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Les négociateurs immobiliers et le statut des agents commerciaux

Les négociateurs immobiliers peuvent relever du statut protecteur des agents commerciaux, même s’ils sont des personnes morales. Il faut, et il suffit, que cet intermédiaire dispose effectivement – dans la réalité – du pouvoir de négocier, voire de conclure, des contrats au nom et pour le compte du mandant. L’intitulé du contrat et la volonté des parties ne sont pas des critères à considérer pour l’application du statut des agents commerciaux. Une telle exclusion du rôle de la volonté, et donc de la possibilité de se placer volontairement sous l’empire du statut des agents commerciaux, apparaît juridiquement infondée et appelle, une fois n’est pas coutume, une sévère critique.

À l’origine, un litige banal : d’un côté, un négociateur immobilier recherchant l’application du statut des agents commerciaux pour bénéficier de l’indemnité de fin de contrat ; d’un autre, un agent immobilier, titulaire de la carte professionnelle, contestant l’application de ce statut. Plus précisément, cet agent avait, en l’espèce, conclu deux contrats de « mandat commercial » avec son négociateur, ici une SARL, afin d’être assisté dans la commercialisation de programmes immobiliers. L’agent immobilier décida toutefois de mettre fin aux contrats noués, le négociateur sollicita alors paiement de l’indemnité légale de fin de contrat, en principe due à tout agent commercial (C. com., art. L. 134-12).

La qualification d’agent commercial retenue par les juges du fond, le mandant fut condamné à payer près de 250 000 euros d’indemnité de fin de contrat. Devant la Cour de cassation, le mandant contestait, à nouveau, la qualification du contrat conclu.

La solution rendue comporte deux enseignements importants. Les négociateurs immobiliers peuvent relever du statut des agents commerciaux, même s’ils sont des personnes morales. Pour relever du statut des agents commerciaux, il faut et, surtout, il suffit que l’intermédiaire dispose, dans les faits, c’est-à-dire concrètement, du pouvoir de négocier (voire de conclure) des contrats au nom et pour le compte de son mandant. Ce second enseignement, qui exclut toute emprise de la volonté sur l’application du statut des agents commerciaux, soulève une intéressante question, théorique et pratique, quant à l’extension de ce statut à des contrats qui n’en relèvent normalement pas.

Le statut des agents commerciaux est applicable aux négociateurs immobiliers, même personnes morales

Le premier enseignement de l’arrêt ne concerne que les négociateurs immobiliers. Ces négociateurs peuvent être soumis au statut des agents commerciaux. L’application s’opère par renvoi. Le point de départ se loge dans la loi Hoguet (L. n° 70-9 du 2 janv. 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce). L’article 4, alinéa 1er, de cette loi permet au titulaire de la carte professionnelle (en l’espèce, l’agent immobilier chargé de commercialiser les programmes immobiliers) de contracter avec un intermédiaire afin que celui-ci l’assiste dans sa mission. L’alinéa 2 précise que, si cet intermédiaire n’est pas salarié, celui-ci est soumis au statut des agents commerciaux, c’est-à-dire aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce.

Résumons : les négociateurs immobiliers sont fréquemment soumis au statut des agents commerciaux.

Une zone d’incertitude subsistait toutefois. Le pourvoi tentait de la mobiliser à bon compte. Il faut ici rappeler que le négociateur était une SARL, c’est-à-dire une personne morale. Or, le décret d’application de la loi Hoguet (Décr. n° 72-678 du 20 juill. 1972) semble réserver l’application du statut d’agent commercial aux seuls négociateurs personnes physiques. Ce décret vise, en effet, « toute personne physique habilitée par un titulaire de la carte professionnelle » (art. 9, al. 1er). La loi Hoguet est plus générale. Elle concerne, sans distinction, « toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle » (art. 4, al. 1er). Dit autrement : le décret s’avère plus précis que la loi, mais faut-il pour autant le faire primer ? La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Le statut des agents commerciaux est applicable aux négociateurs immobiliers, personnes physique ou morale (arrêt, § 6).

La solution doit être approuvée. La loi sur les agents commerciaux admet clairement qu’un agent puisse être « une personne physique ou une personne morale » (C. com., art. L. 134-1, al. 1er). L’objectif est donc de protéger tous les agents commerciaux, sans distinction. La loi Hoguet recherche également cette protection. C’était l’un des apports de la loi ENL (L. n° 2006-872 du 13 juill. 2006, art. 97) : permettre aux négociateurs immobiliers de bénéficier de ce statut alors même que le retentissant arrêt JSI avait jugé le contraire (Com. 7 juill. 2004, n° 02-18.135, D. 2004. 2230 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2005. 236 , obs. M. Thioye ; RTD com. 2005. 42, obs. B. Saintourens ; ibid. 162, obs. B. Bouloc ; JCP 2005. 10132, note J.-M. Leloup). Il aurait donc été curieux d’exclure, aujourd’hui, certains négociateurs immobiliers au motif que ceux-ci sont des personnes morales. D’une part, l’objectif du législateur n’est pas en ce sens. D’autre part, on perçoit mal pourquoi une société, SARL en tête, ne mériterait pas d’être également protégée par le régime des agents commerciaux.

La qualification d’agent commercial dépend uniquement des conditions concrètes d’exécution du contrat

Le second enseignement de l’arrêt, bien plus général, et qui concerne tous les agents commerciaux, bien au-delà des seules activités immobilières.

L’essentiel réside dans le passage suivant : « L’application du statut d’agent commercial [dépend] des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée » (arrêt, § 9). Voilà le seul critère guidant le praticien dans la détermination du droit applicable. Dit autrement : il convient de vérifier que les pouvoirs – ou les prérogatives – de l’intermédiaire sont identiques à ceux prévus par le statut des agents commerciaux.

Quels sont ces pouvoirs ? La réponse est donnée par l’article L. 134-1 du code de commerce, qui distingue deux déclinaisons :

  • l’agent disposant d’un simple pouvoir de « négocier » des contrats « au nom et pour le compte » d’un mandant (agent commercial « a minima ») ;
  • l’agent...

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