Szpiner, cette élection pourrait bien en effet être la bonne, poussé par la dynamique qui porte la droite parisienne. En cas de victoire, l’avocat recevra en guise de cadeau d’anniversaire – il aura 66 ans le soir du deuxième tour – le fauteuil de maire.

Profession d’avocat oblige, la campagne du candidat est cependant très marquée par les métiers du droit. Ce jeudi 5 mars, au stade Jean-Bouin, le meeting de Francis Szpiner a ainsi un air de réunion de cabinet. Sur l’estrade, l’avocat de STAS (Szpiner, Toby, Ayela et Semerdjian) est en effet épaulé par l’un de ses associés, François Baroin, l’une des figures de la droite. Les deux hommes sont également entourés par deux autres juristes, Claude Goasguen et Rachida Dati, qui brigue l’hôtel de ville. En tout, ils sont sept avocats sur la liste Szpiner, sans compter un élève avocat. « Le métier d’avocat prépare bien à l’engagement public, résume Me Szpiner. La première chose qu’un conseil doit faire, c’est écouter des personnes exposant leur problème, puis leur trouver une solution. Comme en politique, on ne peut pas voir la vérité révélée et on ne peut pas faire ce métier si on n’aime pas autrui. »

« L’un des plus grands pénalistes »

Ce soir-là, le meeting de Francis Szpiner commence par un éloge appuyé de François Baroin. Le candidat ? « C’est l’un des plus grands pénalistes des cinquante dernières années », rappelle-t-il à l’adresse de l’assistance qui a bravé le coronavirus et la pluie. Le président de l’Association des maires de France poursuit. « Avec sa voix de stentor, c’est un régal de l’écouter dans son exercice professionnel, un métier dans lequel il excelle. » Me Szpiner a récemment représenté la famille d’Imad Ibn Ziaten au procès en appel d’Abdelkader Merah et Sand Van Roy, l’actrice qui accusait Luc Besson de viol. L’ancien avocat d’Alain Juppé, proche de Jacques Chirac, s’est également emparé d’une partie de la défense du sulfureux Alexandre Djouhri, suspecté dans l’enquête sur le financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.

Me Szpiner n’est pas le seul ténor qui s’invite dans ces élections. Jean-Yves Le Borgne, sur la liste de Philippe Goujon, soutient ainsi le maire dissident du XVe arrondissement. Et, dans d’autres villes en France, des avocats mettent sur pied des listes composées uniquement de juristes pour prolonger le combat contre la réforme des retraites. Francis Szpiner, encarté à droite depuis 1982, n’est cependant pas là pour une candidature de témoignage. Mais son élection dans le XVIe arrondissement pourrait être contrariée par les divisions de la droite locale. Il affronte en effet deux candidatures dissidentes. Danièle Giazzi, maire (LR) depuis la démission du candidat élu en 2014, Claude Goasguen, qui a préféré l’Assemblée nationale en 2017. Tout comme la sénatrice LR Céline Boulay-Espéronnier. En embuscade, l’adjointe sortante Hanna Sebbah, chargée des associations, un temps elle aussi LR, espère rafler la mairie sous les couleurs de la République en marche dans la foulée du très bon score du parti présidentiel aux élections européennes de l’an passé. « La réforme des retraites ne favorise pas la majorité, remarque cependant Me Szpiner. De nombreux avocats, qui exercent et votent dans le XVIe arrondissement, me disent qu’il est hors de question de voter pour le parti présidentiel. »

Le candidat rattrapé par l’avocat

Quant à la préfète Béatrice Marre, qui conduit les troupes d’Anne Hidalgo, elle a la lourde tâche de défendre une maire sortante qui clive. La gestion de la propreté, de la sécurité et de la circulation dans la capitale hérisse le poil de l’opposition. Des arguments répétés par Me Szpiner. Mais, bien souvent, le candidat est rattrapé par l’avocat. Exemple, ce dimanche 8 mars, au marché de l’avenue de Versailles, porte de Saint-Cloud. Me Szpiner, un tract à la main, est interpellé par une mère de famille. Son fils vient de se faire vertement éjecter en demi-finale d’un concours d’éloquence. La faute à un trop grand étalage de culture générale et d’une trop grande confiance en soi, selon les mots du jury. « Quand on vient vous reprocher de faire état de votre culture, c’est catastrophique », se désole Me Szpiner, qui avoue cependant « qu’il y a de tout dans ces concours ». « Je n’ai jamais été pour le nivellement par le bas », poursuit-il en glissant sa carte à l’intention du futur juriste. Puis, avant de partir, il délivre un dernier conseil : « quand vous êtes un bon civiliste, vous pouvez tout faire ».

L’avocat poursuit son chemin vers la porte de Saint-Cloud à travers le marché. Après plusieurs semaines de réunions d’appartements, meeting et tractages, Me Szpiner, entre deux bises, des poignées de main et un commentaire sur le match de rugby, est à l’aise comme dans le prétoire. L’avocat s’amuse en distillant des bons mots.

« Marcel Campion, c’est comme Coluche », confie une électrice. « Coluche était plus drôle ! », réplique aussitôt l’avocat.

Un militant d’En Marche l’apostrophe amicalement. Il n’a jamais été socialiste et pensera à lui pour le deuxième tour. Un peu plus loin, l’avocat signale à d’autres militants marcheurs, décidément très intéressés par le candidat LR, « qu’un traître, c’est par définition un ami ». Si, dans le XVIe, les candidates de la droite dissidente embêtent Me Szpiner, « les schtroumpfs » – les militants d’En Marche portent des K-Way bleu clair – lui sont beaucoup plus « sympathiques ». De quoi suggérer des reports de voix au second tour.

En cas de victoire, l’avocat a déjà tout prévu. Il devrait se libérer du temps en se concentrant sur un peu moins de dossiers. Tout en gardant la main sur les affaires prioritaires, telles que l’association La voix de l’enfant, la lutte contre le terrorisme et l’antisémitisme, ou encore le droit des affaires avec Me Caroline Toby. Le barreau et la mairie, la perspective n’effraie pas le juriste. Et l’avocat de rappeler : « Cela a plutôt bien réussi à Valenciennes, avec Jean-Louis Borloo, non ? »