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Article

Où la prohibition du formalisme excessif fait encore plier la rigueur de l’appel à jour fixe
Où la prohibition du formalisme excessif fait encore plier la rigueur de l’appel à jour fixe
Saisie d’une fin de non-recevoir soulevée par l’intimé tirée de ce que la copie de l’ordonnance jointe à l’assignation à jour fixe n’est pas signée, la cour d’appel est tenue de vérifier sa concordance par rapport à l’exemplaire de cette ordonnance signée et datée qui doit figurer au dossier de procédure en vertu de l’article 918 du code de procédure civile. C’est seulement à défaut d’intégrité de la copie de l’ordonnance jointe à l’assignation que la sanction de l’irrecevabilité est encourue : toute autre interprétation relèverait d’un formalisme excessif.

La prohibition du formalisme excessif telle que maniée par la Cour de cassation fait actuellement des ravages au sein du code de procédure civile. C’est du moins l’opinion – défendable et légitime – d’une partie de la doctrine et de la pratique, qui craignent que le droit français verse à terme dans la souplesse excessive, également condamnée par la Cour de Strasbourg au nom du droit à un procès équitable (sur quoi, v. not., C. Bléry, Appel d’un jugement d’orientation : voie électronique… sauf excès de formalisme, Dalloz actualité, 16 déc. 2024 ; C. Bléry, Le formalisme excessif de la procédure civile dématérialisée : une soupape de sécurité mais pas la panacée, in Procédure civile sans frontières, Mélanges en l’honneur de Natalie Fricero, Dalloz, 2024, p. 25).
À nous, le chemin paraît encore long avant d’en arriver là, étant rappelé que la France vient d’être (à nouveau) condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour excès de formalisme en procédure civile (CEDH 21 nov. 2024, Justine c/ France, n° 78664/17, Dalloz actualité, 3 déc. 2024, obs. A. Victoroff ; AJDA 2024. 2198 ). Il nous semble plutôt que la prohibition du formalisme excessif telle que maniée par la Cour de cassation fait salutairement le ménage dans le code de procédure civile et la jurisprudence qui lui est classiquement associée. Le présent arrêt en fournit une belle illustration à notre estime.
Un litige se noue devant un tribunal de commerce. Par déclaration du 28 avril 2021, il est interjeté appel du jugement de la juridiction consulaire ayant rejeté son exception d’incompétence. Il s’agit alors de ce qu’on nomme communément un « appel-compétence », successeur au contredit. Or l’appel-compétence présente la particularité d’être, selon l’article 84 du code de procédure civile, un « jour fixe imposé » : l’appelant doit être autorisé à assigner à jour fixe par le premier président de la cour d’appel. En l’espèce, la présidente de chambre, sur délégation de son premier président, autorise le jour fixe par ordonnance du 7 mai 2021. L’appelant assigne les intimés au jour fixé.
Il joint néanmoins à son assignation une copie non signée de l’ordonnance autorisant l’appel à jour fixe, ce que ne manque pas de relever un intimé sous forme de fin de non-recevoir.
La cour d’appel dit l’appel irrecevable en se contentant, pour ainsi dire, de cette seule circonstance.
Pourvoi est formé. Le requérant fait valoir qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif, compte tenu du fait que seule la signature faisait défaut sur la copie de l’ordonnance jointe : il n’y avait « aucune autre différente quant au contenu de cette décision, sa motivation et sa date ». En somme, seule manquait la signature du magistrat (ce qui n’est néanmoins pas rien, est-on tenté d’ajouter en première analyse).
Après avoir estimé le moyen recevable, la Cour de cassation fait droit au pourvoi au visa des articles 85, alinéa 2, et 920, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, placés sous le haut patronage de l’article 6, § 1, de la Convention des droits de l’homme.
Tout d’abord, la deuxième chambre civile souligne, à raison, qu’en fait d’appel-compétence, « l’ordonnance du premier président n’a alors pour objet que de fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité » (§ 9).
Le conclusif suit peu après : « saisie d’une fin de non-recevoir soulevée par l’intimé tirée de ce que la copie de l’ordonnance jointe à l’assignation n’est pas signée, la cour d’appel est tenue de vérifier sa concordance par rapport à l’exemplaire de cette ordonnance signée et datée qui doit figurer au dossier de la procédure en vertu de l’article 918 du code de procédure civile. C’est seulement à défaut d’intégrité de la copie de l’ordonnance jointe à l’assignation, que la sanction de l’irrecevabilité est encourue et toute autre interprétation relèverait d’un formalisme excessif » (§ 11).
Faisant application de ce considérant pédagogique, la deuxième chambre civile casse l’arrêt déféré pour violation de la loi et renvoie la cause devant une cour d’appel.
C’est là une censure inattendue en première analyse, car la solution adoptée par le juge d’appel semble conforme aux textes et à la jurisprudence classique. Elle était néanmoins prévisible dans une certaine mesure, car, en fait d’appel à jour fixe, la dernière tendance jurisprudentielle est au desserrement, motif pris de la prohibition du formalisme excessif.
Une censure inattendue
En l’espèce, la cour d’appel n’a pas manifestement fauté ni commis d’excès de zèle au regard des principes de solution classiques.
L’appel-compétence est un jour fixé imposé, comme indiqué tantôt, ce qui implique, en procédure avec représentation obligatoire, que l’appelant requiert du premier président l’autorisation d’assigner à jour fixe, lequel est forcé de l’accorder sans qu’il soit nécessaire de caractériser un péril imminent.
Même s’il y a quelques particularités (v. not., M. Barba, Appel-compétence et procédure à jour fixe : specialia generalibus derogant, Dalloz...
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