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Ordres professionnels : précisions relatives à la compétence de l’Autorité et à l’imputation des pratiques anticoncurrentielles

Si les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique, et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution ou de services au sens de l’article L. 410-1 du code de commerce, entrant dans son champ d’application, ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence, il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leur décision hors de cette mission ou ne mettent en oeuvre aucune prérogative de puissance publique. Tel est le cas des pratiques par lesquelles un ordre professionnel diffuse une méthode de calcul des prix et met en place un système de contrôle des prix par des mesures de contrainte et menaces de procédures disciplinaires ayant pour finalité d’encadrer tant l’offre que la demande en matière de maîtrise d’ouvrage pour la construction d’ouvrages publics, lesquelles ne relèvent pas de la mission de service public qui lui est confiée ni des prérogatives de puissance publique qui lui étaient conférées pour cette mission. Il s’ensuit que c’est à bon droit que la cour d’appel de Paris retient que l’Autorité de la concurrence était compétente pour examiner de telles pratiques, de nature à entrer dans le champ d’application de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce.

Par un arrêt du 1er février 2023 ayant vocation à être publié au Bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’Ordre des architectes contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 15 octobre 2020 qui confirmait, pour l’essentiel, la décision de condamnation de l’Autorité de la concurrence (Aut. conc. 30 sept. 2019, n° 19-D-19, AJCT 2020. 40, obs. R. Bony-Cisternes ). Elle apporte, ce faisant, d’utiles clarifications sur le champ de compétence de l’Autorité et l’imputabilité des pratiques.

Pour mémoire, l’Autorité avait sanctionné l’Ordre des architectes pour une entente commise dans le secteur des marchés publics de maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics en France. Les pratiques en cause prenaient la forme, d’une part, de la diffusion d’une méthode de calcul d’honoraires contraignante à l’ensemble des architectes de plusieurs régions et, d’autre part, de la diffusion d’un modèle de saisine de la chambre de discipline en cas d’allégation de concurrence déloyale contre les architectes ne respectant pas cette méthode (en pratiquant des prix trop bas). Pour cette entente, l’Ordre des architectes avait été condamné à une amende de 1,5 million d’euros tandis que six sociétés d’architectes et quatre architectes était condamnés à payer 1 € symbolique chacun.

La cour d’appel de Paris avait confirmé l’intégralité de la décision de l’Autorité à l’exception des développements tenant à la motivation du caractère proportionné de la sanction, notamment au regard des ressources effectives dont disposait l’Ordre. En vertu de l’effet dévolutif du recours, la cour d’appel a alors statué à nouveau sur ce point et a estimé qu’au regard du détail des ressources de l’Ordre, la sanction d’1,5 million d’euros n’était pas disproportionnée.

Devant la Cour de cassation, l’Ordre des architectes faisait notamment valoir deux moyens, chacun rejeté, qui donnent l’occasion à la Cour de cassation d’apporter des éclaircissements bienvenus. Ces moyens portaient d’une part sur le champ de compétence de l’Autorité à connaître de pratiques mises en œuvre par des organismes exerçant une mission de service public et/ou disposant de prérogatives de puissance publique et, d’autre part, sur l’entité à laquelle les pratiques en cause pouvaient être imputées.

Clarification de la répartition des compétences entre l’Autorité de la concurrence et le juge administratif

La cour d’appel de Paris avait confirmé la compétence de l’Autorité de la concurrence pour connaître des pratiques mises en œuvre par l’Ordre des architectes au motif que celles-ci constituaient un exercice « manifestement inapproprié » des prérogatives de puissance publique confiées à l’Ordre. Selon la juridiction de contrôle, la compétence de l’Autorité en matière de pratiques mises en œuvre par ce type d’organismes était établie dans trois hypothèses, à savoir lorsque (i) les organismes interviennent par leurs décisions hors de leur mission de service public, (ii) ils ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique ou (iii) les pratiques relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique ont été mises en œuvre de manière manifestement inappropriée et sont donc détachables de la mission de service public et ainsi de l’appréciation d’un acte administratif.

La cour d’appel de Paris relevait alors que les pratiques en cause intervenaient dans un secteur concurrentiel (celui des prestations d’architecte) régi par le principe de la liberté des prix. Elle ajoutait qu’il n’entrait pas dans les missions dévolues par la loi à l’Ordre des...

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