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Nullité du forfait jours en cas d’insuffisance des modalités de suivi de la charge de travail

La convention ou l’accord collectif instituant le régime du forfait jours doit prévoir les garanties assurant un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. À défaut, les conventions de forfaits peuvent encourir la nullité.

Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (ou de branche à défaut) est indispensable pour qu’un employeur puisse recourir aux forfaits jours sur l’année (C. trav., art. L. 3121-63). Une convention – nécessairement écrite et individuelle – de forfait est ensuite conclue entre l’employeur et le salarié (Soc. 8 mars 2012, n° 10-24.305 D).

Par ailleurs, depuis la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016, ayant intégré les exigences jurisprudentielles antérieures (v. not., Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ), l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge travail des salariés en forfait jours est raisonnable (C. trav., art. L. 3121-60). C’est en principe à l’accord collectif qui prévoit le recours au forfait jours de fixer les modalités du suivi de la charge de travail du salarié (C. trav., art. L. 3121-64), avec par exemple des mécanismes de contrôle et d’alerte (v. par ex., Soc. 8 sept. 2016, n° 14-26.256, D. 2016. 1823 ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; 6 nov. 2019, n° 18-19.752 P, D. 2019. 2186 RECUEIL/JURIS/2019/2641 ; ibid. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2019, n° 609, p. 11, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 612, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ). Mais comment apprécier le critère de la suffisance de ces mesures de contrôle et de suivi ? Que se passe-t-il si la convention ou l’accord collectif se révèle lacunaire sur ce point ? C’est précisément dans ce contexte que s’inscrit l’arrêt du 13 octobre 2021 présentement commenté.

En l’espèce, un salarié avait été embauché par une caisse régionale du Crédit agricole en qualité d’agent administratif, avant de bénéficier d’une promotion au poste de directeur d’agence. Dans le cadre de cette promotion, l’intéressé a signé une convention de forfait en jours prévoyant 206 jours de travail annuel.

Le salarié a démissionné avant de saisir les juridictions prud’homales aux fins d’obtenir la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ainsi que le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.

Les juges du fond déboutèrent l’intéressé de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours, après avoir apprécié la suffisance des garanties assurées par la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, au visa de plusieurs textes à la fois légaux, internationaux et constitutionnel, invalider le raisonnement des juges du fond en cassant l’arrêt d’appel.

La Haute juridiction va en effet rappeler que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, le droit à la santé et au repos...

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