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« Mur des cons » : l’audition d’une victime replace l’injure dans le débat

Le procès du « mur des cons » a débuté ce mardi. L’audition des témoins a dévié sur des questions d’ordre déontologique avant que la parole d’une partie civile ne recadre le débat.

par Thomas Coustetle 7 décembre 2018

Deux camps se sont jusqu’ici affrontés depuis l’ouverture du procès du « mur des cons ». L’audition de la magistrate (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2018, art. T. Coustet isset(node/193464) ? node/193464 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193464) et des dix témoins a placé le débat sur le rôle joué par le syndicalisme judiciaire et ses conséquences sur l’indépendance des juges.

Katia Dubreuil, actuelle présidente du syndicat de la magistrature (SM), a souhaité témoigner du « gouffre » qui existait « à l’époque du mur » entre la perception que les habitués du local avaient du trombinoscope et « l’émoi » que la révélation de son existence a produit dans l’opinion. Son audition a fait écho, pour l’essentiel, à la thèse défendue par la comparante le premier jour d’audience (v. Dalloz actualité, 5 déc. 2018, art. préc.). « Le juge peut avoir des opinions. Il a le droit de vote », relève-t-elle. Pour ce magistrat, l’affaire ne remet pas en cause l’impartialité des juges. « Cette obligation déontologique s’exprime par la capacité du juge à se départir de ses opinions lorsqu’il exerce ses fonctions et par la garantie à pouvoir le récuser en cas de doute sérieux », a-t-elle avancé.

L’ancien juge Georges Fenech, témoin entendu à la demande des parties civiles, a offert une vision plus contrastée. Le témoin est même allé jusqu’à affubler les membres du SM de personnes « sectaires » et « méchantes », provoquant, au passage, les sourires de l’auditoire. Cette organisation aurait offert depuis sa création, dans les années 1970, une « vision de la justice idéologique et politique ». Pour lui, le juge n’est que le « vicaire de la loi » et ne saurait « se substituer au législateur ». Autrement dit, l’expression d’une opinion publique devient impossible dès que le juge prête serment. « Je me suis mis en disponibilité quand j’ai choisi d’entrer en politique », s’est-il justifié.

« À travers cette histoire, c’est la mémoire de ma fille qu’on insulte »

Une voix s’est élevée dans un débat que l’on croyait réservé à la question de l’indépendance des juges. Une voix qui a replacé la notion d’injure au centre des discussions. Philippe Schmitt, général de profession, est une partie civile. Il est le père d’Anne-Lorraine, tuée par un récidiviste dans le RER, en 2007. Sa photo figurait sur le panneau d’affichage. 

« C’est avec stupeur, colère et dégoût que j’ai appris que je figurais sur ce “mur des cons”. J’ai servi d’exutoire à la prévenue. À travers cette histoire, c’est la mémoire de ma fille qu’on insulte. Ce mur ne comporte aucune photo de criminels, mais des photos de policiers, magistrats et la photo de deux pères de victimes. Je suis un père meurtri et je demande réparation pour cette affaire que l’on tente de réduire à une plaisanterie potache », a-t-il déploré devant le tribunal.

Pour Philippe Schmitt, ce comportement n’est pas digne de magistrats : « Je pensais que pour être magistrat il fallait faire preuve de responsabilité et de réserve. Il s’agit d’une faute éthique ». Sa femme a choisi d’enfoncer le clou à la barre avec son témoignage. « J’ai l’impression que l’on a craché sur la tombe de ma fille », s’est-elle indignée. 

Le procès s’achève vendredi 7 décembre avec les plaidoiries et les réquisitions du parquet.