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Open data des décisions de justice : le projet de décret

Présentation du projet de décret relatif à la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives qui devrait être publié, selon le garde des Sceaux, avant la fin de l’année.

par Marine Babonneaule 2 décembre 2019

Le 27 novembre, le directeur des affaires civiles et du Sceau, Jean-François de Montgolfier, avait déclaré, lors d’un colloque sur les legaltech, que « le projet de décret [sur l’open data des décisions de justice, ndlr] est en cours d’être diffusé ». Vendredi 29 novembre, la garde des Sceaux a précisé, lors de la rentrée solennelle du barreau parisien, que le texte avait été transmis à la présidente du Conseil national des barreaux. Attendu depuis la loi de 2016 pour une République numérique (loi Lemaire) mais aussi annoncé par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, voici le projet de décret relatif à l’open data des décisions de justice, qui reviendra à la Cour de cassation et au Conseil d’État.

La mise à disposition du public des décisions de justice sera réalisée sur un portail internet sous la responsabilité du garde des Sceaux. Chaque ordre de juridiction, administratif et judiciaire, aura leur propre site, déclaré à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Les règles actuellement applicables à la diffusion des décisions continuent de s’appliquer jusqu’au « début de la mise à disposition ». Par ailleurs, le projet de décret précise, pour chacun des ordres, judiciaire et administratif, le cas échéant par niveau d’instance et par contentieux, la date à partir de laquelle les décisions de justice seront mises à disposition en ligne [et les copies de ces décisions délivrées (…)]. Les dispositions de l’article 6 du projet de décret (copie aux tiers en matière pénale) entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication au Journal officiel.

Mise à disposition du public sous forme électronique

Le code de l’organisation judiciaire devra être modifié et complété pour préciser le champ d’action de la Cour de cassation.

Le titre I du livre I du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre III - La mise à la disposition du public des décisions de justice

Article R. 111-10.

« I. La Cour de cassation est responsable de la mise à disposition du public des décisions de justice rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire, prévue à l’article L. 111-13, dans les conditions définies au présent article et à l’article R. 433-3.
Dans les cas où la loi ou le règlement prévoit que seul un extrait des décisions de l’ordre judiciaire est public ou accessible à toute personne sans autorisation préalable, seul cet extrait est mis à la disposition du public dans les mêmes conditions.
Dans les cas où la loi ou le règlement prévoit que la délivrance d’une copie peut n’être accordée qu’après occultation ou après suppression de tout ou partie des motifs de la décision, cette décision est mise à la disposition du public dans les mêmes conditions.
Les décisions de justice dont la communication à des tiers est soumise à autorisation préalable peuvent cependant être mises à la disposition du public dans les conditions prévues par le premier alinéa du présent article lorsqu’elles présentent un intérêt particulier et ont été communiquées à la Cour de cassation, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre de la justice, par les premiers présidents des cours d’appel ou directement par les présidents ou juges assurant la direction des juridictions du premier degré. »

« II. La décision d’occulter tout élément permettant d’identifier les personnes physiques, lorsqu’elles sont parties ou tiers, en application du deuxième alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, est prise par le président de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la décision concernée.
La décision d’occulter tout élément permettant d’identifier les magistrats du siège et les membres du greffe, en application du deuxième alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, est prise par le président de la juridiction ayant rendu la décision concernée.
La décision d’occulter tout élément permettant d’identifier les magistrats du parquet, en application du deuxième alinéa de l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, est prise par le procureur de la République ou le procureur général près la juridiction ayant rendu la décision de justice concernée. »

« III. Les décisions de justice précitées sont mises à la disposition du public dans un délai n’excédant pas six mois à compter de leur mise à disposition au greffe de la juridiction. »

« IV. Les décisions mentionnées à l’article L. 111-13 sont les décisions rendues publiquement et accessibles à toute personne sans autorisation préalable. »

Article R. 111-11.

« I. Toute personne intéressée peut introduire, à tout moment, auprès du président de chambre à la Cour de cassation, directeur du service de documentation et des études de la Cour de cassation, une demande d’occultation ou de levée d’occultation des éléments d’identification mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 111-13.
Il n’est pas fait droit aux demandes abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
Le président de chambre à la Cour de cassation, directeur du service de documentation et des études de la Cour de cassation, se prononce dans un délai de deux mois sur la demande d’occultation ou de levée d’occultation. »

« II. Un recours devant le premier président de la Cour de cassation peut être introduit dans les deux mois à compter de la notification de la décision. »

Le 1° de l’article R. 421-10 est abrogé ;

L’article R. 433-3 est remplacé par les dispositions suivantes :

Article R. 433-3

« Le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant les décisions et avis de la Cour de cassation et des juridictions ou commissions juridictionnelles placées auprès d’elle, publiés ou non publiés aux bulletins mensuels mentionnés à l’article R. 433-4.
Le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant l’ensemble des décisions des premier et second degrés rendues par l’ordre judiciaire, à l’effet d’en assurer la diffusion en ligne, dans les conditions définies à l’article R. 111-10. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice des dispositions du décret n° 2002-1064 du 7 août 2002. Les conditions dans lesquelles ces arrêts et décisions sont transmis au service de documentation et d’études sont fixées par les dispositions législatives ou réglementaires régissant les applicatifs du ministère de la justice et du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. »

 

Copie aux tiers

En matière civile

Le code de procédure civile est ainsi modifié :

L’article 1440 est complété par les mots « et sous réserve que la décision soit précisément identifiée ».

Il est inséré un article ainsi rédigé :
« Article 1440-1. - En cas de refus ou de silence, le président du tribunal judiciaire ou, si le refus émane d’un greffier, le président de la juridiction auprès de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, saisi par requête, statue, le demandeur entendu ou appelé.
« L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. »

L’article 1441 est ainsi rédigé :
« Article 1441. - Préalablement à la remise de la décision, les greffiers procèdent à l’occultation des éléments permettant d’identifier les personnes physiques, lorsqu’elles sont parties ou tiers, si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou à ceux de leur entourage. »

« Le recours dirigé contre la décision d’occultation ou la demande de levée d’occultation est porté devant le président de la juridiction auprès de laquelle celui-ci exerce ses fonctions. Ce dernier, saisi par requête, statue, le demandeur et les autres personnes physiques, parties ou tiers, mentionnées dans la décision, si possible, sont entendus ou appelés. »

« Lorsque la décision d’occultation mentionnée au titre du premier alinéa concerne une décision de la Cour de cassation, son premier président statue par ordonnance. »

« Lorsque la décision a fait l’objet d’une occultation des éléments d’identification en application du II de l’article R. 111-10 ou de l’article R. 111-11 du code de l’organisation judiciaire, la copie délivrée aux tiers comporte la même occultation à l’exception des éléments permettant d’identifier les magistrats et les membres du greffe. »

« Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’accès aux jugements exercé en application des articles L. 213-1 à 5 du code du patrimoine. »

En matière pénale

L’article R. 156 du code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :

« I. En matière pénale, peut être librement délivrée à des tiers, à leurs frais, la copie intégrale :
Des arrêts de la Cour de cassation ;
Des décisions des juridictions de jugement du premier ou du second degré, lorsqu’elles sont définitives et ont été rendues publiquement et à la suite d’un débat public ; »

« II. Le procureur de la République ou le procureur général peut toutefois s’opposer, par décision spécialement motivée, à la délivrance de la copie d’une décision mentionnée au 2° du I :

  • s’il s’agit d’une condamnation effacée par l’amnistie, la réhabilitation ou la révision ;
  • s’il s’agit d’une condamnation prescrite ;
  • si cette copie est susceptible d’être utilisée dans l’intention de nuire. »

« III. Toutes les autres décisions, actes ou pièces émanant d’une procédure pénale, et notamment les décisions rendues par les juridictions d’instruction ou de l’application des peines, les décisions rendues par les juridictions pour mineurs, les décisions rendues après des débats tenus à huis clos et les décisions non encore définitives, ne peuvent être délivrées qu’avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du procureur général, sur demande d’un tiers justifiant d’un motif légitime.
L’autorisation est refusée, par décision motivée, si la demande n’est pas justifiée par un motif légitime, ou si la délivrance porte atteinte à l’efficacité de l’enquête, à la présomption d’innocence, ou relève de l’un des cas mentionnés au II. »

« IV. Dans les cas prévus aux II et au III, la délivrance peut être accordée, par décision motivée, après occultation de la décision ou après suppression de tout ou partie des motifs de celle-ci. »

« V. Dans les cas prévus au I, le procureur de la République ou le procureur général peut également décider par décision motivée de n’accorder la délivrance d’une copie qu’après occultation ou après suppression de tout ou partie des motifs de la décision lorsque la communication de ces éléments d’identification ou de ces motifs est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision ou de leur entourage, aux intérêts fondamentaux de la nation, au secret médical ou aux secrets en matière commerciale et industrielle.
Cette décision peut également être prise en l’absence de demande de délivrance de copie pour le cas où une telle demande serait déposée. »

« VI. Les décisions prévues au II, au deuxième alinéa du III, au IV et au premier alinéa du V sont notifiées à la personne intéressée et peuvent faire l’objet d’un recours dans le délai d’un mois suivant leur notification devant le président de la chambre de l’instruction. »

« VII. Lorsqu’elles sont délivrées à des tiers en application des dispositions du présent article :

  1. Les copies des décisions rendues par les cours d’assises ne doivent pas mentionner l’identité des jurés ;
  2. Les copies des décisions rendues par les tribunaux pour enfants ne doivent pas mentionner l’identité des assesseurs ;
  3. Les copies de décisions rendues par les chambres de l’application des peines des cours d’appel composées conformément au deuxième alinéa de l’article 712-13 ne doivent pas mentionner l’identité des deux assesseurs responsables d’associations. » »

« VIII. Lorsque la décision a fait l’objet d’une occultation des éléments d’identification en application du II de l’article R. 111-10 ou de l’article R. 111-11 du code de l’organisation judiciaire, la copie délivrée aux tiers comporte la même occultation à l’exception des éléments permettant d’identifier les magistrats et les membres du greffe. »

« IX. Un arrêté du ministre de la justice fixe la liste des crimes et délits pour lesquels les copies des décisions rendues dans des procédures concernant ces infractions ne peuvent être délivrées à des tiers en application du présent article qu’après suppression des mentions relatives à l’identité des personnes ayant concouru au déroulement de la procédure, à l’exception de celles relatives à l’identité des magistrats, des greffiers et des avocats. »

« X. Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’accès aux jugements exercé en application des articles L. 213-1 à 5 du code du patrimoine. »

 

Décisions administratives

Dispositions relatives à la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives

Article 1er 

Il est inséré, dans la section 6 du chapitre premier du titre IV du livre VII du code de justice administrative, deux articles ainsi rédigés :

« Article R. 741-13. - I. Le Conseil d’État est responsable de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions administratives, prévue à l’article L. 10, dans les conditions définies au présent article. Les décisions juridictionnelles rendues par le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs sont mises à la disposition du public dans un délai de deux mois à compter de leur date. »

« II. Sur décision du président de la formation de jugement ou bien du membre du Conseil d’État ou du magistrat ayant rendu la décision concernée, les éléments autres que ceux dont la loi prévoit l’occultation dans tous les cas, permettant d’identifier les personnes physiques, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou à ceux de leur entourage.
Si leur divulgation présente le même risque à l’égard des membres du Conseil d’État, des magistrats, des agents de greffe ou de l’entourage de ces personnes, leurs noms et prénoms, ainsi que les éléments permettant de les identifier, sont occultés, selon le cas, sur décision du président de la section du contentieux du Conseil d’État, du président de la cour administrative d’appel ou du président du tribunal administratif. »

« Article R. 741-14. - Toute personne intéressée peut introduire, à tout moment, auprès d’un membre du Conseil d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État, une demande d’occultation ou de levée d’occultation des éléments d’identification mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 10.
Il n’est pas fait droit aux demandes abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
Le membre du Conseil d’État mentionné au premier alinéa se prononce dans un délai de deux mois sur la demande d’occultation ou de levée d’occultation. »

Article 2

L’article R. 751-7 du code de justice administrative est ainsi modifié : 
La seconde phrase est supprimée ;
L’article R. 751-7 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les tiers peuvent se faire délivrer, dans les conditions prévues à l’article L. 10-1, une copie simple de décisions précisément identifiées.
Les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont préalablement occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou à ceux de leur entourage.
Lorsque la décision a fait l’objet d’une occultation des éléments d’identification en application du II de l’article R. 741-13 ou de l’article R. 741-14, la copie délivrée aux tiers comporte la même occultation, à l’exception des éléments permettant d’identifier les membres du Conseil d’État, les magistrats et les agents de greffe.
Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’accès aux jugements exercé en application des articles L. 213-1 à 5 du code du patrimoine. »

Article 3

À l’article R. 311-1 du code de justice administrative, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
«  Des recours dirigés contre les décisions d’occultation ou de levée d’occultation prises en application des dispositions de l’article R. 741-14 ou du deuxième alinéa de l’article R. 751-7. Le président ou un président adjoint de la section du contentieux du Conseil d’État statue par ordonnance sur ces recours. »