Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Non renvoi d’une QPC relative à la résiliation des baux soumis à la loi de 1948 en cas de décès du preneur

Ne présente pas de caractère sérieux la QPC invoquant l’inconstitutionnalité de l’article 5, I bis de la loi du 1er septembre 1948, prévoyant la résiliation du bail à la suite du décès du locataire au regard des principes de non rétroactivité des peines et sanction, de liberté contractuelle, d’égalité entre les locataires et au regard du droit de disposer d’un logement décent.

par Amandine Cayolle 31 janvier 2020

L’article 1742 du code civil prévoit que « Le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur ». Cette règle est toutefois écartée par la loi du 1er septembre 1948, laquelle concerne des logements construits avant cette date et situés sur certaines communes de plus de 10 000 habitants ou limitrophes. Aux termes de son article 5, I bis, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2006, le bail est résilié de plein droit au décès du preneur. Un droit au maintien dans les lieux n’est, à titre exceptionnel, accordé qu’à certaines personnes précises : d’une part, au conjoint ou au partenaire de PACS (sans autre condition) et, d’autre part, aux ascendants du locataire, à ses enfants mineurs, ainsi qu’aux personnes handicapées qui vivaient effectivement avec lui depuis au moins un an à la date de son décès.

En l’espèce, l’épouse du preneur et leurs six enfants lui avaient ainsi succédé dans un appartement après son décès. Des années plus tard, la société bailleresse assigna son arrière-petit-fils et les autres occupants afin de les voir déclarer occupants sans droit ni titre du logement. Ces derniers invoquèrent alors la non-conformité de l’article 5, I bis de la loi du 1er septembre 1948 au bloc de constitutionnalité. Le tribunal d’instance de Paris transmis ainsi une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation, conduisant à s’interroger sur l’atteinte portée par cet article au principe de non rétroactivité des peines et sanctions (garanti par les art. 8 et 16 de la DDH), au principe de liberté contractuelle (garanti par son art. 4), au principe d’égalité (garanti par son art. 6) et au droit de disposer d’un logement décent (rattaché par la QPC au 10e al. du préambule de la Constitution du 27 oct. 1946, aux termes duquel « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement »).

La Cour de cassation constate que la disposition contestée est bien applicable au litige et qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution. Elle refuse pourtant de la transmettre au Conseil constitutionnel, relevant qu’elle n’est ni nouvelle ni sérieuse. En effet, la question posée ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, elle ne pouvait être considérée comme nouvelle. Son caractère sérieux n’est pas non plus retenu par la Cour de cassation, aucune des atteintes alléguées ne lui semblant constituée.

En premier lieu, la Cour exclut toute atteinte au principe de non rétroactivité des peines et sanctions. Certes, celui-ci « ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives mais s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition » (Cons. const. 30 déc. 1982, n° 82-155 DC). Encore faut-il toutefois que la mesure litigieuse puisse être ainsi qualifiée. Or, la Cour de cassation affirme, en l’espèce, que la résiliation du bail en cas de décès du locataire ou d’abandon du domicile n’instaure pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Une telle qualification est notamment écartée lorsque la mesure litigieuse a une nature indemnitaire (Cons. const. 22 févr. 2019, n° 2018-766 QPC, concernant la majoration due en cas de restitution tardive du dépôt de garantie prévue par le septième alinéa de l’art. 22 de la loi n° 89-462 du 6 juill. 1989, D. 2019. 429, et les obs. ; ibid. 1129, obs. N. Damas ), ou encore lorsqu’elle constitue une simple mesure de police administrative (Cons. const. 6 déc. 2019, n° 2019-818 QPC, AJDA 2019. 2520 ; D. 2019. 2356, et les obs. ). L’essentiel est de déterminer si la mesure poursuit une finalité répressive et ce qu’elle ait une nature pénale, administrative (Cons. const. 25 févr. 1992, n° 92-307 DC, consid. 24 à 31, AJDA 1993. 105, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1992. 185, note B. Genevois ), disciplinaire (Cons. const. 28 mars 2014, n° 2014-385 QPC, consid. 5, D. 2014. 784 ) ou même civile (Cons....

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :