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Nullité de l’audition d’un mineur entendu sans l’assistance d’un avocat malgré l’accord de son père

La Cour de cassation alerte les juges du fond sur le caractère attentatoire aux droits de la défense de l’audition d’un mineur gardé à vue menée sans l’assistance d’un avocat, nonobstant l’accord donné par son représentant légal. L’occasion pour la Cour d’éclairer les praticiens du droit sur l’objet et le but de l’intervention des représentants légaux dans la procédure pénale ouverte à l’encontre du mineur.

La cause portée à l’attention de la haute juridiction peut être résumée comme suit : trois mineurs suspectés d’atteintes à l’intégrité et à la liberté des personnes ont été interpellés et placés en garde à vue avant de faire l’objet d’une mise en examen. Au cours de l’information judiciaire ouverte à leur encontre, l’un des mineurs a déposé une requête en annulation de la procédure devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Un second mineur s’est joint à la requête, arguant de la nullité de sa seconde audition menée dans le cadre de sa garde à vue au cours de laquelle il a été entendu sans la présence d’un avocat. Dans un arrêt rendu le 30 juin 2022, la chambre de l’instruction a rejeté les demandes respectives des mineurs. S’agissant de la demande en nullité de l’audition, la juridiction a constaté que les enquêteurs avaient bien avisé l’avocat commis d’office de la nouvelle audition à venir, mais qu’il n’avait pu se rendre à nouveau disponible pour des raisons personnelles, et que le père du mineur, informé de cette difficulté et présent aux côtés du mineur, avait donné son accord pour que son fils soit entendu en l’état ; en tout état de cause, la juridiction a souligné que l’avocat qui avait prodigué son assistance au mineur au cours d’une confrontation ultérieure n’avait pas remis en cause les déclarations de ce dernier recueillies lors de l’audition litigieuse.

À l’occasion d’un pourvoi formé devant la Cour de cassation aux fins de l’annulation de l’arrêt de la chambre de l’instruction pour violation de la loi, le mineur soulève qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat au cours de son audition et qu’il ne ressort ni du dossier de procédure ni des motifs de l’arrêt que les autorités, informées de l’empêchement de l’avocat, ont demandé au bâtonnier d’en désigner un pour l’assister. En rejetant sa demande en nullité, l’auteur du pourvoi estime que la juridiction du second degré a violé l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article L. 413-9 du code de la justice pénale des mineurs, les articles 63-3-1, 63-4-2 et 63-4-3 du code de procédure pénale – dispositions de droit commun applicables aux mineurs (CJPM, art. L. 413-9) – et l’article 591 du code de procédure pénale (recevabilité d’un pourvoi en cassation pour violation de la loi).

L’arrêt de la Cour de cassation est rendu au visa de l’article L. 413-9 du code de la justice pénale des mineurs, qui prescrit l’assistance du mineur gardé à vue par un avocat dès le début de la mesure et confère à ses représentants légaux, lorsqu’ils sont informés qu’il n’a pas sollicité l’assistance d’un avocat, le droit d’en désigner un à cet effet. Dans un attendu de principe, elle réaffirme que l’information donnée aux représentants légaux est prévue dans l’intérêt du mineur gardé à vue et a pour objectif de garantir son assistance effective par un avocat, de sorte qu’une audition menée hors la présence de ce dernier, attentatoire aux droits de la défense du mineur, entraîne la nullité de la mesure, nonobstant l’accord de l’un de ses représentants légaux pour qu’il soit entendu dans ces conditions. Constatant que la chambre de l’instruction a méconnu ce principe et les garanties légales y afférentes, la juridiction suprême prononce la cassation de l’arrêt pour ce qui concerne les seules dispositions rejetant la demande en nullité de l’audition réalisée sans l’assistance d’un avocat et des actes subséquents à celle-ci.

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle avec subtilité l’effet utile à conférer à l’article L. 413-9 du code de la justice pénale des mineurs, à savoir garantir le respect et l’effectivité des droits du mineur gardé à vue en faisant intervenir ses représentants légaux, dans le seul intérêt de sa défense.

Les représentants légaux, garants des droits du mineur gardé à vue

Le mineur doit obligatoirement être assisté par un avocat dès le début de la garde à vue dont il fait l’objet ; à cette fin, l’article L. 413-9 du code de la justice pénale des mineurs, issu de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, qui codifie à droit constant l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante pour ce qui concerne les dispositions applicables à la garde à vue, confère à ses représentants légaux le droit subséquent et subsidiaire d’en désigner un pour...

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