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Ordonnance de protection : souplesse des conditions de sa délivrance

Le juge aux affaires familiales qui délivre une ordonnance de protection, car il estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel est exposée la victime, peut interdire au défendeur d’entrer en relation avec l’enfant de la victime, sans devoir se prononcer sur l’existence d’un danger spécifiquement encouru par l’enfant.

Créé par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, amélioré par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 (v. not., REGINE, Commentaire de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes n° 2014-873 du 4 août 2014, D. 2014. 1895 ), le mécanisme de l’ordonnance de protection permet, en cas de violences alléguées et de danger par l’un des membres du couple considérés comme vraisemblables, l’éloignement du compagnon violent par le juge aux affaires familiales investi de prérogatives relevant classiquement de celles du juge répressif (C. Gatto, L’enfant face aux violences conjugales, AJ fam. 2013. 271 ). Le magistrat peut également prendre d’autres mesures et, notamment, interdire au compagnon violent d’entrer en contact avec une autre personne, tel que l’enfant de la victime (commun du couple ou non). La question se posait alors de savoir si, pour justifier une telle mesure, seule suffit la démonstration de violences et d’un danger vraisemblables à l’égard de la victime qu’est la compagne ou si les juges du fond doivent caractériser un danger spécifique pour l’enfant : la Cour de cassation, dans sa décision du 23 mai 2024, opte pour la première solution et opère ainsi une application souple des conditions de délivrance d’une telle ordonnance.

En l’espèce, une femme a obtenu en urgence du juge aux affaires familiales, saisi le 23 mars 2022, une ordonnance de protection à l’égard de son conjoint. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 20 octobre 2022, qui a jugé qu’il existait des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables les violences alléguées par l’épouse et le danger auquel elle était exposée. Dans ce cadre, le conjoint s’est vu accorder un droit de visite pour voir l’enfant commun du couple mais il lui a été interdit de le recevoir, de le rencontrer ou d’entrer en relation avec lui à toute autre occasion.

Celui-ci a formé un pourvoi en cassation pour contester ces dernières mesures qui l’empêchent de voir régulièrement son enfant. Il reproche à la cour d’appel de ne pas avoir expliqué en quoi ce dernier était exposé à un danger, privant ainsi sa décision de base légale pour défaut de motivation. En effet, selon lui, les juges du fond auraient dû distinguer la situation de la mère de celle de l’enfant : ils ne pouvaient déduire l’existence d’un danger pour l’enfant de l’existence d’un danger et de violences auxquels serait exposée la mère, au regard des articles 515-9 et 515-11 du code civil.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 23 mai 2024, rejette ce raisonnement et, de fait, le pourvoi. Elle reconnaît aux juges du fond le pouvoir d’interdire tout contact entre l’enfant et le père – en-dehors du droit de visite organisé – sur le seul motif de l’existence vraisemblable de violences subies par la mère et du danger auquel elle est exposée. À ce...

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