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Nouveau principe ne bis in idem : absence d’incompatibilité du délit d’association de malfaiteurs et de l’infraction préparée commise en bande organisée

La chambre criminelle autorise le cumul de qualifications entre l’infraction d’association de malfaiteurs et l’infraction préparée – en l’espèce l’infraction de blanchiment – lorsqu’elle est commise en bande organisée, alors que les faits retenus pour établir l’association de malfaiteurs sont identiques à ceux caractérisant la bande organisée.

Faisant application de sa nouvelle interprétation du principe ne bis in idem, la chambre criminelle de la Cour de cassation a autorisé le cumul de qualifications entre l’infraction d’association de malfaiteurs et l’infraction préparée lorsqu’elle est commise en bande organisée, même « lorsque les faits retenus pour établir l’association de malfaiteurs sont identiques à ceux caractérisant la bande organisée ».

Plusieurs contrôles douaniers ont permis d’appréhender d’importantes sommes d’argent liquide dissimulées dans des caches aménagées de véhicules. Les liens identifiés entre les différentes situations contrôlées ont conduit à l’ouverture d’une information judiciaire sur l’activité d’un réseau organisé de transport illicite de fonds. À l’issue de l’information judiciaire, trois personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel sous les préventions d’association de malfaiteurs en vue de la préparation du délit de blanchiment aggravé et de blanchiment en bande organisée.

Les trois prévenus ont été condamnés par jugement du 24 octobre 2019, après requalification de l’infraction de blanchiment aggravé en blanchiment présumé en bande organisée.

La cour d’appel de Bordeaux, saisie par l’appel des trois prévenus et du ministère public, a confirmé la décision de première instance et condamné les prévenus pour transfert de capitaux sans déclaration (ou tentative de ce délit, pour l’une d’entre eux), blanchiment aggravé et association de malfaiteurs.

Les prévenus se sont tous pourvus en cassation en produisant un mémoire commun. Ils faisaient notamment valoir la méconnaissance par la cour d’appel du principe ne bis in idem au motif que « l’action unique reprochée à un prévenu ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ». C’est plus précisément le cumul des qualifications d’association de malfaiteurs, d’une part, et de blanchiment présumé commis en bande organisée, d’autre part, qui était contesté, dès lors que ces infractions procéderaient d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable.

La chambre criminelle rejette néanmoins les pourvois, au motif que « l’infléchissement de la jurisprudence relative à l’interprétation du principe ne bis in idem en cas de poursuites concomitantes doit conduire à considérer que ce principe ne s’oppose pas à ce qu’une même personne soit déclarée concomitamment coupable des chefs d’association de malfaiteurs et d’une infraction commise en bande organisée, y compris lorsque des faits identiques sont retenus pour caractériser l’association de malfaiteurs et la bande organisée et peu important que l’association de malfaiteurs ait visé la préparation de la seule infraction poursuivie en bande organisée ».

La pleine compréhension de ce revirement de jurisprudence nécessite un examen rigoureux de l’application faite par la chambre criminelle des nouveaux critères du principe ne bis in idem dégagés à l’occasion de deux arrêts du 15 décembre 2021, déjà commentés dans ces colonnes (Crim. 15 déc. 2021, nos 21-81.864 et 20-85.924, Dalloz actualité, 6 janv. 2022, obs. M. Dominati ; D. 2022. 154 , note G. Beaussonie ; AJ pénal 2022. 34, note C.-H. Boeringer et G. Courvoisier-Clément ; RTD com. 2022. 188, obs. B. Bouloc ). Confirmant le mouvement de contingentement du principe ne bis in idem engagé, la formule générale employée par les juges du quai de l’horloge interroge par ailleurs sur ce qu’il en subsiste.

Le cumul de l’infraction d’association de malfaiteurs avec l’infraction préparée commise en bande organisée au prisme de la nouvelle interprétation du principe ne bis in idem

Pour introduire son analyse, la chambre criminelle rappelle son récent revirement de jurisprudence sur la teneur du principe ne bis in idem et fait la synthèse de la nouvelle interprétation qu’il convient d’en donner (décis., § 10 et 11). Il est désormais acquis qu’une personne peut faire l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité pour des faits identiques sauf lorsque « la caractérisation des éléments constitutifs d’une infraction exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs d’une autre » dans la mesure où l’une des qualifications retenues incrimine une modalité particulière de l’action répréhensible sanctionnée par l’autre infraction plus générale, ou bien que l’une des qualifications, telle qu’elle résulte des textes...

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