Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

La nécessaire démonstration d’une urgence propre dans le cadre du référé-liberté

Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté une requête introduite sur le fondement du référé-liberté. C’est l’occasion de rappeler les conditions posées par l’article L. 521-2 du code de justice administrative pour qu’une demande puisse prospérer, dont celle touchant à l’urgence qui doit être particulière.

par Patrick Lingibéle 23 juin 2021

Par quatre requêtes respectives, Mme W. et autres, Mme X. et autres, M. Y. et autres et M. Z. et autres ont saisi le juge des référés libertés de différentes demandes toutes similaires : 1°) annuler l’arrêté préfectoral n° 2021-1124/CAB/BPA du 9 juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires pour limiter la circulation du virus covid-19 dans le département de La Réunion ; 2°) à défaut d’une part, de procéder à la suspension des articles 14 et 15 du même arrêté préfectoral et d’autre part, dire que l’arrêté préfectoral du 9 juin 2021 précité ne pourra entrer en vigueur que dans les quinze jours compte tenu de la décision du Conseil d’État qui reconnaît que l’innocuité vaccinale ne peut être invoquée que quinze jours après la première injection ; 3°) enjoindre au préfet de La Réunion, sous 48 heures à compter de la présente décision d’une part, d’accorder une dispense pour les personnes présentant une contre-indication permanente à la vaccination et d’autre part, d’accorder une dispense pour les enfants de moins de onze ans et les enfants voyageant seuls en provenance ou à destination de La Réunion ; 4°) de condamner l’État au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a été saisi par les 1 000 requérants au travers des quatre requêtes sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Pour rappel, cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de 48 heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale.

Force est de constater que certaines demandent révèlent une très grande légèreté dans l’argumentation présentée au point de dénaturer l’office du juge des référés administratif. Nous relevons sur ce point à la lecture de l’ordonnance qu’au cours de l’audience le représentant de l’ensemble des 1 000 requérants a abandonné expressément les conclusions tendant à ce que le juge des référés prononce une entrée en vigueur de l’arrêté de manière différée de quinze jours ainsi que celles tendant à ce que le juge prononce une dispense pour les personnes qui présenteraient une contre-indication permanente à la vaccination.

Cette ordonnance a un caractère didactique et permet de rappeler la procédure du référé-liberté et les conditions strictes auxquelles elle doit répondre pour être admise, notamment quant à la condition d’urgence.

La nécessité de démontrer une urgence particulièrement urgente

La notion d’urgence telle qu’exigée pour le référé-liberté est une notion différente de celle appréciée pour le référé suspension ou encore pour le référé dit mesures utiles. Cela peut se comprendre dans la mesure où le juge des référés doit statuer dans des délais extrêmement brefs et très contraints au regard de l’enjeu et l’importance des libertés en cause. Il y a donc bien une urgence propre à l’instance du référé-liberté (CE 4 févr. 2004, n° 263930, Commune d’Yvrac c/ Gueguen, Lebon ). À ce titre, le juge du Palais-Royal considère que cette condition d’urgence exigée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut être satisfaite qu’à partir du moment où les faits en la cause et les éléments mis en débat imposent au juge des référés de se prononcer dans le délai de 48 heures (CE 28 févr. 2003, n° 254411, Commune de Pertuis c/ Pellenc, Lebon ; AJDA 2003. 1171 , note P. Cassia et A. Béal ). Autrement dit, pour être recevable pour un référé-liberté, l’urgence dont on se prévaut doit s’inscrire dans une temporalité quasi immédiate ou immédiate et en corrélation avec le délai de 48 heures. Cela veut dire en clair que toutes les urgences ne relèvent donc pas de l’urgence au sens où l’entend celle du référé-liberté.

Ce qui doit donc amener le requérant à démontrer dans sa requête que sa demande ne peut souffrir d’aucun délai d’attente et que de ce fait les autres voies d’urgence existant ne permettent pas d’apporter une réponse immédiate et satisfaisante à la grave situation dans laquelle il se trouve confrontée. L’appréciation de l’urgence se fait in concreto au regard des éléments versés aux débats. Il convient de préciser que le Conseil...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :