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En dépit de la décision n° 2020-843 QPC, le Conseil d’État continue à examiner la légalité des ordonnances non ratifiées après l’expiration du délai d’habilitation. Mais y a-t-il vraiment désaccord entre les deux ailes du Palais-Royal ou plutôt nouvelle répartition des rôles ? Plusieurs éléments plaident en faveur de la seconde branche de l’alternative.
par Marie-Christine de Monteclerle 9 juillet 2020
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État s’opposent-ils réellement sur la valeur juridique des ordonnances non ratifiées ou sont-ils en train de faire bouger les lignes de concert ? C’est la question que de nombreux spécialistes se posent après un arrêt du Conseil d’État du 1er juillet, suivi deux jours plus tard par une décision du Conseil constitutionnel.
La source de ces interrogations est la décision n° 2020-843 QPC (Cons. const. 28 mai 2020, n° 2020-843 QPC, Force 5 (Assoc.), AJDA 2020. 1087 ; D. 2020. 1390, et les obs. , note T. Perroud ), dans laquelle le Conseil constitutionnel estimait qu’après l’expiration du délai d’habilitation, les dispositions d’une ordonnance, même non ratifiée, « doivent être regardées comme des dispositions législatives ». Une partie de la doctrine s’est émue de voir ainsi promus au rang de lois des textes que le Parlement n’aura pas approuvés. Une autre partie s’est interrogée sur une remise en cause de la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle les ordonnances non ratifiées constituent des actes administratifs susceptibles de recours devant lui (CE, ass., 24 nov. 1961, Fédération nationale des syndicats de police, Lebon 658).
Or, par un arrêt du 1er juillet (n° 429132), le Conseil d’État a examiné au fond un recours contre une ordonnance non ratifiée. L’analyse au Lebon de cette décision porte uniquement sur la solution implicite selon laquelle le Conseil d’État est compétent pour connaître d’un recours pour excès de pouvoir contre une ordonnance non ratifiée, même après l’expiration du délai d’habilitation.
Le 3 juillet, le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la Cour de cassation sur la prolongation automatique des détentions provisoires pendant l’état d’urgence sanitaire, affine son raisonnement sur les ordonnances non ratifiées. Il indique ainsi que « si le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution prévoit que la procédure d’habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances se clôt, en principe, par leur soumission à la ratification expresse du Parlement, il dispose qu’elles entrent en vigueur dès leur publication. Par ailleurs, conformément à ce même alinéa, dès lors qu’un projet de loi de ratification a été déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances demeurent en vigueur y compris si le Parlement ne s’est pas expressément prononcé sur leur ratification. Enfin, en vertu du dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, à l’expiration du délai de l’habilitation fixé par la loi, les dispositions d’une ordonnance prise sur son fondement ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
Il précise surtout que si « les dispositions d’une ordonnance acquièrent valeur législative à compter de sa signature lorsqu’elles ont été ratifiées par le législateur, elles doivent être regardées, dès l’expiration du délai de l’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité. »
La compétence du Conseil constitutionnel dépendrait donc moins de la ratification effective de l’ordonnance que de l’invocation « des droits et libertés que la Constitution garantit ». Et n’exclurait pas forcément la compétence du Conseil d’État pour tout autre motif d’illégalité. C’est ce semble confirmer le commentaire officiel de la décision n° 2020-843 QPC, mis en ligne récemment. Celui-ci indique que le Conseil s’est reconnu compétent « pour contrôler, par la voie de la QPC, la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions d’une ordonnance non ratifiée ». Et surtout que cette évolution « ne remet naturellement pas en cause les autres voies de recours permettant de contester ces dispositions, au regard d’autres motifs que leur conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis ».
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