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La notion de juridiction à l’épreuve de la procédure de rectification des omissions matérielles

Si les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées, elles ne peuvent l’être que par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Il s’ensuit que les erreurs et omissions matérielles d’un jugement rendu par une formation collégiale ne peuvent être rectifiées que par une juridiction statuant en formation collégiale.

Qui peut rectifier l’erreur ou l’omission matérielle dont un jugement est affecté ? L’article 462 du code de procédure civile dispose de façon limpide en son alinéa 1er que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ».

Le principe est donc que la rectification relève, en principe, des pouvoirs du juge qui a rendu la décision. S’il en va ainsi, c’est parce que « personne mieux que le juge auteur de l’erreur ne peut savoir ce qu’il a entendu décider, et il n’y a pas d’obstacle à saisir le même juge, puisque la rectification n’est pas une voie de recours portant atteinte à l’autorité de la chose jugée » (N. Fricero, « Rectification des erreurs et omissions matérielles », in S. Guinchard [dir.], Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, 2021, n° 622.51). Ce principe connaît une exception : dès que le jugement est déféré dans le cadre de l’exercice d’une voie de recours, seule la juridiction saisie du recours est compétente pour rectifier, à titre accessoire, les erreurs matérielles du jugement, même après son propre dessaisissement (Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.285). La Cour de cassation, toutefois, n’est pas compétente, en principe, pour rectifier les erreurs matérielles de la décision attaquée.

Supposons qu’aucun recours ne soit exercé et que le plaideur souhaite faire rectifier l’erreur ou l’omission du jugement par « la juridiction qui l’a rendu ». À qui doit-il s’adresser exactement ? C’est à la résolution de cette question que contribue l’arrêt rendu le 24 mars 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

En l’espèce, un tribunal de commerce, statuant dans sa formation collégiale de droit commun, avait, dans le dispositif de son jugement, condamné un vendeur de bouchons en liège à indemniser l’acheteur au titre de la garantie des vices cachés. Les motifs de cette décision faisaient état d’une condamnation de l’assureur à garantir le vendeur des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, cette condamnation avait été omise dans le dispositif du jugement. On sait combien une telle omission est fâcheuse : faute de figurer dans le dispositif, la condamnation n’a pas autorité de chose jugée (C. pr. civ., art. 480) non plus qu’elle peut donner lieu à exécution forcée (C. pr. exéc., art. L. 111-2).

Pour tenter d’obtenir la rectification de ce jugement, le vendeur a présenté une requête en rectification d’omission matérielle de l’article 462 du code de procédure civile, ce qui fut fait par une ordonnance émanant d’un « juge » du tribunal de commerce.

Un juge (unique) du tribunal de commerce pouvait-il, par ordonnance, rectifier l’erreur matérielle affectant le jugement rendu par une formation collégiale du tribunal de commerce ? Cette question était au cœur de l’examen du pourvoi formé par l’assureur. Sans surprise, la Cour...

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