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Non-conformité totale de l’utilisation de la visioconférence sans accord des parties

Comme un air de déjà vu : l’utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales porte une atteinte injustifiée aux droits de la défense 

par Dorothée Goetzle 10 juin 2021

Cette QPC est, pour la seconde fois, relative à l’utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d’urgence sanitaire. Les requérants font valoir, pour démontrer la non-conformité à la Constitution du texte contesté, que ces dispositions sont semblables à celles déjà déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 2021. Ils indiquent en ce sens que le texte contesté, abrogé par la loi du 31 mai 2021, permet un recours très large à la visioconférence devant les juridictions pénales sans préciser dans quelles conditions le juge peut y recourir.

Il faut en effet se souvenir que dans cette QPC du 15 janvier 2021 le Conseil constitutionnel avait censuré le recours généralisé à la visioconférence sans le consentement des parties devant l’ensemble des juridictions pénales, à l’exception des procès criminels prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020. Dans cette décision, les Sages ne montraient pas une hostilité de principe à la visioconférence. Ils soulignaient en effet que ce procédé poursuivait « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé » et satisfaisait au « principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice », affectés par la crise sanitaire. Ce qu’il reprochait en revanche à l’auteur de l’ordonnance était de ne pas avoir borné le champ d’application de cette mesure en l’étendant à toutes les juridictions pénales sauf criminelles et de ne pas avoir encadré les conditions dans lesquelles il pouvait être recouru à la visioconférence (Cons. const. 15 janv. 2021, n° 2020-872 QPC, Dalloz actualité, 8 févr. 2021, obs. S. Goudjil ; AJDA 2021. 119 ; ibid. 810 , note M. Verpeaux ; D. 2021. 82, et les obs. ; ibid. 280, entretien N. Hervieu ).

In casu, les dispositions contestées permettaient, « dans un grand nombre de cas » de recourir à la visioconférence devant les juridictions pénales sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties. En outre, si le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle n’était conçu que comme une faculté pour le juge, le texte ne soumettait son exercice à aucune condition légale et ne l’encadrait par aucun critère. Aux mêmes causes les mêmes effets, le Conseil constitutionnel en déduit que les dispositions contestées sont contraires à la Constitution. Il énonce en effet qu’eu égard à l’importance de la garantie qui peut s’attacher à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction pénale et en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce le recours à ce moyen de télécommunication, ces dispositions portent une atteinte aux droits de la défense que ne pouvait justifier le contexte sanitaire particulier résultant de l’épidémie de covid-19 durant leur période d’application.

Cette décision de non-conformité totale était prévisible, les dispositions contestées reprenant largement un dispositif déjà censuré par le Conseil constitutionnel. En outre, le recours à la visioconférence sans l’accord des parties a aussi déjà été censuré par le Conseil d’État pour qui il s’agit d’une « atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense » (CE 12 févr. 2021, n° 448972, Dalloz actualité, 16 févr. 2021, obs. D. Goetz ; E. Clément, La justice pénale quoi qu’il en coûte, AJ pénal 2020. 568 ; L. Rousvoal, Justice en situation : la visioconférence en procédure pénale à l’heure de la covid-19, Les cahiers de la justice 2021. 163 ; N. Hervieu, Visioconférence en matière pénale durant la crise sanitaire, D. 2021. 280 ).

Ce faisant, cette QPC rappelle encore une fois l’importance de la garantie attachée à la présentation physique des individus devant les juridictions pénales.