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Obligation d’information en assurance vie : l’exigence toujours de mise

Le fait que le contrat proposé ne prélève pas de frais ou d’indemnités en cas de rachat ni ne prévoit de taux d’intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices est une information essentielle, qui doit figurer dans la note d’information.

En raison de la richesse et de la complexité de l’offre en matière d’assurance vie, il a semblé nécessaire de mettre en place un certain nombre de mécanismes destinés à protéger la clientèle, peu à même de comparer des contrats parfois très différents, d’apprécier leur fonctionnement, de comprendre leur régime juridique et fiscal, de mesurer les risques attachés aux différents supports proposés lorsque le contrat tend vers l’opération d’épargne. En plus de la mobilisation des dispositifs tenant à la protection du consentement et des règles d’inspiration consumériste, comme l’éradication des clauses abusives (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758 P, D. 2021. 1920 ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 574, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RGDA nov. 2021, n° 11, p. 29, note L. Mayaux ; Europe 2022, n° 3, chron. 1, n° 14, obs. D. Bazin-Beust) et l’interprétation in favorem (v., en assurance prévoyance, Civ. 2e, 3 juill. 2014, n° 13-22.418 P, JCP E 2015. Chron. 1001, n° 7, obs. J.-B. Seube ; www.actuassurance.com, sept.-oct. 2014, n° 37, act. jurispr., note M. Robineau), ce sont les obligations d’information et de conseil qui ont été les instruments privilégiés de la protection.

S’agissant plus précisément de l’obligation d’information, celle-ci consiste depuis bien longtemps en la remise de documents élaborés par l’assureur, à savoir la proposition ou le projet de contrat ainsi qu’une note d’information sur les conditions d’exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat (C. assur., art. L. 132-5-1 anc., devenu art. L. 132-5-2). Cette note d’information doit être rédigée et présentée selon un modèle fixé par l’article A. 132-4 du code des assurances et son annexe. En cas d’inexécution ou de mauvaise exécution par l’assureur, le contractant bénéficie de la prorogation du délai qui lui est accordé pour exercer sa faculté de renonciation.

Le temps ayant fait son œuvre, on pourrait penser que tout a été jugé en la matière et qu’il ne reste plus à la Cour de cassation qu’à adresser quelques rappels à l’ordre aux juridictions du fond quand celles-ci oublient sa doctrine. Pourtant, force est de constater que tel n’est pas le cas et que de nouvelles questions surgissent de temps à autre dans les prétoires. Il est vrai que les sommes en jeu, qui parfois dépassent plusieurs millions d’euros, comme a pu le révéler un arrêt du 16 décembre 2021 (Civ. 2e, 16 déc. 2021, n° 19-23.907 P, D. 2022. 8 ; ibid. 864, chron. C. Bohnert, F. Jollec, O. Talabardon, G. Guého, J. Vigneras et C. Dudit ; LEDA févr. 2022, n° 2, p. 6, obs. M. Leroy ; RCA 2022. Comm. 60, note P. Pierre ; RD banc. fin. 2022. Comm. 94, note N. Leblond, où les primes versées s’élevaient à plus de 20 millions d’euros), peuvent expliquer que les plaideurs soulèvent tous les arguments imaginables et explorent toutes les voies possibles.

C’est ainsi que la Haute juridiction a eu récemment à se prononcer sur la question suivante : le fait que la note d’information remise à l’assuré ne comporte pas toutes les rubriques requises par l’article A. 132-4, parce que celles-ci apparaissent sans objet au regard du contrat souscrit, doit-il être considéré comme un manquement de l’assureur à son obligation d’information, susceptible par suite d’ouvrir droit à l’exercice de la faculté de renonciation prorogée ?

L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 15 décembre 2022 (n° 21-15.980), qui sera publié au Bulletin, répond par l’affirmative. Il complète et prolonge une décision du 11 mars 2021, elle aussi publiée (Civ. 2e, 11 mars 2021, n° 18-12.376 P, D. 2021. 574 ; bjda.fr 2021, n° 74, note M. Robineau ; RGDA 2021, n° 7, p. 45, note L. Mayaux ; Dr. et patr. 2021, n° 318, p. 53, obs. P. Delmas Saint-Hilaire ; dans le même sens, Civ. 2e, 16 déc. 2021, n° 19-23.907, préc., qui applique curieusement l’article L. 132-5-1 dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 déc. 2005, à un contrat souscrit après le 1er mars 2006, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur de la loi précitée).

En l’espèce, un contrat d’assurance vie avait été souscrit en février 2006. Estimant que l’assureur n’avait pas satisfait à son obligation d’information, le souscripteur avait entendu exercer sa faculté de renonciation prorogée (certainement parce que le contrat était un contrat en unités de compte en moins-value) et obtenir en conséquence le remboursement des primes versées. En raison du refus de l’assureur de donner une suite positive à sa demande, il avait enclenché une procédure judiciaire afin que soit constatée la renonciation et que l’assureur soit condamné à la restitution des primes.

La cour d’appel de Paris l’avait débouté. Elle avait, en substance, estimé que le souscripteur ne pouvait bénéficier de la faculté de renonciation prorogée, dans la mesure où l’assureur n’avait pas véritablement manqué à son obligation d’information. En effet, si certaines mentions d’information faisaient effectivement défaut, cette absence ne pouvait être considérée comme ayant compromis la compréhension des éléments essentiels du contrat par le souscripteur, puisque les mentions en cause portaient sur des points étrangers au contrat souscrit, celui-ci ne prévoyant ni frais et indemnités de rachat, ni taux...

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