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Outrage envers une personne chargée d’une mission de service public : application à un gardien d’immeuble employé par un organisme de logement social

Dans un arrêt du 8 avril 2025, la chambre criminelle précise les contours de la notion de « personne chargée d’une mission de service public » au sens de l’article 433-5 réprimant l’outrage, en l’appliquant au cas d’un gardien d’immeuble employé par un organisme de logement social.

Les délits d’outrage du code pénal sont à l’honneur de l’actualité jurisprudentielle de ce début de printemps 2025 : deux semaines après un arrêt relatif au délit d’outrage envers un magistrat de l’article 434-24 dudit code (Crim. 25 mars 2025, n° 23-85.517 F-B, Dalloz actualité, 16 avr. 2025, obs. S. Lavric), la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser, dans un arrêt du 8 avril 2025, les contours du délit d’outrage à personne chargée d’une mission de service public, prévu par l’article 433-5 du même code.

Poursuivie sur ce fondement, une femme a été déclarée coupable en première instance et condamnée à indemniser le préjudice de la plaignante, gardienne d’immeuble pour le compte de la Régie immobilière de la ville de Paris, constituée partie civile. Saisie de l’appel de la prévenue et de l’appel incident du ministère public, la Cour d’appel de Paris a finalement prononcé une relaxe, et débouté la partie civile de ses demandes au motif que son employeur est une société anonyme à conseil d’administration et qu’il n’est pas établi que la plaignante se soit vu confier la gestion d’une politique publique et soit ainsi chargée d’une mission de service public (Paris, 10 nov. 2023). Sur le pourvoi de cette dernière, la chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par les seconds juges en ses seules dispositions civiles, constatant que la relaxe prononcée avait acquis autorité de la chose jugée.

Sans révolutionner profondément la matière, l’arrêt rendu en l’espèce par la Haute juridiction est avant tout l’occasion de confirmer, en la précisant, son acception de la notion de « personne chargée d’une mission de service public » dans le contexte d’un délit d’outrage.

L’indifférence d’un pouvoir de décision au nom de la puissance publique

La chambre criminelle débute sa réponse au pourvoi par le visa de l’article 433-5 du code pénal, pour rappeler que « constituent un outrage les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ». Inséré dans un chapitre consacré aux « atteintes à l’administration publique commises par les particuliers », lui-même situé dans un titre relatif aux « atteintes à l’autorité de l’État », cet article (comme d’ailleurs l’art. 434-24 réprimant l’outrage envers un magistrat) punit une forme d’irrespect allant au-delà (du latin ultra ayant donné naissance à la préposition « outre ») de ce qui est tolérable, pour constituer ce que d’aucuns qualifient d’« acte de défi » (v. E. Dreyer, La notion d’outrage, Gaz. Pal. 30 avr. 2018, n° 16, p. 74).

Il était ainsi question, dans l’arrêt commenté, de faits visant une personne chargée d’une mission de service public, au sens de l’alinéa 1er de l’article 433-5. En effet, si les peines encourues à titre principal (une amende d’un montant de 7 500 € et, depuis la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024, une peine de travail d’intérêt général) sont alourdies (not., par un emprisonnement) lorsque l’outrage visant une telle personne lui est adressé « à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l’occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d’un tel établissement » (al. 3), ou bien lorsqu’il est commis en réunion (al. 4), elles le sont encore davantage lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, à un sapeur-pompier ou à un marin-pompier dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses missions (al. 2 et 4). Certains représentants de la chose publique reçoivent donc de la loi pénale une protection supérieure. C’est en particulier le cas des dépositaires de l’autorité publique, qui tirent cette qualité de l’exercice d’un « pouvoir de décision et de contrainte sur les individus ou sur les choses » (Rép. pén., Outrage, par V. Delbos, n° 21), à la différence des personnes chargées d’une mission de service public. On observera toutefois que cette distinction est quelque peu brouillée en droit de la presse, où la qualité, voisine, de « citoyen chargé d’un service public » (Loi du 29 juill. 1881, art. 31, al. 1er) semble réservée « à celui qui accomplit une mission d’intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance...

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