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Le nouveau CSM confronté à « l’hyper-mobilité » des magistrats

Le conseil entrant, qui siégera jusqu’en 2023, devra traiter le dossier de la mobilité professionnelle des magistrats. Une problématique bien connue du corps judiciaire mais délicate à aborder.

par Thomas Coustetle 4 février 2019

En présentant le rapport d’activité 2018 du conseil supérieur de la magistrature (CSM), Bertrand Louvel, qui préside de droit l’institution, a souligné le lien entre « la forte activité du conseil en matière de nomination » et « le phénomène d’hyper-mobilité des magistrats ». Chaque année, entre 25 % et 30 % des quelque 8 300 magistrats que compte le pays changent ainsi d’affectation. « Le Conseil sortant a statué en quatre ans sur plus de 9 000 nominations de magistrats », a-t-il insisté. Une problématique que le Conseil sortant reliait partiellement à la vacance des postes (v. Dalloz actualité, interview Jean Danet, 28 juin 2018, par T. Coustet).

Cartographie sociologique de la mobilité

Mais pas seulement. Dans son rapport 2018, le CSM sortant renvoie le phénomène du turnover à « des évolutions profondes du corps judiciaire » dans les années à venir. « L’amorce tout à fait nette d’un recul du nombre de postes vacants sur l’année 2018 et l’engagement clairement annoncé de sa poursuite dans les années qui viennent jusqu’à réduire cette vacance à sa dimension frictionnelle modifiera sans nul doute la situation du Conseil en matière de nominations. La mobilité fonctionnelle et/ou géographique en équivalence, aux seconds et premiers grades, s’en trouvera nécessairement réduite », projette le rapport. En effet, la vacance s’est déjà réduite à 250 postes vacants en septembre 2018 contre 500 en 2017, selon les chiffres diffusés par les autorités en octobre dernier.

Cette conjoncture fait que trois nouveaux défis se présentent au CSM entrant. La mobilité est identifiée à l’importance numérique du recrutement latéral, la féminisation du corps et la faible attractivité des postes hauts gradés situés dans les petites villes, adossée à celle visant les postes du parquet. 

« Le faible nombre de candidats sur les plus petites juridictions, dans des ressorts souvent isolés, peut s’expliquer pour partie par l’attrait des nouvelles générations pour les métropoles. De même, si la cause n’est pas récente, le fait que les deux membres du couple travaillent peut conduire un certain nombre de magistrats, femmes et hommes, à limiter leurs desiderata géographiques. »

Après dix ans de carrière, près de 55 % ont quitté le parquet, contre 18 % pour le siège

De même, le rapport observe que, « dans les plus petites juridictions, la charge que représentent les fonctions de chefs, dans un contexte de postes généralisées, oblige, outre les tâches spécifiques du président ou du procureur, à conserver une activité juridictionnelle intense ». Une désaffection qui concerne tout autant le parquet. Le rapport transmis par l’Inspection générale de la justice (IGJ) en octobre 2018 en a analysé les contours (v. Dalloz actualité, 21 déc. 2018, art. P. Januel isset(node/193762) ? node/193762 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193762). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le ce constat est alarmant. Après dix ans de carrière, près de 55 % ont quitté le parquet, contre 18 % pour le siège. 

Ce sont « les effets conjugués et parfois cumulés de ces trois constats » qui expliquent les trous d’air laissés par certains postes. « Il va sans dire que la réduction des vacances de postes dans les prochaines années fera évoluer fortement les données de ces problématiques complexes », analyse le CSM.

Les syndicats de magistrats sont opposés à toute idée d’entraver cette mobilité. La proposition en ce sens déposée par le Sénat, lors de l’examen du projet de loi justice, s’est vite heurtée à la franche opposition des représentants syndicaux (v. Dalloz actualité, 21 oct. 2018, par T. Coustet isset(node/192801) ? node/192801 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>192801). Le statut des magistrats assure leur inamovibilité, et, partant, l’impossibilité de les nommer à des postes auxquels ils n’ont pas postulé. Tout devrait donc se jouer au niveau de la gestion des ressources humaines. Et du changement culturel qui va avec. 

De ce point de vue, ce n’est sans doute pas un hasard si Emmanuel Macron a choisi Yves-Saint-Geours parmi les deux personnalités qualifiées qu’il avait à nommer. Un article du Monde révèle en effet que cet ambassadeur de France à Madrid a été directeur de l’administration et de la modernisation de ce ministère. En bref, un directeur des ressources humaines.