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Nullité de la mise en examen d’Agnès Buzyn pour mise en danger d’autrui résultant de la gestion de la crise sanitaire

Dans l’arrêt du 20 janvier 2023, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a statué sur la régularité de la mise en examen d’Agnès Buzyn poursuivie pour délit de mise en danger de la vie d’autrui et absention de combattre un sinistre.

D’un intérêt indéniable, notamment parce qu’elle « sanctionne un comportement sans attendre que celui-ci ait tourné à la catastrophe » (M. Puech, De la mise en danger d’autrui, D. 1994. 153 ), l’infraction de mise en danger d’autrui prévue à l’article 223-1 du code pénal ne sera manifestement pas retenue pour sanctionner la mauvaise gestion alléguée du cataclysme sanitaire lié au covid-19. C’est du moins ce que laisse entendre l’arrêt très attendu de l’assemblée plénière de la Cour de cassation rendu le 20 janvier 2023.

En l’espèce, des poursuites ont été exercées contre plusieurs membres du gouvernement français en raison des manquements qu’ils auraient commis dans la gestion de la pandémie de covid-19. La ministre de la santé en exercice au début de la crise sanitaire a été mise en examen par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République du chef de mise en danger d’autrui et placée sous le statut de témoin assisté du chef d’abstention volontaire de combattre un sinistre. La mise en cause a saisi la commission d’instruction, sur le fondement des articles 170 et suivants du code de procédure pénale auxquels renvoie l’article 18 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, d’une requête en nullité d’actes de la procédure d’instruction portant notamment sur la mise en examen du chef de mise en danger d’autrui.

La demande était prise, entre autres, de l’inexistence d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Sa requête a été rejetée au motif que les articles L. 1110-1, L. 1413-4 et L. 3131-1 du code de la santé publique, et L. 1141-1 et L. 1142-8 du code de la défense et le décret n° 2017-1076 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des solidarités et de la santé ne caractérisent aucune obligation particulière de prudence ou de sécurité, objet d’une violation manifestement délibérée, laquelle permet de retenir l’infraction incriminée à l’article 223-1 du code pénal.

L’intéressée a alors formé un pourvoi contre l’arrêt de la commission d’instruction qui, dans l’information suivie contre elle des chefs de mise en danger d’autrui et abstention volontaire de combattre un sinistre, a rejeté sa requête en nullité d’actes de la procédure. Entre autres (les points procéduraux de l’arrêt ne seront pas abordés dans ce commentaire), elle a soutenu, dans le premier moyen au pourvoi, que les textes sur lesquels la commission d’instruction s’est fondée se bornent à rappeler de façon générale des principes de protection en matière de santé et de défense, et la participation du ministère de la santé aux objectifs de défense nationale. En outre, le décret du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des solidarités et de la santé n’édicte pas davantage une obligation particulière de prudence ou de sécurité à sa charge, et se contente de définir le champ de compétence du ministre et les matières qui lui sont attribuées au sein du gouvernent. En somme, pour la mise en cause, aucun de ces textes ne prévoit une obligation particulière de prudence ou de sécurité.

Se posait la question de savoir si, dans le cadre de l’infraction de mise en danger d’autrui, la présence des indices graves ou concordants suppose la démonstration de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité, objet d’une violation manifestement délibérée ? Autrement dit, l’obligation particulière de prudence ou de sécurité exigée par l’article 223-1 du code pénal, condition de la régularité de la mise en examen, était-elle caractérisée ?

L’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est voulue plutôt claire en jugeant que la commission d’instruction, qui s’est référée à des textes qui ne prévoient pas d’obligation de prudence ou de sécurité objective, immédiatement perceptible et clairement applicable sans faculté d’appréciation personnelle du sujet, a méconnu les articles 223-1 du code pénal et 80-1 du code de procédure pénale et le principe qui découle de leur combinaison. La cassation, sans renvoi, de l’arrêt de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République en date du 15 avril 2022 a été prononcée, mais en ses seules dispositions rejetant la requête en nullité de la mise en examen de l’intéressée et de certaines auditions. La nullité de la mise en examen du chef de mise en danger d’autrui a également été prononcée, tout comme son placement sous le statut de témoin assisté.

En effet, la mise en examen suppose, sous peine d’être sanctionnée par la nullité, la présence d’indices graves ou concordants, selon l’article 80-1 du code de procédure pénale. L’article 223-1 du code pénal comporte un élément essentiel, à savoir une obligation particulière qui doit faire l’objet d’une violation manifestement délibérée afin que l’infraction soit constituée en tous ces éléments. Si, en principe, la réunion des éléments constitutifs d’une infraction n’est pas nécessaire au stade de la mise en examen, la Cour de cassation exige, dans le cas de la mise en danger d’autrui, que cette obligation particulière de prudence ou de sécurité soit établie. La commission d’instruction a échoué dans cette démonstration, de sorte que la mise en examen devait être annulée.

Ainsi, après avoir constaté l’absence d’obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l’assemblée plénière en a tiré les conséquences logiques.

Absence d’obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement

Se fondant notamment sur la doctrine la plus autorisée,...

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