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« Mur des cons » : le procureur requiert la relaxe

Durant quatre jours, les débats ont largement gagné le terrain de la politique, du syndicalisme, de l’impartialité et donc de la morale. Mais il été peu question du droit de la presse. Jusqu’aux plaidoiries des parties et réquisitions de relaxe du procureur Yves Badorc. 

par Thomas Coustetle 10 décembre 2018

Beaucoup de questions ont occupé l’espace des débats dans ce procès anachronique. De mardi à vendredi soir, le prétoire s’est souvent transformé en tribune pour ou contre le syndicalisme judiciaire. Mais il été assez peu question du droit de la presse (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2018, art. T. Coustet isset(node/193498) ? node/193498 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193498). Pourtant, un seul et unique aspect sera tranché par les juges de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Françoise Martres est-elle, en qualité d’éditrice du panneau, coupable du délit d’injure publique ? L’audience de vendredi, consacrée aux plaidoiries et réquisitions, a imposé ce recentrage technique.

Pour Basile Ader, qui représentait avec Jean-Yves Le Borgne neuf des parties civiles, « le délit d’injure publique ne fait aucun doute » au sens de la loi du 29 juillet 1881. La publicité semble assurée par la visite du journaliste. « Un domicile a pu devenir un lieu public par la visite d’une personne qui n’est pas mue par une communauté d’intérêts », s’est-il justifié. Il s’est même fendu d’une astuce intellectuelle. Le consentement de la prévenue aurait été donné à sa diffusion en ne cherchant pas à s’opposer pas à ce que Clément Weill-Raynal voie le trombinoscope.

« Qu’est-ce que cet affichage sinon le signe d’une détestation gênante ? »

Jean-Yves Le Borgne, son acolyte dans ce dossier, a enfoncé le clou avec toute la verve qu’on lui connaît. Il s’est arrêté sur la notion d’injure liée à l’apostille qui figurait en marge du panneau : « avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà ». « J’ai cherché la marque de l’affectivité mais je ne l’ai pas trouvée », a-t-il ironisé. « Qu’est-ce que cet affichage sinon le signe d’une détestation gênante ? Quant aux « pères des deux victimes », « on passe de l’agressivité à l’indécence… », a plaidé l’avocat.

La relaxe requise par le parquet

« Je comprends très bien la critique des parties civiles mais mon impartialité commande que je ne m’égare pas sur d’autres voies que le droit » a gravement énoncé le procureur, devant le général Schmitt qui a ostensiblement quitté la salle à la lecture du réquisitoire.

Sur le terrain du droit, il semble néanmoins qu’il n’y ait pas lieu à poursuite. C’est du moins le sens du réquisitoire, conformément à la position du parquet tout au long de l’instruction. Le local syndical dans lequel était affiché le panneau ne pouvait pas être public. « Autoriser l’accès n’est pas suffisant. Il faut que l’auteur affiche sa volonté expresse de montrer au public l’affichage », a-t-il estimé. Et « inviter un journaliste dans le local ne manifeste pas cette volonté expresse ». Cela reviendrait à se placer dans une telle situation « à chaque fois qu’on rencontre un journaliste », a nuancé le représentant du ministère public.

Antoine Comte, avocat de Françoise Martres, n’a eu qu’à abonder : « Le journaliste Clément Weill-Reynal a reconnu lui-même à la barre qu’il s’était rendu spontanément devant le mur litigieux ».

Le délibéré sera rendu le 31 janvier 2019.