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Outrage à magistrat : le caractère public des propos n’exclut pas la qualification

Toute expression outrageante, qu’elle s’adresse directement ou par la voie d’un rapporteur nécessaire à un magistrat de l’ordre judiciaire, dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de cet exercice, entre dans les prévisions de l’article 434-24 du code pénal, même si elle présente un caractère public. 

La ligne de démarcation entre l’application du droit commun et celle du droit pénal spécial de la presse peut s’apparenter à une ligne de crête quand des propos outrageants ont été proférés publiquement. C’est ce qu’illustre cette décision de la chambre criminelle qui concerne des propos offensants à l’égard d’un magistrat de l’ordre judiciaire publiés sur Facebook.

Un individu a été poursuivi devant le tribunal correctionnel notamment pour outrages à magistrat commis par des publications sur sa page Facebook au préjudice de la juge aux affaires familiales qui intervenait dans le litige l’opposant à son ex-compagne relativement à leur enfant commun. Le premier juge l’a déclaré coupable et condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils. Sur l’appel du prévenu, la Cour d’appel (Agen, 16 août 2023) l’a cependant relaxé au motif que les propos tenus à l’égard de la partie civile, dès lors qu’ils revêtaient un caractère public, ne pouvaient être poursuivis que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Saisie par le parquet général et la partie civile, la chambre criminelle casse et annule l’arrêt d’appel mais en ses seules dispositions civiles, dès lors qu’elle conclut à la déchéance du pourvoi du procureur général, dont le mémoire est parvenu hors délai (au-delà du délai d’un mois prévu par l’art. 585-2 c. pr. pén. et sans qu’aucune dérogation n’ait été sollicitée). Statuant au visa de l’article 434-24 du code pénal, la Haute Cour estime que la cour d’appel ne pouvait pas relaxer le prévenu au seul motif que les propos litigieux présentaient un caractère public, mais qu’il lui appartenait de rechercher, alors qu’elle constatait que la partie civile savait que le prévenu postait sur son compte Facebook des messages relatifs à la procédure, si les propos litigieux, la prenant explicitement à partie, ne s’adressaient pas directement à elle, auraient-ils même été tenus publiquement.

La qualification d’outrage et les possibles conflits

L’outrage à magistrat est classé parmi les atteintes à l’autorité de l’État et constitue une atteinte à l’autorité de la justice. L’article 434-24 du code pénal punit ainsi d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € (2 ans et 30 000 € si les faits sont commis à l’audience) « l’outrage par paroles, gestes ou menaces, par écrits ou images de toute nature non rendus publics ou par l’envoi d’objets quelconques adressé à un magistrat, un juré ou toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de cet exercice et tendant à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont il est investi ». Ce texte ne définit pas l’outrage (pas plus que ne le fait l’art. 433-5 relatif à l’outrage envers une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public), mais il renvoie aux différents moyens par lesquels celui-ci...

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